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Les propositions méthodologiques et la délimitation de l’objet d’analyse que nous venons d’esquisser impliquent une multiplication des points de vue, des lieux d’observation et des sources à mobiliser. Précisons d’emblée que la relation entre les hypothèses, l’objet et le

1 Dans un tout autre contexte, Georges Duby évoque le problème pour l’historien de l’universalisation des catégories d’entendement de ceux qui détiennent le monopole de l’écriture. DUBY (Georges), Les trois ordres

ou l’imaginaire du féodalisme, Paris, Gallimard, 1978, p.20. Ce problème articule également la question de la production de connaissances ethnologiques, dont le risque d’étendre les représentations produites par un petit groupe avec une position particulière (les castes lettrées par exemple) à l’ensemble des significations de la société étudiée. Voir sur ce point dans le contexte de l’Inde coloniale : FAJOLLES (David), « Lorsque le djinn quitte sa bouteille. Le système des castes ou la réappropriation d’une objectivation coloniale », Genèses, n°32, septembre 1998, p.5-27.

2 HERMET (Guy), « Un concept et son opérationnalisation: La transition démocratique en Amérique latine et dans les anciens pays communistes », Revue Internationale de Politique Comparée, n°2, 1994, p.175-190. 3 GLAEßNER (Gert-Joachim), « Am Ende des Staatssozialismus- zu den Ursachen des Umbruchs in der DDR », p.70-92, dans JOAS (Hans) et KOHLI (Martin), (dirs.), Zusammenbruch der DDR, Francfort-sur-le- Main, Suhrkamp, 1993, p.70.

terrain n’a cessé de se modifier depuis le début de l’enquête. Le travail sur archives, les entretiens, la lecture des revues et livres publiés en RDA, ainsi que les travaux sur l’histoire politique et sociale de la RDA nous ont conduit à retravailler, à reformuler ou à abandonner certaines de nos hypothèses ; de nouvelles questions ont surgi continuellement, des problèmes que nous considérions importants ont parfois cessé de l’être, tandis que d’autres faits « mineurs » qui n’avaient guère suscité notre curiosité au départ de l’enquête ont pu revêtir, lorsqu’ils furent soumis à un nouveau questionnement, un aspect plus central. La discussion qui suivra est l’aboutissement d’une série de déplacements successifs, le résultat d’arbitrages et de tâtonnements constitutifs à la découverte progressive d’un terrain dont les frontières n’ont cessé de s’étendre ou de se rétrécir.

La problématique centrée sur les échanges et les pratiques, constitutifs d’une politique publique qui se décline, comme nous l’avons vu, en une politique de l’offre et une politique de régulation de la demande, ayant des logiques institutionnelles distinctes, implique la mobilisation de sources produites par un nombre important d’institutions et d’acteurs qui interviennent dans la concurrence pour la production, la définition et l’appropriation du bien convoité. L’administration de la preuve s’effectuera ainsi par un croisement et une confrontation de sources disparates produites par des acteurs collectifs ou individuels à plusieurs échelles. Autrement dit, la validité empirique de la démonstration n’est pas construite sur une revendication d’un traitement « exhaustif » d’un nombre limité de fonds d’archives. Si les déplacements que nous avons effectués dans le temps et dans l’espace institutionnel et géographique ne dispensent pas à chaque fois d’un travail critique sur les conditions de production des sources que l’on mobilise, la sélection des archives sur lesquelles nous avons travaillé ou le choix des publications a toujours été guidé par des questions pratiques ou la recherche de réponses à des questions qui ont émergé dans les recherches dans un autre fonds d’archive ou publications ; par exemple, la fonction ou l’identité des représentants d’organisations qui interviennent dans une réunion ou une conférence, ou signent un rapport ou courrier qui semble « faire autorité » ; les dates d’une réunion ou d’une décision qui fait autorité ; la production d’un nouveau formulaire, décret ou catégorie statistique qui émerge à un moment précis et qui modifie la structure des rapports entre les différentes institutions ou acteurs. La logique de construction du terrain empirique, pour autant que l’on puisse la reconstruire a posteriori, a par conséquent été fortement orientée par les questions et hypothèses théoriques qui se sont progressivement affinées et diversifiées au fil du temps. Chacun de ces « problèmes » que nous posions au terrain nous a conduit à mobiliser différentes sources, de sorte que la « géométrie » des fonds peut fortement

varier d’une question à une autre. Ainsi, dans le « réassemblage » des matériaux utilisés dans les chapitres qui suivent, la « représentativité » de notre terrain et de nos sources ne se construit pas sur une logique d’exhaustivité, où la critique des sources et la neutralité axiologique du chercheur permettrait une hypothétique annulation de la double subjectivité du producteur et de l’utilisateur (usurpateur ?) des sources pour « reconstruire » la réalité des choses. La « représentativité », c’est-à-dire l’administration de la preuve, s’accomplira par la multiplication des points de vue et la reconstitution du feuilletage de sens et de pratiques qui s’agrègent autour d’un problème théorique ou d’une catégorie de pratiques. Dans cette optique, nous avons étendu l’analyse à l’échelle du district (Bezirk) et de la commune, et plus particulièrement le Bezirk et la ville de Leipzig.

Les structures politiques et administratives « périphériques » en RDA constituent un domaine de recherche négligé par les politistes, sociologues et historiens1. Cette lacune peut

s’expliquer d’une part par la prégnance de la lecture totalitaire du régime et la représentation de la RDA comme un Etat hypercentralisé où les institutions périphériques ne représentent que des courroies de transmission ou, au mieux, des instances d’exécution sans autonomie budgétaire ou compétence normative. Les institutions périphériques seraient ainsi prises en étau entre la section locale du SED et une hiérarchie implacable, et les représentants et fonctionnaires territoriaux seraient individuellement soumis au contrôle du SED et de la hiérarchie2. Dans cette optique, la distinction forte entre la décision et l'exécution implique

que la connaissance des décisions prises par le pouvoir central suffit pour connaître la politique réellement mise en œuvre. L'étude de l’espace infra-national devient par ce biais une question presque superflue3. L'étude des administrations locales, particulièrement dans des

domaines touchant le moins à des fonctions régaliennes de l’Etat est de surcroît un objet sans prestige, qui ne met en scène ni les grands hommes, ni leurs décisions, forces et défaillances. Or, ce sont les structures administratives au niveau local qui constituent le point de rencontre entre les logiques politiques et les logiques sociales, et représentent par-là, le maillon essentiel

1 Comme nous le verrons dans la troisième partie de la thèse, un nombre de chercheurs travaillant sur la transition administrative dans les nouveaux Länder ont modélisé le fonctionnement des administrations locales sans toutefois procéder aux vérifications empiriques quant à la validité de leurs modèles.

2 NECKEL (Sighard), « Das lokale Staatsorgan. Kommunale Herrschaft im Staatssozialismus der DDR »,

Zeitschrift für Soziologie, n°4, 1992, p.252-268.

3 Selon trois spécialistes de la transition administrative, « Opérer une distinction entre les membres des administrations communales et des personnes appartenant à d’autres sphères sociales selon leurs valeurs ou leurs manières d’agir a peu de sens. » BERG (Frank), NAGELSCHMIDT (Martin), WOLLMANN (Helmut),

de la chaîne de domination politique au quotidien, banal en quelque sorte, et donc n'attirant que peu d'attention.

C'est à ce niveau analytique que les agents de l’Etat « rencontrent » les logiques sociales de la manière la plus directe, à travers une multitude de situations de face-à-face qui mettent en rapport l’administration, les objets et les personnes qui constituent la « matière première » des politiques publiques. C’est un point privilégié d'observation de l'hypothèse de travail de Guy Hermet, selon laquelle « les totalitarismes réels doivent s'apprécier à l'aune du degré de résistance que les sociétés peuvent continuer à leur opposer, ou encore à celle des freins qu'elles peuvent réintroduire face à leur projet de contrôle total... »1 Notre propos n'est pas

d'ignorer les contraintes pesant sur les administrations locales en RDA et de les traiter comme des institutions autonomes- une prescription qui s'appliquerait à tout Etat centralisé d'ailleurs. Mais il serait tout aussi erroné de supposer a priori que les institutions locales en RDA sont réductibles à une pure logique d'exécution de lois et de directives émises par le SED ou par l'Etat central.

En deuxième lieu, les différentes institutions périphériques font remonter des informations et des demandes vers le centre, en fonction des contraintes qui s’exercent sur l’accès à la scène nationale, contribuant ainsi à modifier ou au contraire à confirmer les représentations des acteurs centraux sur la solidité de la politique publique. Les échanges, qui se matérialisent dans les rapports routiniers, les circulaires et directives, les catégories statistiques, les courriers ou les comptes-rendus de réunions, ne se laissent pas appréhender à travers une grille de lecture focalisée sur la terreur ou par une déduction de l’idéologie du SED, même si les producteurs des sources doivent toujours articuler le contenu du rapport selon la ligne du Parti pour le rendre conforme aux objectifs généraux de la politique. En analysant les flux d’information entre le centre et la périphérie, la manière dont ils sont mis en forme, et la capacité de certains acteurs à contrôler l’accès aux informations, ressources matérielles ou symboliques stratégiques, nous essayerons de montrer que la discipline des « dominés » ne va jamais totalement de soi, et que les intérêts des agents insérés dans un espace politique et administratif local structuré peuvent contribuer à des distorsions, réinterprétations, déplacements et effets pervers qui contribuent à renforcer la dynamique interne du régime.

Enfin, les instances périphériques de l’Etat et du Parti ne sont pas de simples réceptacles d’instructions du centre politique et administratif. Comme nous le verrons, les expériences

locales, les solutions pratiques élaborées par une collectivité territoriale à des problèmes qui ne sont pas encore formulés clairement sur la scène nationale ont été reprises par le centre, transformées en norme et rediffusées vers l’ensemble des instances périphériques. Ce processus de généralisation de pratiques très localisées a été particulièrement important dans la première décennie de l’après-guerre et plus particulièrement dans le domaine de l’attribution de logements, qui n’était pas doté d’une puissante administration à l’échelle nationale.

Pour analyser les relations entre la scène nationale et les scènes locales, nous avons décidé d’approfondir l’étude d’un Bezirk et d’une ville de celui-ci, plutôt que de multiplier les terrains « locaux ». Par ce choix, nous avons privilégié le repérage des transactions stabilisées, les évolutions des rapports de force dans le temps ainsi que les trajectoires des acteurs politiques et administratifs dans un espace géographique et institutionnel restreint, au risque de limiter la portée des phénomènes observés à d’autres territoires. On peut à ce titre imaginer trois régimes de justification de la représentativité d'une monographie locale:

1) mettre en avant la nature « moyenne » ou « typique » du terrain selon un ensemble de variables (structure sociale et économique, position géographique, rapports de force politiques...) s'écartant peu d'une « moyenne nationale ». Le terrain refléterait donc à une échelle réduite les processus à l'œuvre dans une aire géographique plus large.

2) une variation de cette approche serait d'inclure le terrain étudié dans une catégorie faisant partie d'une typologie des terrains. Les résultats de la recherche seraient ainsi en principe généralisables à tous les terrains dans la même catégorie (par exemple : les villes ouvrières, les villes industrielles, ou les grandes villes...).

3) l'approche comparative permettrait, soit de construire plusieurs types de représentativité en faisant varier un maximum de variables considérées comme agissantes pour saisir toute la variété des situations, soit de créer une situation « quasi expérimentale » en isolant une variable explicative toutes choses étant égales par ailleurs1.

A quoi est-on autorisé à partir d'une monographie sur les politiques du logement à Leipzig et dans le Bezirk ? S'agit-il d'un territoire « moyen » dans le sens où toutes les formes de propriété, moyens d'accès au logement et types d’acteurs institutionnels présents dans la ville le sont également dans le reste du pays ? Peut-on affirmer que la ville de Leipzig représente, selon un choix plus ou moins arbitraire, un cas typique d'une grande ville est- allemande, une ville du sud de la RDA, une ville industrielle, une ville ouvrière, une ville de tradition sociale-démocrate, ou une ville de commerce et d'expositions ? La généralisation du

1 Sur les failles épistémologiques de cet argument en sciences sociales, PASSERON (Jean-Claude), Le

discours doit-elle reposer sur une comparaison, soit en maximisant le nombre de variables explicatives et le nombre de terrains par exemple entre Leipzig et un village ou entre Leipzig et une autre ville « comparable » et géographiquement proche comme Dresde ou éloignée comme Rostock ? Devant l'arbitraire du « label » représentatif du terrain et le risque de multiplication des terrains d'enquête, est-on condamné en procédant par une monographie à produire un discours qui ne serait valable que sur le terrain et au moment historique étudié ?

La ville et le Bezirk de Leipzig ne représentent pas un « cas d'école » d'une politique du logement plus ou moins réussie qu'ailleurs. C'est un terrain choisi pour sa diversité urbaine, fruit de l'accumulation de phases de développement et de déclin qui ont marqué la morphologie de la ville. C'est une ville et un Bezirk assez grands1 pour inclure l'ensemble des

situations et configurations institutionnelles qui ont marqué l'histoire du logement et de l'urbanisme en RDA, mais qui reste plus maîtrisable d'un point de vue empirique que Berlin- Est, qui, grâce à son statut de « ville vitrine » de la RDA, voire de l’ensemble du bloc socialiste, concentrait une part disproportionnée des ressources en matière de logement et, par son statut de capitale de la RDA, était soumise à l’intervention plus directe des instances nationales du SED que d’autres territoires. Nous avons également écarté les nouvelles villes créées depuis 1949 telles que Eisenhüttenstadt, Hoyerswerda et Halle-Neustadt, car ces villes ne nous permettent ni d'étudier la transformation des administrations après 1945, ni d’aborder la manière dont elles ont du composer avec les structures sociales et urbaines préexistant l'arrivée au pouvoir du SED. Avant de revenir à une description des sources, nous proposons de brosser rapidement l’histoire de la ville.

Deuxième ville de la RDA en termes de population, Leipzig est au centre d'une région industrielle au sud de la RDA dans le Land de Saxe. Au croisement des routes commerciales Nord-Sud et Est-Ouest du Moyen Âge, la « Via regia » et la « Via imperii », l'essor économique et démographique de la ville remonte au XIIième siècle2. L'université, fondée en

1409, et le développement des imprimeries faisaient de la ville un important centre culturel et un des centres de l'industrie du livre du Saint Empire. Malgré ce développement économique et culturel, la ville ne comptait que 31.847 habitants en 1797 (sur 17,7 km²). Ce n'est qu'avec l'essor industriel de la ville à partir de 1860 que Leipzig se transforma en grande ville urbaine au cœur d'une des régions les plus industrialisées de l'Allemagne.

1 Le Bezirk Leipzig se situait au quatrième rang en termes de population avec 1,5 millions d’habitants, et Leipzig était avec ses 550.000 habitants, la deuxième ville derrière Berlin-Est (1,1 millions).

2 La ville est située sur l'Elster, un fleuve non-naviguable. SCHOLZ (Carola), HEINZ (Werner), « Standtentwickelung in den neuen Bundesländern: der Sonderfall Leipzig », Aus Politik und Zeitgeschichte, n°12, mars 1995, p.16.

La population passa ainsi de 63.800 habitants en 1850 à 465.000 habitants en 1900 (en incluant les communes environnantes, la superficie s'est élargie à 58,5 km²) et attînt son plus haut niveau en 1933, avec 713.470 habitants (128 km²). La contraction démographique de la ville, déjà perceptible avec l'avènement de la crise économique de la fin des années 1930 s'accéléra rapidement avec la guerre (perte de 75.000 habitants entre 1939 et 1944), compensée après 1945 par l'arrivée de 80.000 réfugiés. Par la suite, le solde positif migratoire d’autres régions de la RDA ne réussi pas à compenser le départ de dizaines de milliers d'habitants de Leipzig pour la RFA avant la construction du mur de Berlin, en 19611. Depuis

les années 1930, la population a diminué régulièrement, se situant entre 550.000 et 600.000 au temps de la RDA2.

L'industrialisation s'est produite en plusieurs vagues. Entre 1860 et 1880, l'expansion était surtout due aux petites entreprises de métallurgie et d'artisanat avant que de grandes usines s'installent progressivement à l'ouest de la ville dans les communes de Plagwitz, Lindenau, Leutzsch et Böhlitz à partir des années 18803. Au centre d'une région délimitée à

l'est par Halle, à l'ouest par Dresde, et au sud par Chemnitz, le bassin industriel autour de Leipzig a rivalisé en importance avec celui de la Ruhr jusqu'à la division de l'Allemagne. Spécialisée dans la métallurgie et en particulier les machines-outils, les machines agricoles, les transports et l'électromécanique, la structure industrielle de Leipzig l'a rendue extrêmement sensible à la conjoncture économique nationale et internationale. Ainsi, lors de la crise économique des années 1929-1935, le taux de chômage culmina à 37% en 19324, et le

SPD, majoritaire dans la ville, essuya d'importants revers5.

La division de l'Allemagne a eu pour conséquence de couper les industries de Leipzig à la fois de leurs marchés à l'Ouest, et de leurs sources d'approvisionnement en matières premières, notamment la Ruhr qui concentrait une large part de la production d'acier et la

1 Selon les archives du SED consultées par Michael Hofmann, seulement la moitié des réfugiés s'est installée définitivement à Leipzig. En outre, entre 1953 et 1955, 33.000 habitants (une population jeune et qualifiée) sont partis à l'Ouest, soit plus de 5% de la population de la ville. HOFMANN (Michael), « Die Leipziger Metallarbeiter: Etappen sozialer Erfahrungsgeschichte », p.136-192, dans VESTER (Michael), HOFMANN (Michael), ZIERKE (Irene), (dirs.), Soziale Milieus in Ostdeutschland, Köln, Bund Verlag, 1995, p.67.

2 Tous les chiffres sont tirés du STATISTISCHES JAHRBUCH , Leipzig, Stadt Leipzig, 1994, p.21.

3 RINK (Dieter), « Leipzig, Gewinnerin unter den Verlierern? » p.51-90, dans VESTER et alii, Soziale

Milieus…, op.cit., p.58. 4 Ibid, p.61.

5 Dans les circonscriptions électorales de la région de Leipzig, le résultat du SPD aux élections du Reichstag passa de 37% en mai 1928 à 30% en mars 1933, tandis que le NSDAP recueillit 40% des suffrages lors de la dernière élection libre de la République de Weimar. Le résultat du KPD resta à peu près stable, passant de 16,1% en 1928 à 17,4% en janvier 1933. FALTER (Jürgen), LINDENBERGER (Thomas), SCHUMANN (Siegfried),

quasi-totalité des réserves d'anthracite de l'Allemagne. L'interruption brutale et définitive de l'interpénétration économique entre l'Est et l'Ouest a surtout conduit à la création presque ex nihilo de secteurs industriels en RDA. Puisque moins de 3% des réserves d'anthracite exploitables sur l'ancien territoire du Reich se trouvaient dans la zone d'occupation soviétique, les planificateurs se sont tournés vers l'exploitation à lignite de faible teneur en carbone, qui se trouvait en abondance au sud de la RDA et permettait de couvrir les besoins énergétiques tout en développant l'industrie chimique. Cette industrie énergétique/chimique, dont la région de Leipzig-Halle concentra à peu près un tiers de la production est-allemande, avait déjà connu un premier essor spectaculaire dans les années 1930, dans les années de préparation de la guerre. L'intensification de la production dans ces secteurs a en quelque sorte prolongé l'économie de guerre dirigée par Albert Speer. Les investissements industriels dans le Bezirk de Leipzig étaient ainsi dominés par le développement de ce secteur stratégique, à tel point que 92% des investissements productifs dans le Bezirk de Leipzig ont été canalisés vers le secteur énergétique et chimique entre 1965 et 19701. Le tissu industriel de l'agglomération de

Leipzig, autrefois marqué par des entreprises fortement spécialisées et diversifiées, se trouva ainsi modifié au profit des conglomérats d'extraction et de transformation de lignite. Ce