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La théorie du changement institutionnel pour rendre compte des relations économiques

Chapitre 2. L’économie institutionnaliste pour cerner les relations

2. La théorie du changement institutionnel pour rendre compte des relations économiques

relations économiques

En économie, la question du changement institutionnel a été largement investie d’abord avec le courant historique de Veblen qui a développé une approche évolutionniste des institutions. Le courant de la path dependency (dépendance de sentier) ou de trajectoire institutionnelle a

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par la suite été développé par les économistes évolutionnistes à la fin du XXè siècle, en reprenant les apports de Veblen (Chavance, 2007c).

Les travaux de North (1990), David (1985 ; 2000) et Arthur (1989) ont montré la pertinence de l'approche par la dépendance de sentier, l’intérêt de son utilisation pour appréhender différents phénomènes sociaux, politiques et économiques ainsi que les changements institutionnels. Les travaux de Mahoney (2000; 2001), Thelen (2003) et Boyer (2003) montrent que ce concept peut être utilisé pour analyser les changements institutionnels. Les analyses récentes d'histoire comparée et sociologique de Mahoney (op. cit.) ont fait resurgir le rôle déterminant de ce concept en montrant que les principaux résultats d'analyses politiques et sociales ne s'inscrivent ni dans des processus de courte durée ou uniques et encore moins dans des équilibres prévisibles.

En économie institutionnelle, le concept de dépendance de sentier est apparu comme essentiel dans l'analyse des changements institutionnels souvent rigides. North (op. cit.) montre, à partir de la dépendance de sentier, la difficulté ou l'impossibilité à changer ou à démanteler une institution lorsqu'elle est mise en place. L'émergence et le changement des institutions sont façonnés par des effets de verrouillage (lock-in) et de rétroaction. L'utilisation de ce concept a souvent expliqué les situations où un changement institutionnel souhaitable n'intervient pas, même si une amélioration du bien-être des individus concernés pourrait être envisagée. Elle signifie que l'histoire importe. Comprendre les choix d'aujourd'hui revient à retracer les évolutions incrémentales des institutions. Les choix effectués à l'instant (t) dépendent de ceux de (t – n).

Selon Mahoney (2000) et Pierson (op. cit.), les sociologues historiens emploient la dépendance de sentier dans une conception plus large se basant pour l'essentiel sur le fait que « les événements passés influencent ceux futurs » ou que « les trajectoires de développement futur sont empêchées ou verrouillées par celles du passé ». Cette conception selon laquelle les pas précédents dans une trajectoire particulière induisent davantage de mouvement dans la même trajectoire est bien capturée par le processus économique de «increasing returns»13 (Pierson, op. cit. ; David, 1985 ; 2000) ou encore d'auto-renforcement. Cette tentative d'expliquer la dépendance de sentier uniquement par les faits historiques peut paraître limitante et moins précise. En effet, Mahoney ne distingue pas exactement ce qui change et ce

13 Dans la littérature d'histoire économique, la logique de « increasing returns » a été utilisée pour expliquer la persistance de plusieurs technologies potentiellement inefficaces.

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qui demeure inchangé, ne spécifie pas exactement comment une attention sur des processus, des séquences et le temps soutiennent l'explication de la dépendance de sentier. Ce qui dépouille le concept de sa portée analytique. Les travaux théoriques de Mahoney et de Pierson ont apporté plus de clarté et de précision aux formulations en termes de « points de bifurcation » et de trajectoires historiques. Mahoney a contribué à plus de clarté analytique en spécifiant divers mécanismes endogènes de reproduction institutionnelle (Thelen, op. cit.). Il mobilise trois éléments d'analyse pour caractériser une dépendance de sentier à savoir, les moments critiques, la persistance structurelle et les séquences réactives.

Les analyses institutionnelles historiques des politiques cotonnières au Bénin par la dépendance de sentier quoique pertinentes pour évaluer les impacts des divers changements institutionnels (politiques et économiques) sur la production cotonnière et pour retracer les moments critiques et les reproductions institutionnelles mises en œuvre restent toutefois peu satisfaisantes pour bien comprendre les mécanismes endogènes dans les relations économiques et dans les logiques d’actions des individus.

Les notions de points de bifurcation et de dépendance de sentier qui ont structuré une grande part des travaux historico-institutionnels en indiquant un modèle d'équilibre ponctué rendent compte d'une part importante du développement institutionnel sur une longue période (Boyer, 2003 ; Thelen, 2003). Mais ces travaux historico-institutionnels ont souligné leur limites pour rendre compte pleinement des changements institutionnels endogènes. En particulier, l’analyse par la dépendance de sentier rend faiblement compte de la séparation ou de l'interdépendance institutionnelle, de la logique d'évolution endogène des institutions ou des changements "souterrains", de manière à mieux rendre compte des faits historiques passés (Thelen, op. cit.). Boyer (2003) souligne que l'hypothèse d'une séparation fonctionnelle mais d'une interdépendance des sphères économiques et politiques a ouvert un chantier original permettant d'analyser les relations mutuelles entre crises politiques et crises économiques. La vision un peu mécanique de la dépendance de sentier est souvent évoquée. Les analyses en termes de dépendance de sentier sont fondées généralement sur les notions de rendements croissants, de modèles d'équilibres ponctués, de rupture ou de continuité, de verrouillage ou de lock-in institutionnel. Ces analyses pour la plupart recherchent la genèse de formes particulières d'organisation dans le cadre de conjonctures ou de conditions historiques spécifiques. Elles voient les institutions comme le résultat de périodes historiques spécifiques ou de points de rupture qui produisent des configurations contraignants les développements

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postérieurs. Ainsi, le changement institutionnel est perçu comme le résultat de chocs exogènes qui viennent détruire des arrangements institutionnels stables antérieurs et ouvrent la voie à des innovations institutionnelles (Thelen, 2003). Toutefois, cette approche reste incomplète sur la manière dont les institutions elles-mêmes se transforment et évoluent en compatibilité avec les conditions économiques, politiques et sociales changeantes de manière à apprécier pleinement l'importance causale du passé.

Le fait que la dépendance de sentier soit trop centrée sur la notion de rendement croissant pour expliquer les mécanismes de reproduction et de verrouillage institutionnel (exemple du clavier QWERTY) ne permet pas de saisir la logique du changement et par conséquent cache une partie de l'histoire (Thelen, op. cit). Pour Boyer (op. cit.), la théorie de la dépendance de sentier ne prend pas en compte des changements institutionnels qui s'opèrent dans le temps et dans l'espace sous l'impact de leur propre dynamique interne. Ces genres de changements institutionnels procèdent de ce qu’il nomme endométabolisme. Dans ces cas, les transformations s'extériorisent peu et peuvent engendrer de grandes transformations. Les analyses institutionnalistes par la dépendance de sentier négligent en particulier la complexité des interactions qui régissent le fonctionnement des institutions (Boyer, 2003).

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