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Quelques tentatives d’exploration de la relation entre morphologie du réseau viaire et

Chapitre 8 : Des tendances de relation entre les caractéristiques

II. Quelle évaluation du lien entre caractéristiques morphologiques et conditions

II.2. La relation entre caractéristiques morphologiques et conditions d’accessibilité

II.2.2. Quelques tentatives d’exploration de la relation entre morphologie du réseau viaire et

Malgré le constat dressé ci-dessus, nous identifions dans la littérature sur l’étude de la mobilité urbaine quelques travaux visant à mettre en relation les caractéristiques morphologiques des réseaux viaires avec des variables décrivant les conditions d’accessibilité. Nous en présentons trois approches ci-dessous.

II.2.2.1. L’approche par la comparaison

Pour isoler l’effet des caractéristiques morphologiques d’un réseau viaire sur les conditions d’accessibilité offertes aux usagers, une première approche consisterait à

comparer plusieurs réseaux viaires dans lesquels tous les facteurs pouvant agir sur

les conditions d’accessibilité seraient identiques, à l’exception des caractéristiques morphologiques. Si les conditions d’accessibilité sont différentes d’un réseau à l’autre, on pourra en conclure que cela est dû aux caractéristiques morphologiques de chaque réseau.

Certains travaux procèdent en comparant la valeur prise par la variable décrivant une condition d’accessibilité donnée à la moyenne nationale, ou à la valeur qu’elle prend dans des zones dites « comparables ». Par exemple, Stephen Marshall et David Banister (2000) ont étudié la congestion automobile dans la ville hollandaise de Houten. Ils ont pour cela observé la circulation aux heures de pointe, et l’ont comparé à la moyenne nationale. Les auteurs constatent que cette circulation est 10% plus faible que la moyenne nationale. Ils associent cela aux caractéristiques morphologiques du réseau viaire de Houten, qui contient des cheminements piétons et cyclistes perméables, et des voies imperméables et tortueuses pour les voitures. Nous identifions deux écueils dans cette approche. Le premier est que la congestion dans un réseau viaire ne dépend pas uniquement des conditions d’accessibilité offertes dans ce réseau, mais aussi de multiples facteurs tels que les caractéristiques socio-économiques des individus ou les conditions climatiques. Le second est que, même en considérant que la congestion automobile rend compte des conditions d’accessibilité offertes aux usagers, d’autres leviers que la morphologie du réseau peuvent être responsables de cette condition : la localisation des activités par

102 « The complexities of shape and structure set street pattern apart from many other objects of urban or transport analysis (…) there is no straightforward or standard descriptor that is used to capture street pattern » (Marshall, 2005, p. 73).

exemple, la densité bâtie, ou encore les aménagements sur le réseau (la localisation des feux tricolores par exemple).

Cela nous incite dire que la comparaison, lorsqu’elle porte sur des cas empiriques, ne permet pas d’isoler le rôle de la morphologie du réseau viaire sur les conditions d’accessibilité. Une autre méthode consiste à se détacher des cas empiriques, et à modéliser des déplacements sur des réseaux fictifs. Les modèles sont souvent décrits comme des laboratoires virtuels car ils permettent de fixer artificiellement certains facteurs pour isoler l’effet d’autres facteurs sur le phénomène étudié. Nous présentons cette approche par la modélisation dans la section ci-dessous.

II.2.2.2. L’approche par la modélisation des déplacements

Dans l’article An agent-based model of the influence of neighbourhood design on daily

trip patterns, Xiongbing Jin et Roger White (2012) ont développé un modèle de

simulation des déplacements et du trafic (trip and traffic simulation model) prenant en considération les caractéristiques individuelles des usagers, leurs préférences et les interactions entre piétons et trafic automobile, tout ceci afin de reproduire les déplacements réels. Ce modèle a été calibré grâce à des données empiriques sur le trafic dans la ville d’Ottawa (Ontario). Ce modèle a ensuite été utilisé pour simuler des déplacements sur un ensemble de réseaux viaires à la morphologie type : des réseaux en grille, des réseaux hiérarchisés, et des dits néo-traditionnels (Nouvel urbanisme). Ils ont ensuite analysé en sortie plusieurs variables, et en particulier les distances moyennes à parcourir pour accéder aux aménités dans chacun de ces réseaux, pour les piétons et pour les véhicules. Leur analyse devait donc permettre d’observer l’effet de la morphologie du réseau sur les distances à parcourir

dans le réseau. Leurs résultats montrent notamment que les réseaux hiérarchisés

induisent des distances à parcourir nettement plus élevées que les réseaux en grille, pour les piétons comme pour les véhicules. Néanmoins, les auteurs ajoutent que les résultats obtenus dépendent notamment de l’implémentation du modèle, autrement dit des règles utilisées pour reproduire les caractéristiques des usagers, leurs préférences, et les interactions entre piétons et automobiles. Ces règles ont une influence sur les comportements de mobilité simulés, comportements qui sont ensuite utilisés pour calculer la variable des distances à parcourir pour accéder aux aménités.

Autre exemple, Rifaat, Tay et de Barros dans leur article intitulé Effect of street

pattern on the severity of crashes involving vulnerable road users (2011), se

proposent d’étudier l’effet des caractéristiques morphologiques du réseau sur la sévérité des accidents de la route, donc sur la sécurité offerte aux usagers. Ils modélisent pour cela les déplacements sur quatre types de réseaux viaires, grâce à un modèle basé sur des données de la ville de Calgary (Canada) entre 2003 et 2005. Leurs résultats montrent notamment que les accidents sont plus fréquents dans

les réseaux hiérarchisés que dans les autres réseaux, mais que ces accidents y sont aussi moins graves. Néanmoins, ici aussi, les auteurs insistent sur l’effet

d’autres facteurs influant sur la sévérité des accidents, tels que les caractéristiques du conducteur et du véhicule, ou encore les conditions environnementales. Ainsi, même les travaux qui semblent a priori porter une attention particulière au rôle du facteur « morphologie du réseau » finissent souvent par nuancer ce rôle et par mettre en avant le poids d’autres facteurs explicatifs.

En conclusion, il semble que les travaux qui modélisent des déplacements réels échouent à isoler l’effet de la morphologie du réseau viaire sur les conditions d’accessibilité, car les résultats de ces travaux sont dépendants de la manière dont les déplacements ont été modélisés. Une troisième approche consiste à complètement se détacher des déplacements sur le réseau, et à décrire les caractéristiques des chemins qui relient les points de ce réseau. Nous présentons succinctement cette approche ci-dessous.

II.2.2.3. Décrire les caractéristiques des chemins sur le réseau

Un chemin est un espace parcouru ou à parcourir d’un lieu à un autre (CNRTL). Un réseau viaire peut être vu comme un ensemble de chemins qui relient les lieux d’une ville, d’un quartier. Les caractéristiques de ces chemins rendent directement compte de l’implication du réseau dans les conditions d’accessibilité offertes aux usagers. Par exemple, si les chemins qui relient les différents lieux d’une ville sont courts, cela signifie que le réseau viaire de cette ville, de par sa morphologie, permet une proximité dans les déplacements. A l’inverse, si ces chemins sont longs, cela signifie que le réseau de par sa morphologie rallonge les distances. On retrouve un exemple de cette approche dans l’ouvrage de Peter Haggett et Richard Chorley (1969), intitulé Network analysis in geography. Les auteurs y comparent par exemple la longueur du chemin entre deux points dans un réseau en grille, à la longueur du chemin entre ces mêmes points si le réseau était composé de voies radiales (cf figure 3.18). Cela permet de comparer directement ces deux réseaux en termes de proximité offerte aux usagers.

Figure 3.18 : Comparaison de la longueur du chemin entre deux points, sur un réseau en grille à gauche, et un réseau radial à droite. Source : Haggett et Chorley (1969) d'après

Holroyd (1966).

La longueur des chemins n’est pas leur seule caractéristique. Haggett et Chorley présentent plusieurs autres caractéristiques, qu’ils évaluent grâce à des mesures quantitatives calculées directement sur le réseau. Cette approche fait partie d’un champ scientifique bien établi, connu sous le nom d’Analyse des réseaux (Network

analysis). Ce champ porte sur l’étude des caractéristiques des réseaux, qu’il s’agisse

de réseaux viaires ou routiers, de réseaux aériens ou maritimes, ou encore de réseaux sociaux. Ce champ nous apparaît comme une piste intéressante, pour étudier l’implication d’un réseau viaire dans les conditions d’accessibilité

offertes aux usagers se déplaçant sur ce réseau.

Conclusion de la partie II

Cette partie nous a permis de mettre en exergue certaines faiblesses dans l’argumentation des théoriciens et praticiens de l’urbanisme, quant au lien entre les caractéristiques morphologiques d’un réseau viaire et les conditions d’accessibilité offertes aux usagers. Selon Marshall (2005), ces faiblesses rendent difficiles la mise en place de préconisations robustes et généralisables. Nous avons également vu que, du côté des chercheurs, cette question était assez peu abordée de manière satisfaisante, à l’exception des travaux ayant recours à l’Analyse de réseaux (Network analysis). Ces derniers permettent de décrire les caractéristiques des

chemins formés par le réseau viaire. Nous avons montré à travers un exemple

comment ces caractéristiques des chemins pouvaient rendre compte de l’implication du réseau viaire dans les conditions d’accessibilité offertes aux usagers. Nous développons davantage cet aspect dans le chapitre 4.

III. Proposition pour explorer la relation entre les