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Chapitre 4. Stabilité de la coordination du système coton par des actions

2. Emergence de formes d’organisation collective de la production

2.5. Dialectique marchandisation versus identification économique et sociale

La référence au territoire villageois et les rapports du producteur à la communauté ont joué dans le processus de formation de GV pour accompagner l’insertion marchande des producteurs (commercialisation du coton-graine et approvisionnement en intrants). Les rapports à la communauté institutionnalisent dès lors les interrelations économiques entre producteurs appartenant au même village. Deux types de rapports contradictoires s’articulent de manière dialectique dans les interrelations qu’ils tissent dans leur communauté d’appartenance. D’un côté, un rapport de type marchand par lequel le producteur produit un bien économique, le commercialise en recevant un prix d’échange par rapport aux quantités commercialisées et sa qualité. D’un autre côté, un rapport communautaire et de solidarité dans lequel le producteur s’insère dans une communauté dotée de règles de fonctionnement, accepte et se conforme aux règles. L’articulation de ces rapports qui lient actions collectives et actions individuelles favorise les relations marchandes (commercialisation de la production avec un revenu d’échange et accès aux intrants nécessaires à la production). Ainsi, les relations économiques marchandes au sein des communautés villageoises de producteurs ne peuvent se réaliser exclusivement sans les relations de solidarité et inversement les relations de solidarité développées à l’intérieur des GV ont besoin des relations économiques marchandes puisque le producteur a besoin d’appartenir à un GV avant de recevoir les intrants pour produire et pour commercialiser le coton-graine. Les relations de solidarité ont besoin des relations marchandes pour fonctionner. Le GV ne peut fonctionner que parce qu’il y une production marchande qui fournit des ressources de fonctionnement, et les relations de solidarité n’existent que parce que les ressources provenant de la production marchande sont suffisantes. Ce sont les ressources provenant de la production marchande qui permettent au GV de payer les crédits intrants des producteurs défaillants si ceux-ci n’arrivent pas à payer leur dette. Ainsi, les relations de solidarité existent dans les communautés villageoises à cause même des productions marchandes. Le GV ne peut pas fonctionner uniquement suivant une logique de l’économie de solidarité s’il n’y pas une production marchande qui lui fournit les ressources nécessaires. De l’autre côté, il ne peut pas fonctionner exclusivement sur une logique exclusivement marchande sans inclure la logique collective et de l’économie de solidarité. Sans être membre d’un GV, le producteur ne peut commercialiser sa production et accéder aux intrants. C’est l’existence même d’une production marchande qui rend possible le

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fonctionnement du GV et des producteurs sur les deux plans des relations marchandes et non marchandes.

On peut donc s’apercevoir que les deux mouvements d’actions collectives et de solidarité d’une part et d’insertion marchande d’autre part restent associés et se combinent de manière dialectique au sein d’un même mécanisme économique de production et de répartition des ressources. L’insertion du producteur en tant que membre d’un GV favorise et conditionne les relations de solidarité mutuelle pour l’approvisionnement en intrants et la commercialisation du coton-graine. Réciproquement, le désir de produire le coton-graine, de le commercialiser et d’accéder aux intrants l’amène à s’insérer dans un GV puisque, individuellement, dans le cas précis de l’organisation du système coton au Bénin, il ne peut accéder aux intrants ni vendre sa production. Les deux processus, l’un de commercialisation et d’accès aux intrants qui implique que le producteur s’insère dans les relations marchandes, et l’autre, d’action collective par laquelle le producteur s’insère dans un GV pour que les relations marchandes puissent se réaliser, ne peuvent se faire l’un sans l’autre. Du coup, les GV qui pourraient se constituer autour des productions vivrières ne peuvent pas avoir les ressources monétaires qui permettraient leur existence, à moins qu’ils vendent (donc s’engagent dans un processus marchand) ces productions vivrières, mais alors, si elles sont vendues en partie, ces productions ne sont plus vivrières. Le processus de production cotonnière et de répartition des ressources entre producteurs au sein des communautés villageoises passe par des relations institutionnalisées et dialectiques. Ce qui fait la particularité du coton et de son système d’organisation par rapport aux productions vivrières.

Les actions collectives des producteurs reposent sur des engagements crédibles et sur les règles de fonctionnement pour favoriser les transactions et le contrôle légal sur la commercialisation de coton-graine et l’approvisionnement en intrants. L’organisation collective des producteurs engendre une adhésion de chacun aux valeurs et normes dont ils se dotent collectivement pour assurer leur coordination, l’ordre et la stabilité des actions. L’engagement crédible signifie que le producteur déclare ses intentions de production et ses besoins d’intrants et les respecte tout au long du processus. L’engagement crédible signifie aussi que le contrôle légal des membres du groupement peut être simplement assuré avec les règles de fonctionnement sans forcément qu’on recourt à la force publique étatique (police, gendarmerie) et/ou les tribunaux.

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Le contrôle collectif des actions individuelles a été une contribution déterminante dans la coordination économique et la stabilité des interrelations entre producteurs de coton. En effet, l’action individuelle d’un producteur pour s’approvisionner en intrants et commercialiser sa production de coton-graine dans son village ne peut se faire que dans le cadre d’une action collective. L’action individuelle du producteur s’inscrit dans une organisation collective pour la production et la répartition des ressources. Le producteur interagit avec les autres membres de la communauté par des relations institutionnalisées. Le marché n'apparait pas de lui-même, sans organisations, ni règles. C’est dans le cadre des relations non marchandes que les soubassements du marché sont produits. Les GV assurent le contrôle légal pour le contrôle physique, et ce contrôle légal domine dans les interrelations entre producteurs. Le contrôle légal qui relève du domaine institutionnel était plus déterminant que le contrôle physique sur les biens marchands. Il reste maintenant à identifier les participants et les règles de fonctionnement élaborées par les acteurs pour coopérer et pour se coordonner.

2.6.

Règles de fonctionnement pour dicter les normes de conduite par

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