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Six règles de fonctionnement pour contrôler et encadrer les interrelations et

Chapitre 5. Libéralisation économique versus actions collectives des

2. Coordination du système coton après libéralisation

2.1. Six règles de fonctionnement pour contrôler et encadrer les interrelations et

La première règle de fonctionnement concerne l’établissement de prix unique pour la vente des intrants aux producteurs par les IDI. Cette règle existait déjà avec les innovations institutionnelles de la CFDT en 1952. Cette règle de prix unique, contradictoire avec une logique de concurrence, vise à établir l’ordre dans le processus de production cotonnière car tous les producteurs accèdent aux intrants dans les mêmes conditions de marché, quel que soit le lieu géographique de résidence. Cette règle procède d’une logique d’équité envers tous les producteurs, quelle que soit leur catégorie sociale. Elle permet d’éviter les discriminations entre producteurs et de privilégier des zones au détriment d’autres. Dans la logique de pur marché, les IDI, préféraient vendre les intrants dans les zones les plus faciles d’accès et où est concentrée la production de coton pour réduire les coûts de livraison, ou cibler les villages de grande consommation d’intrants pour rendre l’action économique plus efficace.

La seconde règle de fonctionnement concerne l’approvisionnement en coton-graine des usines d’égrenage chaque année avec les productions vendues par les producteurs. Cette règle visant la répartition de toute la production totale annuelle de coton-graine entre toutes les sociétés d’égrenage établit une relation de dépendance entre producteurs et égreneurs. L’égrenage est conditionné par la production de coton-graine. Un égreneur ne bénéficie de la répartition que s’il le souhaite et qu’il a rempli les conditions fixées par l’AIC pour acheter du coton-graine auprès des groupements de producteurs. Cette règle non concurrentielle de répartition contrôlée de la production avait pour but d’assurer l’accès équitable à l’égrenage pour tous les égreneurs à conditionner de payer la caution requise de 40% de la valeur marchande à la CSPR. La répartition de la production du coton-graine est décidée par l’AIC en fonction des capacités d’égrenage de chaque usine.

La troisième règle de fonctionnement oblige les égreneurs à acheter la totalité de la production de coton-graine en fonction des quotas alloués. Elle établit une relation d’ordre dans l’achat et l’égrenage du coton-graine entre égreneurs. Elle permet en effet d’acheter et de transformer toute la production et d’éviter les jeux de concurrence entre égreneurs pour l’achat du coton-graine dans les zones de production. Une production d’une zone donnée doit être entièrement achetée et transformée, et celle d’une autre zone ne doit pas être privilégiée.

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Le jeu concurrentiel pour le partage du marché d’achat du coton-graine est ainsi contrôlé et régulé légalement par les règles de fonctionnement.

La quatrième règle de fonctionnement oblige les producteurs à commercialiser toute leur production de coton-graine aux égreneurs nationaux attributaires des quotas. Elle définit d’abord une relation d’ordre entre producteurs pour la vente de la production et ensuite, une relation de dépendance entre producteurs et égreneurs. Les producteurs ont l’obligation de vendre toute leur production aux égreneurs pour que les usines d’égrenage puissent fonctionner. Ainsi, toute la production cotonnière d’une année donnée est entièrement commercialisée au cours de la même année au prix de l’année pour éviter les comportements spéculatifs. Dans la logique de pur marché, un producteur peut décider de ne vendre qu’une partie de sa production compte tenu des niveaux des prix d’échange et attendre pour vendre l’autre partie, lorsque les prix auront remonté. Ce comportement répond à une rationalité économique. La coordination institutionnelle répond à une stratégie collective de satisfaction de l’intérêt général.

Tant qu’il y a interaction entre actions collectives et actions individuelles, la cinquième règle de fonctionnement anticipe sur les relations de conflits et la nécessité d’instaurer des relations d’ordre entre IDI pour le partage du marché des intrants. Elle concerne la sélection annuelle des IDI par appel d’offre et leur agrément pour des quantités et des zones géographiques déterminées. Cette règle vaut pour réglementer le marché des intrants et contrôler légalement les comportements des IDI pour la répartition équitable des zones de livraison des intrants. Cette cinquième règle prévaut pour contrecarrer les jeux de concurrence entre IDI dans la répartition des communes productrices de coton. Un IDI peut viser une commune dans laquelle la consommation d’intrants est importante et délaisser une autre commune parce que la consommation d’intrants qui détermine le chiffre d’affaire est faible. Ce comportement induirait des relations concurrentielles entre IDI pour la répartition des communes consommatrices d’intrants.

Enfin, la sixième règle de fonctionnement concerne la prise en charge par l’AIC des fonctions non marchandes dites critiques qui accompagnent la production de coton. Elles sont dites critiques parce que, essentielles à la production cotonnière. La production des fonctions non marchandes critiques du coton traduit la relation de dépendance entre une production marchande et les productions non marchandes qui l’accompagnent et la conditionnent. Ces fonctions non marchandes appelées aussi facteurs non prix (Fok, 1999b) accompagnent

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annuellement de manière indissociée la production cotonnière. Elles regroupent la recherche cotonnière, la production de semences, multiplication de semences, traitement et distribution de semences, le contrôle de la qualité du coton-graine, l’appui conseil aux producteurs et à leurs groupements socio-professionnels, le classement de la fibre, l’entretien des pistes cotonnières pour le transport du coton-graine vers les usines d’égrenage, enfin la sécurisation des paiements et le recouvrement des crédits intrants.

Si les règles de fonctionnement pour la coordination multi-acteurs sont théoriquement supposées assurer le contrôle légal des différents acteurs en définissant les domaines d’actions, encadrer les comportements, elles posent toutefois la question de leur compatibilité avec une logique de libéralisation où les acteurs privés sont soumis à la concurrence pour le partage des parts de marchés et des profits économiques. Ces « working rules » renforcent les transactions de répartition et la cohésion sociale entre producteurs, assurent le contrôle légal des producteurs et des acteurs privés pour la répartition des ressources et préservent, pour chaque catégorie d’acteurs, la fonction d’utilité et la fonction d’identité.

Cependant les interactions entre acteurs peuvent devenir conflictuelles lorsque le contexte économique change. Selon Kaufman (2003), les problèmes des relations marchandes viennent du fait qu'elles se basent sur des comportements non coopératifs, sur des individus maximisateurs d'utilité. A chaque niveau de coordination, le respect des règles de conduite et le contrôle légal créent des relations de confiance mutuelle entre producteurs et stabilisent les transactions de répartition en les rendant sûres et certaines. En termes d'efficacité économique, ces institutions contribuent à réduire les coûts de transaction et les risques de coordination économique comme les comportements de passager clandestin qui se manifestent dans toute action collective. Les actions collectives de producteurs supposent l’élaboration des règles et des accords pour faciliter la coordination, le contrôle et la prise de décisions. L'hybridation entre processus de marchandisation et processus d'identification économique et sociale est restée temporairement stable et chaque producteur est contraint de respecter les règles de fonctionnement.

Pour autant que les acteurs respectent les règles de fonctionnement qui assurent le contrôle légal et les relations de long terme, la coordination peut fonctionner de manière suffisamment stable. Cette coordination multi-acteurs fondée sur des règles de fonctionnement peut être défaillante et instable dans une logique marchande de type concurrentiel où seuls les intérêts

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économiques priment. La primauté de relations économiques de profit sur les considérations collectives pourrait se révéler incompatible avec le fonctionnement marchand.

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