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Chapitre 4. Stabilité de la coordination du système coton par des actions

2. Emergence de formes d’organisation collective de la production

2.1. La création des Groupements villageois (GV)

Les abus de confiance et les décisions commerciales unilatérales de la CFDT pour la commercialisation du coton-graine dans les villages avec des relations asymétriques de marché ont fait comprendre aux producteurs, la nécessité de se prendre en charge en se mettant en communautés. Alors prend forme l’élaboration d’actions collectives par les producteurs pour assurer la commercialisation de leur production. L’émergence et le développement d'actions collectives et d’institutions formelles et légales de producteurs à travers les GV a commencé au Bénin en 1969-1970 parce que les producteurs n’étaient pas individuellement satisfaits du système de commercialisation des produits qui accroît l’incertitude. Ils n’étaient pas non plus satisfaits du mode de fixation et du niveau des prix d’achat du coton-graine que leur proposait l’acheteur.

Selon Enam et al.,(2008), l’introduction des GV dans les zones cotonnières en Afrique s’est développée pour responsabiliser les producteurs autour de la production spécifique de coton. Pour Fok (1993), cette initiative est arrivée précisément au moment où la crise de confiance entre sociétés cotonnières et producteurs s’est produite.

Au Bénin, face aux relations asymétriques qui caractérisent l’achat du coton-graine, les agents d’encadrement et de vulgarisation du Ministère du développement rural et de l’action coopérative (MDRAC) ont pris la décision d’accompagner les producteurs. Ces agents ont

28 Parfois les autorités traditionnelles villageoises servaient d’intermédiaire entre les producteurs et les agents de

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mis l’accent sur la nécessaire participation collective au développement par l’intermédiaire de structures socioprofessionnelles gérées et contrôlées par leurs membres et sur la création d’institutions villageoises (Agoua, 1981).

L’insertion du producteur en tant que membre d’une communauté dotée de règles de fonctionnement et exerçant une production marchande requière cependant un processus d’apprentissage collectif et un temps d’adaptation pour défaire les relations marchandes individuelles et la perception qu’ont les producteurs des relations asymétriques. Les actions collectives villageoises de producteurs pour accompagner la production marchande de coton- graine ont été suscitées et développées par les agents d’encadrement et de vulgarisation. Ils ont encouragé l'émergence des tous premiers GV dans les départements de l'Alibori et du Borgou. Ils ont procédé par la sensibilisation des producteurs sur la nécessité de se mettre en groupement dans les villages, par la sensibilisation des producteurs de payer les frais d'adhésion et de libérer les parts sociales afin de participer au vote devant désigner les responsables des GV, par la formation et l’alphabétisation fonctionnelle des responsables des GV.

Les premières initiatives de formation de GV pour favoriser la production et la commercialisation du coton-graine ont lieu dans des villages tests (Bodi, Bougou, Taîcou, Manta). Ces initiatives ont bénéficié du soutien financier du Fonds d’investissement et de développement économique et social (FIDES), l’organisme français chargé d'encourager le développement économique des anciennes colonies. Agoua (1981) rapporte qu’en 1970, même les producteurs ne pensaient pas vraiment qu’une organisation communautaire plaçant le producteur au centre des décisions était possible jusqu’au jour où la bascule pour peser le coton-graine est arrivé dans le village, le jour où le président a reçu les fonds pour payer les producteurs ayant commercialisé le coton-graine par l’intermédiaire du GV.

Les GV apparaissent comme une institution de protection sociale, formelle et légale des producteurs vis-à-vis des relations marchandes c'est-à-dire des acheteurs de leur production qui usaient des jeux de rapport de force dans la négociation et la persuasion pour leur acheter la production. Ils permettent à chacun des producteurs membres, d’appartenir à une communauté, de partager les valeurs communes de cette communauté et en même temps de produire le coton et de le commercialiser grâce à cette communauté. Les GV allient donc relations marchandes et relations non marchandes.

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Selon Fok (1993), les associations villageoises (AV) au Mali, expression de la capacité d’organisation des villageois pour assumer des tâches économiques, sont considérées comme un acquis particulièrement positif de la filière cotonnière malienne. La création des toutes premières AV dans la région de Fana date de 1973-74, campagne au cours de laquelle les paysans ont exprimé l’idée de s’organiser afin de prendre en charge leurs propres affaires à la suite d’une crise profonde de confiance avec les équipes d’achat de la Compagnie malienne de développement des textiles (CMDT). Le développement des AV résulte donc d’une crise et non d’une volonté délibérée des producteurs.

Ainsi, l’idée de formation des actions collectives de producteurs à l’échelle villageoise pour prendre en mains leur destinée et assurer leur coordination et le contrôle légal est née de la volonté d’adaptation communautaire des producteurs à la crise des relations marchandes. Les actions de sensibilisation et de formation des producteurs ont été par la suite menées par les agents d’encadrement des CARDER créés en 1975 par ordonnance n°75-84 du 29/12/75 dans chacun des départements du Bénin. Les CARDER avaient pour fonctions d’aider les producteurs organisés dans la commercialisation du coton-graine, des productions vivrières et d’autres productions commerciales. Ils avaient aussi pour missions d’organiser l’approvisionnement en intrants, la formation et la sensibilisation des producteurs et élaborer les principes et règles qui fondent une organisation communautaire exerçant une activité économique marchande.

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