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Les politiques cotonnières post libéralisation peu éclairées sous l’angle de la dialectique

Chapitre 3. Problématique et méthodologie

1. Les politiques cotonnières post libéralisation peu éclairées sous l’angle de la dialectique

l’angle de la dialectique marchand et non marchand

Certains travaux ont abordé les questions de performances économiques et des stratégies individuelles développées par les producteurs face aux crises cotonnières induites par la libéralisation. En empruntant la démarche d’analyse globale des exploitations agricoles, ces travaux ont analysé les adaptations en termes de production et de répartition des ressources. Avec cette approche systémique, Djongang, (2003) a montré l’importance de la trésorerie dans le fonctionnement global des exploitations agricoles en zone soudanienne du Tchad à travers l’étude des pratiques de gestion des producteurs en vue d’un appui-conseil adapté à leur réalité. Ses résultats montrent que les orientations économiques des producteurs (capitalisation dans l’élevage, autosuffisance avec recherche de revenu monétaire par le coton et les vivriers marchands) déterminent leur choix de production, leur fonctionnement et leur comportement. En Centrafrique, Kadekoy-Tigagué (2010) et MBetid-Bessane et Havard (2008) on montré que les producteurs s’adaptent à la libéralisation en réallouant les facteurs de production à d’autres cultures jugées moins risquées. Certains producteurs ont réduit leur superficie cotonnière, certains ont abandonné totalement la production cotonnière alors que d’autres continuent cette production. Mais leur caractéristique commune est qu’ils ne produisent pas exclusivement un seul bien agricole, mais ils développent des stratégies multifonctionnelles d’adaptation en produisant à la fois des biens agricoles marchands et des productions vivrières (Kadekoy- Tigagué, 2010). Gafsi et MBetid-Bessane (2003) ont montré que, individuellement et collectivement, les producteurs de coton en Centrafrique ont développé des stratégies pour s’adapter à la libéralisation. Collectivement, dans une stratégie offensive, les producteurs ont développé une stratégie organisationnelle d‘action collective pour se protéger contre les

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risques du marché (mutuelle et fonds de stabilisation paysans) et pour contrôler eux-mêmes un ou plusieurs métiers de la filière (approvisionnement, égrenage). Individuellement, ils ont diversifié leur production dans une logique défensive afin de minimiser les risques et de stabiliser leur revenu. Au Bénin, Minot et al., (2000a; 2000b ; 2001) montrent que face à la libéralisation du marché des intrants, les producteurs ont adapté leur comportement en réaffectant les facteurs de production (intrants, terre et travail) à d’autres productions.

Les travaux sur l’efficacité des formes de coordination des acteurs de la filière cotonnière en crise au Cameroun ont montré comment les relations contractuelles implicites et explicites en amont et en aval de la production sont plus ou moins bien assumées (Folefack, 2010). D’autres travaux ont traité de la question des changements institutionnels en analysant l’efficacité relative des différents modes de gouvernance. L’analyse du mode d'organisation (par une comparaison de la coordination hiérarchique et de la coordination marchande) des filières cotonnières africaines montre que l'intégration verticale serait plus efficiente pour leur prospérité. Les relations contractuelles à travers les formes hybrides peuvent s'avérer efficaces pour la pérennisation des filières cotonnières africaines (Hugon, 2005).

Fok (2010) a identifié les facteurs d'efficacité des politiques cotonnières assimilées à un ensemble d'arrangements institutionnels. L'efficacité des arrangements institutionnels dépend de leur contenu et des modalités de leur mise en œuvre. Cette efficacité institutionnelle est mesurée par la prise en compte du degré des coûts de transaction, des risques et incertitudes face aux contraintes/préoccupations des producteurs. Ces contraintes sont l'aversion pour le risque, l'absence de ressources financières, le manque de liquidité, l'imperfection des marchés financiers, l'absence de compétence, les coûts de transaction élevés pour l'obtention des intrants et la vente du coton-graine, l'équitabilité dans le niveau des prix. Pour la NEI, les institutions existent parce qu’elles sont efficientes. Elles sont nécessaires pour que les marchés fonctionnent efficacement et pour l’efficacité de l’action économique. Ménard (2003) souligne que le critère d’efficacité n’est pas le seul à prendre à compte, il y a aussi celui de l’équité. Ce critère d’efficacité ne dit rien non plus sur la stabilité des institutions. Des institutions parfaitement inefficaces en ce qu’elles empêchent l’essor des transactions ou accroissent sérieusement leurs coûts, peuvent en effet rester en place très longtemps (Greif, 1998).

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D’autres travaux ont montré que l’évolution de la production cotonnière est plus liée aux facteurs institutionnels qu’aux facteurs techniques (Fok, 1995) ou que la dynamique des systèmes coton est liée aux crises et contradictions entre les acteurs en présence (Fok, 1994). Alors que des travaux ont cherché à montrer la nécessité de libéraliser les filières cotonnières en raison de la faiblesse des prix payés aux producteurs par rapport au prix mondial du coton fibre (Pursell, 2001; Pursell et Diop, 1998), d’autres ont montré que la forme d’intégration est justifiée par les défaillances et imperfections des marchés agricoles africains (Fok et Tazi, 2003a; 2003b; 2004).

Tschirley et al.,(2006; 2008) et Tschirley et Labaste (2007) ont montré qu’au Bénin, le système coton, en passant d’un monopole public assuré alors par la SONAPRA à une forme hybride où interviennent des opérateurs privés et producteurs sous le contrôle d’institutions de régulation est caractérisé par de nombreuses défaillances. Ces défaillances portent sur le contrôle de la qualité du coton, la fourniture de la recherche, de la vulgarisation et des crédits intrants. L’analyse des défaillances du système de rémunération de la qualité du coton au Bénin a montré que les acteurs (avec des jeux de pouvoir différent) développent des comportements exclusivement de captation de la rente cotonnière, ce qui ne favorise pas et ne valorise pas le coton béninois sur le marché mondial (Yérima, 2005).

Les prix faibles payés aux producteurs comparés aux prix élevés de vente d’intrants résultent d’une mauvaise compétition entre les sociétés cotonnières d’une part et entre les sociétés de vente d’intrants de l’autre. Cela se traduit par une baisse des revenus des agriculteurs. L’analyse des relations entre acteurs dans la filière cotonnière du Bénin pour l’accès aux intrants montre le niveau élevé des coûts de transaction pour l’approvisionnement en intrants des producteurs (Honfoga, 2007). Fok (1999b) montre que la libéralisation dans le domaine des intrants agricoles en Afrique au Sud du Sahara est caractérisée par un relèvement des prix des intrants, accompagnée par une réduction voire une suppression totale des subventions sur les intrants.

La comparaison des réformes institutionnelles et la réorganisation des filières cotonnières ont été traitée (Goreux, 2003; Bourdet, 2004; Badiane et al., 2002; Baffes, 2002; 2004; Baffes et

al., 2004; Fok et Raymond, 1998). Si le Bénin, est l’un des rares pays à avoir rapidement

engagé une réforme totale de sa filière cotonnière en Afrique de l’Ouest francophone, en revanche, le rythme des réformes a été plus lent et moins soutenu au Mali et au Burkina Faso

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et ne sont pas de même nature et ni de même degré. L’analyse comparée des performances économiques entre le Burkina Faso, le Mali et le Bénin montre que ce dernier peut payer un prix à la production de coton-graine plus élevé à ses producteurs et un prix de vente des intrants plus compétitif à cause de l'avantage d'être un pays côtier, ce qui facilite l'acheminement des intrants agricoles importés et l’exportation des produits (Bourdet, 2004). Cet avantage comparatif ne peut prévaloir que lorsque les règles concurrentielles jouent entre les acteurs. Avec la prise de contrôle de la principale société d’égrenage par le principal distributeur privé d’intrants, le Bénin retournerait vers une situation de monopole national où un seul acteur dominerait à la fois le marché des intrants et celui du coton (Tschirley et Labaste, 2007). Pour Tschirley et al., (2008), la performance des systèmes coton dépend en partie de la compétition (concurrence) et de la coordination (contrôle) entre les acteurs. Dans les travaux antérieurs, la question de la relation conflictuelle entre l’organisation collective non marchande de la production cotonnière et les relations marchandes des acteurs du système coton au Bénin face aux effets de la libéralisation est peu abordée. Tel est l’objet de cette thèse. Les actions collectives des producteurs sont souvent analysées comme des institutions ou des formes de coordination permettant de réduire des coûts de transaction, de réduire les problèmes d'asymétrie d'information et de pallier aux défaillances de marché (Bernard et al., 2008; 2010; de Janvry et al., 1991, de Janvry et Sadoulet, 2002; 2003; Shiferaw et al., 2006).

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