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I.6 Évolution des nano-oxydes pendant la consolidation

I.6.2 Résultats expérimentaux disponibles

Les résultats expérimentaux caractérisant la cinétique de précipitation des nano-oxydes par application de divers traitements thermiques sont exposés par la suite. Ces résultats sont en trois parties décrivant la condition post-broyage (avant recuit), puis les évolutions de cinétique de précipitation en température, et pour finir les évolutions chimiques en température.

Les études les plus complètes, réalisées ex-situ, ont certainement été effectuées par Kim et al. en 2009 sur un acier ODS Fe-9Cr (ferritique / martensitique) [127] ainsi que par Oono et al. en 2018 sur un acier Fe-15Cr (purement ferritique) [128]. Kim et al. ont réalisé de nombreux traitements thermiques sur des poudres d’aciers ODS à différentes températures (600, 800, 960, 1100, 1180 et 1200℃) avec un maintien en température de 4 h. Un recuit à 1150℃ a aussi été effectué avec un temps de maintien variable (1, 2, 3, 4, 8, 15 et 30 h). Oono et al. ont suivi la même méthode en préparant des échantillons de poudres recuites de 600℃ à 1150℃ pour un maintien de 4 h également. Ces deux équipes ont alors réalisé des caractérisations par SAXS et par DRX dans l’objectif de suivre les tailles et la structure des nano-oxydes. Alinger et al. ont réalisé des consolidations par CIC à trois températures (850, 1000 et 1150℃) impliquant un maintien en température de 3 h. Ils caractérisent alors l’évolution des nano-oxydes principalement par diffusion de neutrons aux petits angles (SANS) [69].

Quelques études ont mis en œuvre des mesures in-situ pendant la chauffe. He et al. réalisent des maintiens en température à 400, 600, 800 et 1000℃, observant par SANS l’évolution des tailles de nano-oxydes [159], cette technique ayant cependant une réso-lution temporelle assez faible. La première étude proposant d’observer in-situ pendant une rampe de température (plus représentatif du procédé de consolidation des aciers ODS) la cinétique de précipitation des nano-oxydes a été proposée par Deschamps et al. en 2016 [71]. Ces observations ont été réalisées par diffusion de rayons-X aux petits angles (SAXS) in-situ permettant d’atteindre une résolution temporelle bien supérieure qu’en SANS (du fait du flux de photons X plus élevé que le flux de neutrons). Cependant, à cause de limitations techniques du four, la température mesurée n’a pas pu excéder 900℃, ce qui reste en dessous de la température finale de consolidation employée dans le procédé de fabrication (voir section I.2).

CHAPITRE I. ÉTAT DE L’ART

ODS Fe-9Cr [127]. Cette observation est aussi faite par Alinger et al. qui ont comparé des mesures SANS sur des poudres d’acier renforcé et non renforcé [69]. Williams et al. observent par SAT dans la condition post-broyage des amas en grande densité numérique (11.1023) [160]. He et al. n’observent pas ces inhomogénéités, ce qui peut s’expliquer par la gamme de vecteurs de diffusion q utilisée (voir Chapitre II section II.3.1 p. II.3.1) trop restreinte, la valeur maximale de q étant de 2 nm−1[159].

Les mécanismes conduisant à l’apparition de ces amas présents dans la condition post-broyage n’ont pas été expliqués de façon consensuelle. Ces amas pourraient pro-venir de résidus de broyage réduits en taille jusqu’à des proportions nanométriques. Ces amas résulteraient alors de la diminution en taille et l’amorphisation des oxydes Y2O3 [24, 60, 64, 127]. Il est aussi avancé que ces amas pourraient se former pendant le broyage, par le mouvement des atomes induits par le broyage. En effet, des résultats de simulation ab-initio montrent que l’Y et l’O ainsi que le Ti et l’O ont des interactions attractives [54-57]. De plus, la présence de lacunes dans la matrice Fe semble stabiliser la présence d’atomes d’Y en solution solide, abaissant fortement l’énergie nécessaire à la stabilisation de ces atomes dans la maille (l’espace libéré par la lacune permet à l’Y, plus volumineux, de se stabiliser) [57]. Ces lacunes pourraient ainsi permettre la formation et la stabilisation d’amas pendant le broyage.

La montée en température : cinétique de précipitation

En réalisant différents recuits sur des poudres d’acier ODS Fe-9Cr, Kim et al. montrent qu’un changement de taille significatif des nanooxydes se produit entre les recuits 600℃ -4 h et 800℃ - -4h [127] [127]. Oono et al. détectent de façon significative la présence de nano-oxydes dès le recuit à la plus basse température étudiée (600℃ - 4 h) [128]. Les résultats d’Alinger et al. semblent en accord avec ces observations, puisque des nano-oxydes sont aussi clairement identifiés dès la condition de recuit 850℃ par CIC (3 h de maintien). Dans tous les cas, une excellente résistance à la coalescence a été trouvée par tous ces auteurs, même pour les plus hautes températures observées. Il peut être intéressant de remarquer que, sur un acier ODS dont la nature des renforts est diffé-rente (Y-Al-O) mais le procédé très similaire, Massey et al. observent une augmentation significative de la taille des nano-oxydes entre 200℃ et 600℃ (la même gamme de tem-pérature) grâce à des analyses SANS in-situ [88]. La nature de la matrice étant un acier Fe-10Cr-11,5Al-0,15Zr-Y (CrAZY alloy), contenant à la différence de nos alliages de l’Al et un peu de Zr.

L’étude in-situ réalisée par Deschamps et al. [71] permet l’observation d’une crois-sance rapide des nano-oxydes dès 300℃. Le maximum de densité numérique de précipi-tés se situe entre 500 et 600℃ lorsque la densité numérique de nano-oxydes est calculée avec une hypothèse sur la nature des nano-oxydes (50% Y2Ti2O7- 50% Y2TiO5), constante

CHAPITRE I. ÉTAT DE L’ART

tout au long du traitement thermique. Une lente coalescence a ensuite été observée pen-dant le maintien en température. L’évolution du rayon moyen des précipités ainsi que l’intensité intégrée SAXS de cette étude est représentée sur la figure I.12.

FiguRe I.12 – Courbes issues de dépouillements SAXS montrant l’évolution des précipi-tés en terme de rayon moyen (a), et de l’intensité intégrée du signal SAXS (b) [71].

La montée en température : évolution chimique

Les seules caractérisations de l’évolution chimique des amas post-broyage jusqu’aux conditions consolidées dans les aciers ODS ont été réalisées - à notre connaissance - par Kim et al. et Oono et al. par des analyses DRX en rayonnement synchrotron [127, 128]. Sur un acier ODS ferritique / martensitique, Kim et al. observent d’abord la précipitation de phases Y2Ti2O7 pyrochlore et Y2TiO5 orthorhombique apparaissant simultanément entre 800℃ - 4 h et 960℃ - 4 h (Fig. I.13a). Dans le cas du traitement thermique isotherme à 1150℃ avec plusieurs temps de maintien, des Y2Ti2O7pyrochlores ont pu être identifiés dès la condition de maintien de 1 h (la durée la plus courte réalisée). La phase Y2TiO5

orthorhombique a été identifiée après un maintien de 4 h, leur apparition se produit donc entre 2 h et 4 h de maintien (Fig. I.13b). Oono et al. ont étudié un acier purement ferritique Fe-15Cr [128]. Sur cette nuance, aucune phase Y2TiO5 n’a pu être identifiée, même dans les conditions de recuits avancées (au maximum 1150℃ - 4 h). En revanche, des nano-oxydes Y2Ti2O7pyrochlores ont pu être identifiés et apparaissent entre 950 et 1000℃ sur les courbes DRX (Fig. I.13c et d).

CHAPITRE I. ÉTAT DE L’ART

(c)

(d)

(a)

(b)

FiguRe I.13 – Courbes d’intensités DRX d’un acier ODS Fe-9Cr évoluant avec la tempé-rature avec un maintien de 4 h (a), et évoluant avec le temps de maintien avec une tem-pérature de 1150℃ (b), issues de [127]. Mesures DRX sur un acier ODS Fe-15Cr montrant l’évolution des courbes d’intensité DRX avec la température pour un maintien de 4 h (c), et les figures de diffraction associées (d), issues de [128].