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Tensions associées à la réponse aux besoins d’intégrité physique et de bien-être

4. PRINCIPALES TENSIONS ENTRE LE MILIEU DE SOINS ET LE MILIEU DE VIE

4.1 Tensions associées à la réponse aux besoins d’intégrité physique et de bien-être

Description

Les tensions associées à la réponse aux besoins7 d’intégrité physique et de bien-être émotionnel du résident sont au cœur de l’équilibre entre le milieu de soins et le milieu de vie. Le milieu de soins, priorisant les besoins médicaux et la santé du résident, peut en effet entrer en conflit avec le milieu de vie, où la qualité de vie est primordiale et où les risques font partie du quotidien [Armstrong, 2018a; Goodman et al., 2016]. Ces tensions impliquent une négociation constante entre les parties prenantes [Roberts, 2016]. Le défi du personnel consiste à répondre simultanément aux besoins liés à l’intégrité physique et à ceux liés au bien-être émotionnel des résidents [Nakrem et al., 2013]. Un exemple typique de cette tension se produit lorsqu’un résident ayant des troubles cognitifs souhaite circuler seul dans la cour d’un CHSLD, mais qu’il est à risque élevé de chute [Dreyfus et al., 2018] (voir tableau 1 pour d’autres exemples). Compte tenu des besoins

PRINCIPALES TENSIONS

médicaux de plus en plus complexes des personnes vivant en centre d’hébergement, les tensions qui peuvent survenir sont croissantes [Armstrong, 2018b].

La primauté de la sécurité au détriment de la liberté des résidents est souvent notée dans la littérature [Caspari et al., 2018; Dreyfus et al., 2018]. Elle n’est pas sans

conséquence car, à l’excès, elle peut entraîner de l’inactivité, de l’isolement social et de l’ennui chez le résident [Armstrong, 2018a]. La mise en place de mesures dans une vision de sécurité absolue peut compromettre l’autonomie du résident [Armstrong, 2018b] et sa liberté, ce qui peut causer un sentiment d’emprisonnement [Caspari et al., 2018; Dreyfus et al., 2018; Tuominen et al., 2016; Klaassens et Meijering, 2015]. Cela peut même affecter sa dignité [Gibson et al., 2012], sa qualité de vie et son bien-être [Evans et al., 2018] de même que son sentiment d’être comme à la maison [Innes et al., 2011].

Autant les proches rencontrés que la littérature consultée corroborent la présence de situations où, bien que des soins adéquats soient dispensés au résident, la place

accordée à son bien-être émotionnel semble lacunaire [Dreyfus et al., 2018; Lowndes et Struthers, 2018; Donnelly et MacEntee, 2016; Gibson et al., 2012; Grenier, 2012]. On observe donc une primauté du milieu de soins par rapport au milieu de vie. À l’inverse, des tensions sont également possibles lorsque les volontés ou les préférences d’un résident, qui satisfont son bien-être émotionnel, entrent en conflit avec certains de ses besoins d’intégrité physique [Evans et al., 2018; Oosterveld-Vlug et al., 2013; Solum et al., 2008]. De telles situations peuvent avoir des conséquences graves pour la santé du résident et même mettre sa vie en danger [Roberts, 2016]. Elles peuvent également aller à l’encontre de la conscience professionnelle du personnel [Preshaw et al., 2016;

Alzheimer Europe, 2015; Solum et al., 2008].

Selon la perspective du personnel, des tensions sont notées entre l’application des bonnes pratiques et les demandes des résidents ou de leurs proches, ou venant de leur employeur. Effectivement, le personnel se sent parfois tiraillé entre les obligations professionnelles, les réflexions éthiques, les droits des résidents et même les politiques de l’établissement [Preshaw et al., 2016; Alzheimer Europe, 2015; Alzheimer Europe, 2012]. Par exemple, bien qu’une infirmière comprenne la philosophie d’une approche centrée sur la personne, elle connait les risques associés, pour la santé du résident, au fait de le laisser s’automédicamenter [Roberts, 2016].

La littérature indique qu’en raison d’appréhensions liées aux risques

(p. ex. l’appréhension de blessure chez un ou des résidents), les gestionnaires d’un établissement peuvent avoir tendance à privilégier la sécurité des résidents [Theurer et al., 2015].

PRINCIPALES TENSIONS

Exemples

De multiples exemples de tensions associées à la réponse aux besoins d’intégrité physique et de bien-être émotionnel existent. Le tableau 1 en résume quelques-uns.

Tableau 1 Exemples de tensions associées à la réponse aux besoins de bien-être émotionnel et d’intégrité physique

Alimentation

La conjointe d’un résident aide son mari à se nourrir. Celle-ci ne respecte pas les

recommandations pour diminuer les risques d’aspiration pulmonaire, malgré des explications répétées. Elle soutient que son mari déteste les liquides épaissis et qu’elle ne veut pas nuire à son plaisir lors des repas [Comité de travail, 2019].

Un membre du personnel est inquiet et se demande comment réagir, car il observe qu’un résident boit fréquemment des boissons gazeuses alors qu’il est diabétique [Comité de travail, 2019].

Dans des centres d’hébergement australiens, les fromages à pâte molle sont bannis

puisqu’ils représentant un risque, bien que faible, d’infection à la listériose [Ibrahim et Davis, 2013].

Dans certaines unités, le réfrigérateur est maintenu sous clé pour empêcher les résidents d’avoir un libre accès à la nourriture [Comité de travail, 2019].

Consommation d’alcool ou de drogues

Une proche qui vient souvent visiter son conjoint remarque qu’un autre résident consomme fréquemment du cannabis à l’extérieur de l’établissement. Elle s’inquiète des risques associés à cette consommation pour la santé de ce résident [Comité de travail, 2019].

Déplacements

Un résident souhaite s’acheter un fauteuil roulant motorisé pour pouvoir visiter la tombe de son épouse régulièrement. Le CHSLD refuse pour des raisons de sécurité, mais le résident souhaite prendre ce risque. Il ne se sent pas respecté [Caspari et al., 2018].

Un résident aimerait se laver ou aller à la toilette seul, mais le personnel considère devoir être présent pour diminuer les risques de chute [Bangerter et al., 2016].

Médication

Une personne voudrait gérer et prendre seule sa médication, en aurait la capacité, mais on ne peut pas laisser les médicaments dans les chambres pour une question de sécurité [Boudjémaa-Hellio, 2013].

Risques d’incendie

À la suite d’un exercice d’évacuation, une résidente ayant des troubles cognitifs est très anxieuse. Bien que sa fille comprenne le bien-fondé d’un tel exercice, elle se questionne sur

PRINCIPALES TENSIONS

Soins

Une résidente demande de rester au lit en permanence, car elle a des douleurs au dos. Le personnel s’inquiète, car elle est à risque élevé de plaies et de déconditionnement. Madame réplique qu’elle restait au lit pratiquement toute la journée lorsqu’elle était à la maison [Evans et al., 2018; Oosterveld-Vlug et al., 2013; Solum et al., 2008].

4.2 Tensions associées à la prise en compte de l’individualisation