• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I : LE SYSTEME CARDIORESPIRATOIRE

C) Tests comportementaux et physiologiques

Le diagnostic de la dépression et de l’anxiété chez l’humain repose principalement sur des dimensions subjectives et impossibles à transposer directement aux animaux. Ainsi, plusieurs tests comportementaux et physiologiques ont été élaborés pour diagnostiquer des symptômes de type dépressif et anxieux chez les animaux. Pour cela, diverses mesures biochimiques, anatomiques et comportementales ont été validées. Un test comportemental est un outil permettant d’évaluer certaines caractéristiques psychologiques d’un individu dans une situation et à un moment donné. Dans la modélisation animale, il permet de révéler un comportement associé à un symptôme retrouvé dans la pathologie humaine. Il s’avère donc fort utile pour apprécier la validité d’un modèle animal.

Certains des tests présentés dans ce paragraphe sont largement utilisés pour apprécier le pouvoir antidépresseur ou anxiolytique potentiel d’une molécule.

1) Diagnostic des symptômes de type dépressifs

(i) Test de la nage forcée et test de suspension par la queue

Le test de la nage forcée et le test de suspension par la queue constituent des tests très largement utilisés chez le rongeur, pour déterminer l’action antidépressive d’une molécule (Nestler et al. 2002). Dans ces deux situations expérimentales, l’animal est soumis à une situation stressante à laquelle il ne peut pas échapper et le symptôme estimé est donc la résignation.

Le test de la nage forcée a été initialement mis en place par Porsolt (Porsolt et al. 1977). Les animaux sont immergés dans un cylindre rempli d’eau, dont la température varie selon les études de 23 à 30° C, et leur comportement est observé. Généralement, les animaux font immédiatement preuve d’une nage active et de tentatives d’échappements (« swimming » et « climbing »), avant de s’immobiliser. On considère que cette immobilisation correspond à l’adoption d’une réponse passive de résignation face à un stimulus stressant. Par conséquent, sa durée et/ou sa latence d’apparition est enregistrée. Une molécule est définie comme antidépressive lorsque la durée des comportements actifs et/ou la latence d’apparition de l’immobilité sont augmentées alors que le temps d’immobilité est réduit. Néanmoins, cette interprétation est sujette à discussion. En effet, un comportement actif prolongé consent

beaucoup d’efforts et réduit alors les chances de survie de l’animal, par rapport à un congénère économisant ses mouvements. Ainsi, l’immobilité peut être aussi interprétée comme une réponse pertinente et adaptée visant à accroître les chances de survie (Bruner and Vargas 1994; Calil and Marcondes 2006). Quoi qu’il en soit, malgré ce débat, ce test permet de sélectionner, avec semble-t-il une certaine réussite, les futurs antidépresseurs (Cryan et al. 2002; Porsolt et al. 1977).

Le test de suspension par la queue est préférentiellement utilisé chez la souris. Il consiste à suspendre l’animal par la queue au niveau d’une attache de l’enceinte du dispositif. De la même manière, l’animal se débat dans un premier temps, essayant de se libérer, puis adopte ensuite un comportement d’immobilité, assimilé à une réponse de résignation face à cette situation stressante. Lors de ce test, il est possible de mesurer le temps d’immobilité total et/ou la latence d’immobilité, ainsi que la puissance des mouvements déployés et leur valeur en énergie si le matériel le permet. Comme dans le test de la nage forcée, des propriétés antidépressives sont attribuées à une molécule lorsque le temps pendant lequel l’animal suspendu par la queue se débat, est augmenté (Cryan et al. 2005).

(ii) Test de toilettage provoqué (« splash test »)

L’attention et les soins portés à soi sont réduits de manière drastique chez les patients dépressifs, ce qui reflète une baisse de l’estime de soi, ainsi qu’une perte d’intérêt. Le comportement équivalent chez l’animal est le toilettage, qui est défini comme le nettoyage du poil par léchage ou grattage, du museau et de la face avec des mouvements semi-circulaires par-dessus la tête et derrière les oreilles (Kalueff and Tuohimaa 2004; Yalcin et al. 2005). Le test de toilettage provoqué ou « splash test » est conçu pour évaluer ces soins chez les rongeurs, mais demeure essentiellement appliqué chez la souris. Lors de ce test, une solution de sucrose à 10 % est versée sur le pelage dorsal de la souris dans sa cage. Le nombre de léchage est comptabilisé pendant les 5 minutes qui suivent (Ducottet and Belzung 2004; Yalcin et al. 2008). En parallèle, une évaluation de l’état du poil peut aussi être effectuée afin d’estimer l’intérêt que l’animal porte à son pelage. Elle consiste à faire la somme des scores attribués aux différentes parties du corps comme la tête, la nuque, le dos, le ventre, la queue, les pattes avants et arrières, ainsi que les régions génitales (Ducottet et al. 2004; Ducottet and Belzung 2004). Un score de 0 est attribué à un pelage bien entretenu et toiletté, et un score de 1 à un pelage négligé et peu soigné. Ces mesures sont sensibles au stress et répondent aux traitements antidépresseurs chroniques (Yalcin et al. 2005).

(iii)Test d’alimentation supprimée par la nouveauté (« novelty suppressed feeding »)

Ce test repose sur une situation de motivation conflictuelle entre l’accès à de la nourriture et la peur de s’aventurer au centre d’une enceinte inconnue (David et al. 2007). Il permet de révéler un comportement d’hyponéophagie, qui se définit comme l’inhibition du comportement d’alimentation induite par une exposition à la nouveauté (Dulawa and Hen 2005). Il consiste à placer des animaux préalablement privés de nourriture dans un nouvel environnement au centre duquel leur nourriture habituelle est disposée. La latence de consommation, définie lorsque l’animal utilise ses pattes antérieures pour saisir et mordre la boulette, est mesurée. A la fin du test, les animaux sont replacés dans leur cage et la quantité de nourriture consommée en 5 minutes est mesurée, afin d’éliminer tout biais expérimental relevant d’une modification de l’appétit (David et al. 2007; Santarelli et al. 2001; Stedenfeld et al. 2011).

Ce test, utilisé pour la mesure de comportements associés à la dépression, est principalement associé à l’action des antidépresseurs (David et al. 2007; Santarelli et al. 2003). Uniquement l’administration chronique d’antidépresseur réduit la latence de consommation de la nourriture, conférant à ce test une excellente validité prédictive (Bodnoff et al. 1988; Stedenfeld et al. 2011). Néanmoins, ce paradigme modélise également les comportements de type « anxieux ». De fait, la latence de consommation de la nourriture est une variable sensible aux anxiolytiques (Dulawa and Hen 2005).

(iv) Test d’interaction sociale

Le test d’interaction sociale, développé par File & Hyde (File and Hyde 1978), fournit un paradigme permettant d’étudier les comportements sociaux. Sa réalisation ne requiert aucun entraînement de l’animal. Il consiste à permettre à un rongeur d’explorer librement un congénère non-familier dans sa propre cage d’élevage ou dans un environnement neutre pendant 5 à 10 minutes. L’exploration sociale est reflétée par le temps passé par l’animal autour du congénère, ainsi que par la quantité et la durée des comportements qui composent les interactions sociales comme le reniflement, la poursuite, le toilettage du congénère, le fait de monter sur ou de ramper sous le congénère, la lutte ou encore les morsures (D’Aquila et al. 1994; File and Seth 2003; Overstreet and Griebel 2004). Ainsi, une diminution de ces comportements est interprétée comme un évitement social. Ce symptôme, tout comme

l’anhédonie, est cependant commun aux pathologies anxieuses (File and Hyde 1978; Johnston and File 1991; Rex et al. 2004).

La perte d’intérêt étant un des symptômes centraux dans la dépression chez l’Homme, le comportement socio-sexuel chez les animaux peut aussi servir d’index dépressif. Ce test consiste à mettre le rongeur mâle en présence d’une femelle sexuellement réceptive, par l’injection préalable d’œstradiol et de progestérone. Le comportement sexuel du mâle est évalué au travers de la latence et du nombre de comportements d’exploration des parties génitales de la femelle par des léchages ou du toilettage et des pincements, ainsi que la durée de poursuite de la femelle par le mâle. Ce test dure environ 20 minutes (D’Aquila et al. 1994).

2) Diagnostic des symptômes de type anxieux

(i) Test du labyrinthe en croix surélevé ou « Elevated Plus Maze (EPM) »

L’Elevated Plus Maze (EPM) est le test le plus populaire pour mesurer l'anxiété chez les rongeurs. Il est aussi couramment utilisé pour tester différents anxiolytiques. Le labyrinthe, en forme de croix, possède deux corridors fermés et deux ouverts (sans murs). Le test crée un conflit approche-évitement entre l'envie naturelle d'explorer du rongeur et sa peur des espaces ouverts (qui le protège des prédateurs). L'anxiété est mesurée par le temps que passe l'animal à explorer les corridors « ouverts » et « fermés ». Il est admis que plus un animal est anxieux, moins il passera de temps dans les corridors ouverts. Ce test est sensible aux anxiolytiques et a été évalué chez le rat et chez la souris (Dawson and Tricklebank 1995; Lister 1987). Le test inclut également des mesures éthologiques d'évaluation du risque par certaines postures, comme l’étirement. On peut aussi noter les fréquences de nettoyage de l’animal pendant le test, qui augmente lorsque l’animal est anxieux.

(ii) Open Field

Ce test analyse le comportement exploratoire du rongeur dans un espace clos. On l'utilise avant tout pour mesurer ses fonctions motrices, mais aussi pour évaluer son degré d'anxiété (Asano 1986; Mechan et al. 2002; Whimbey and Denenberg 1967). Un animal anxieux évite le centre du terrain qui est ouvert, et reste près des murs. On peut faire varier le niveau de stress de plusieurs façons : en modifiant l'intensité lumineuse de « l'Open Field », sa couleur (le blanc est plus stressant que le noir), ou sa taille.

(iii)Light Dark Test

Dans ce test, on permet à l'animal d'explorer une arène formée de deux compartiments : l'un éclairé, l'autre sombre. Les rongeurs, étant nocturnes, évitent les endroits très éclairés. Ainsi, plus l'animal est anxieux, plus son exploration se réduira au compartiment sombre. Ce test est également sensible aux traitements anxiolytiques (Crawley 1981).

(iv) Test d’enfouissement défensif

Ce test permet une mesure de l’anxiété sous une forme différente de celle des tests classiques basés sur l’exploration d’un dispositif nouveau. Ici l’animal est confronté, dans un milieu familier, à un stimulus aversif sous la forme d’une électrode qui délivre un courant électrique de très faible intensité au 1er contact. L’animal répond alors par un comportement défensif naturel : la réponse d’enfouissement. Celle-ci consiste à projeter de la sciure sur l’électrode avec ses pattes antérieures. Cette réponse est modulable par les anxiolytiques classiques ainsi que par des lésions, notamment au niveau du septum ou de l’amygdale (Treit et al. 1981).

V) Comorbidité des pathologies cardiorespiratoires et

anxiodépressives