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La présence de symptômes psychologiques associés au syndrome de surentraînement est reconnue depuis longtemps (Darling, Harvard Graduates Magazine 1901). Mais, une étude systématique sur le sujet n a pas eu lieu avant les recherches de William Morgan dans les années 1980. L utilisation du questionnaire « Profil Of Mood States (POMS) (Morgan et al., BJSM 1987) qui mesure les états d humeur a principalement été utilisé à cet égard. Les athlètes surentraînés/surmenés déclaraient systématiquement une élévation des humeurs négatives (tension, dépression, colère, fatigue, confusion) et une diminution de la vigueur pendant les périodes de très forte charge d entraînement. Des évaluations plus fréquentes indiquent que les états d humeurs présentent une relation dose-réponse avec l entraînement, de sorte que les perturbations psychologiques évoluent de façon graduelle lorsque les charges d entraînement augmentent en volume ou en intensité, montrant notamment une corrélation entre les pics d entraînement et une augmentation des scores au questionnaire psychologique. Inversement, un affûtage aboutit généralement à une réduction des humeurs négatives et à une augmentation de la vigueur de telle sorte qu à la fin d une période d affûtage les scores d humeur reviennent au modèle positif généralement observé en début de saison ; Morgan et son équipe (Morgan et al., BJSM 1987 ; Morgan et al., IJSM 1987 ; Raglin et al., IJSM 1991) nomment ce modèle d humeur associé aux charges d entraînement le « profil iceberg ». Les relations dose-réponse entre la charge d entraînement et l état de l humeur ont depuis été observées dans des études impliquant plus de 1000 athlètes dans différents sports nécessitant des charges d entraînement relativement importantes (Raglin & Wilson 2000). La littérature indique également que les réponses de l humeur ne semblent différer entre les hommes et les femmes pour de mêmes conditions d entraînement (Morgan et al., BJSM 1987 ; Raglin et al., MSSE 1990). Des modèles similaires « dose-réponse » ont également été observés à l aide de simples mesures d auto-évaluation des douleurs musculaires, de l appétit, des troubles du sommeil, de la sensation d abattement, et de la perception de l effort (Kenttä et al., IJSM 2001 ; Morgan et al., MSSE 1988 ; O Connor 1997 ; Raglin et Wilson 2000), indiquant que les réponses perceptives à l augmentation de l entraînement sont de nature globales et systémiques, bien que l ampleur du changement diffère selon les mesures réalisées (Morgan et al., IJSM 1988 ; Raglin et Wilson 2000).

(O Connor 1997) et des scores sur d autres échelles psychologiques, semblant plus précoces que certains marqueurs biochimiques couramment utilisés comme marqueurs du stress d entraînement tel que le cortisol (Coutts et al., IJSM 2007 ; O Connor et al., Psychoneuroendocrine 1989). De plus, il semble que les athlètes présentant des signes typiques de surmenage ou de surentraînement, montrent à la fois une plus grande augmentation de la perturbation d humeur et une forme différente de ce changement par rapport aux athlètes subissant la même charge d entraînement mais sans déclarer des symptômes de surmenage ou de surentraînement (Raglin & Morgan, IJSM 1994). Plus précisément, parmi les athlètes en bonne forme les scores de fatigue et de vigueur au POMS sont ceux montrant des changements plus marqués pendant le pic de surcharge d entraînement et le score de dépression est celui augmentant le moins dans les scores de POMS. A l inverse il semble que chez les athlètes surmenés le score de dépression soit celui qui augmente le plus de toutes les variables du POMS (Morgan et al., IJSM 1987). (Figure 10)

Figure 10. L ampleur des changements des états d humeurs au questionnaire POMS lors d une forte surcharge d entraînement chez des nageurs universitaires développant un syndrome de surentraînement ou pour qui la surcharge d entraînement était supportée (i.e. « en bonne santé »). D après et inspiré de Raglin &

Morgan (1994).

Les résultats précédents ont conduits à des tests de surveillance de l état d humeur dont l objectif est de permettre une modulation de la charge d entraînement dans le but de réduire les risques de surentraînement. Ce modèle d intervention pourrait impliquer la réduction des charges d entraînement pour des athlètes possédant des scores excessivement élevés démontrant une perturbation du score total au POMS (Berglund & Safstrom, MSSE 1994 ; Raglin, Handbook of research on sport psychology 1993). Inversement, les charges d entraînement peuvent être augmentées pour des athlètes présentant seulement des troubles mineurs de l humeur (Berglund & Safstrom, MSSE 1994).

Bien que la recherche soutienne généralement l utilisation des évaluations psychologiques pour identifier les personnes risquant de développer un état de surmenage ou de syndrome de surentraînement, plusieurs biais potentiels peuvent exister et limiter la précision de ces mesures. La plus problématique réside dans le fait que les participants peuvent fausser entièrement leurs questionnaires, en particulier ceux comprenant des éléments de natures sensibles ou personnelles (Meeusen et al., MSSE 2013). La forme la plus commune de déformation des réponses implique la désirabilité sociale ou l envie de « simuler que tout va bien » en répondant à ces items de manière systématiquement positive. Les facteurs pouvant augmenter le risque de déformation des réponses peuvent inclure la contrainte, les caractéristiques de la demande associée à l hypothèse expérimentale ou dans le cas d étude sur le surmenage/surentraînement « simuler une réponse inverse aux charges d entraînement » pourrait permettre de les diminuer. Mettre en place des questionnaires sur une période prolongée peut parfois également aboutir à une déformation des réponses, les participants pouvant venir à répondre d une façon aléatoire. Le risque de déformation des réponses peut être réduit en incluant des membres de l équipe de recherche qui soient formés à une mise en place rigoureuse des questionnaires psychologiques. L objectif est de rassurer les athlètes sur le fait que leurs données resteront confidentielles et ne seront pas utilisées à des fins de sélection. Mais également, pour leur expliquer la raison de l utilisation d évaluations psychologiques tout en soulignant qu il n y a pas de bonnes ou de mauvaises façon de répondre aux questionnaires si ce n est de les remplir consciencieusement (Meeusen et al., MSSE 2013).

Pour ces raisons ou d autres encore, des chercheurs ont développé des échelles d évaluation supposées plus sensibles au surmenage. Raglin & Morgan (IJSM 1994) ont créé l échelle « Training Distress Scale » (TDS) basée sur une analyse discriminante des données de POMS collectées sur 186 nageurs universitaires en bonne santé ou déclarés surentraînés. Les 7 items du TDS (cinq de dépression et deux de colère) semblent plus précis dans l identification des athlètes surentraînés par rapport aux évaluations réalisées avec les scores totaux de perturbation d humeur ou de dépression du POMS (Raglin et Wilson 2000). Une étude suivante utilisant les traductions dans différentes langues du TDS ont par ailleurs trouvé des scores très élevés chez de jeunes nageurs surentraînés (Kenttä et al., IJSM 2001). Par ailleurs, Kenttä et al. (EJSS 2006) ont créé une mesure de l indice d énergie à partir du POMS en soustrayant la fatigue des scores de vigueur dans une étude comprenant 11 Kayakistes élites réalisant un camp d entraînement intensif de 3 semaines. Les chercheurs ont demandé aux athlètes de compléter entièrement le POMS chaque jour avant et après

d énergie pourrait être un outil utile dans la détection des cas surmenage non fonctionnel en période intense d entraînement.

Plusieurs échelles de surmenage spécifiques au sport ont par la suite été développées en utilisant des hypothèses théoriques sur les facteurs psychologiques et comportementaux pouvant être associés au surmenage. Parmi celles-ci, la plus étudiée a été le « Recovery-Stress-Questionnaire » pour les athlètes (RESTQ-Sport) (Kellmann & Kallus 2011), un questionnaire de 77 items englobant 19 facteurs distincts qui évaluent à la fois le surmenage et la récupération chez les athlètes d endurance. La surveillance en direct des niveaux de stress et de récupération a le possible avantage de détecter de mauvaises adaptations (e.g. la somnolence, l apathie, la fatigue, l irritabilité) avant la survenue de symptômes de surmenage ou de surentraînement. Cependant, le stress d entraînement et la récupération sont souvent différents dans leur évolution dans le temps. Bien que des doutes aient été soulevés notamment sur sa structure par certains chercheurs (Davis et al., PSE 2007), la littérature indique que le RESTQ est sensible aux variations de charge d entraînement, en particulier chez les athlètes présentant des signes de surmenage (Kellmann & Gunther, MSSE 2000). D autres échelles visant à mesurer le surmenage mais moins bien documentées ont été établies comme le SFMS, un questionnaire à choix forcé de 54 éléments (i.e. oui ou non), qui évalue si les athlètes ont pu connaitre des troubles de l humeur et divers symptômes propre au surentraînement au cours du mois précédent son utilisation (cité dans Elloumi et al., BJSM 2005). Le défaut de ce questionnaire étant qu il ne peut être utilisé qu a posteriori.

En résumé, la recherche a fourni un support général efficace pour suivre le profil psychologique d athlètes en période de forte charge d entraînement. Ces différents tests psychologiques montrent une bonne sensibilité des marqueurs psychologiques à la charge d entraînement et aux états de fatigue. Un échange continuel et une connaissance mutuelle de l entraîneur et de son (ses) athlète (s) constitue à cet égard un outil très efficace dans la prévention du surmenage, celui-ci pouvant être couplé avec l utilisation de tests de performance standardisés à l entraînement.