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6. MOYENS POTENTIELS POUR FAVORISER LA CONCILIATION DU MILIEU DE SOINS ET

6.3 Moyens potentiels pour agir sur les tensions associées à la réponse aux besoins

6.3.1 Gestion des risques

Dans son sens traditionnel, la « gestion des risques » fait référence à une approche préventive qui vise à « réduire ou éliminer les risques qu’une situation causant des dommages se produise » [Dionne et Lamy, 2003, p. 1, citant Association des hôpitaux du Québec, 1991]. Cependant, dans l’optique de réduire les tensions entre l’intégrité

physique et les besoins émotionnels de la personne hébergée, l’expression « gestion des risques » est utilisée ici davantage dans une perspective d’ouverture à la prise de risques

« calculés », en tenant compte des valeurs et préférences du résident. Cette tolérance aux risques permet ainsi de concilier la sécurité du résident avec sa qualité de vie, son autonomie et sa liberté [Klaassens et Meijering, 2015 ; Ibrahim et Davis, 2013 ; Wagner et Rust, 2008]. C’est ce que certains auteurs appellent la « dignité du risque » [Ibrahim et Davis, 2013].

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Pour parvenir à cette conciliation, il ne s’agit pas de renoncer aux initiatives visant la sécurité en centre d’hébergement, mais plutôt de relativiser la notion de risque, en

reconnaissant ses effets positifs. Comme il est mentionné par le comité de travail et dans la littérature, l’absence totale de risques n’existe pas [Wagner et Rust, 2008]. Qui plus est, la prise de risque, par exemple en autorisant l’accès à l’extérieur malgré un risque de chute pour le résident, peut promouvoir la mobilité, l’engagement social, et ajouter de la vie aux années plutôt que des années à la vie [Armstrong, 2018b]. Pour appuyer cette réflexion, les intervenants du groupe de discussion proposent de se demander ce que ferait la personne si elle était à domicile, où le risque est généralement mieux accepté.

Des interventions peuvent également être faites pour atténuer le risque ou en minimiser les conséquences, telles que l’utilisation de dispositifs de géolocalisation permettant de repérer les résidents qui circulent librement malgré la présence de troubles cognitifs [Voyer, 2019b].

Les intervenants et gestionnaires consultés rappellent l’importance, lorsqu’une situation clinique soulève un dilemme entre la prise de risque et la sécurité du résident, d’en discuter ouvertement avec tous les acteurs concernés, y compris le résident et ses proches, pour parvenir à une décision concertée (voir section 6.3.3). Les étapes du processus de gestion des risques, définies pour les risques institutionnels [AQESSS, 2011] ou en santé publique [Cortin et al., 2016], pourraient servir de guide dans de telles circonstances (voir tableau 5).

Tableau 5 Étapes du processus de gestion des risques (inspiré de Cortin et al., 2016 et Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux, 2011)

• Évaluation du contexte

• Identification, analyse et évaluation du risque

• Consultation des parties prenantes concernées

• Communication des risques aux parties prenantes, de manière transparente et en permettant le dialogue

• Décision

• Mise en œuvre et suivi

Les membres du comité de travail et les gestionnaires du groupe de discussion précisent qu’à la quatrième étape du processus, soit la communication des risques aux parties prenantes, il est parfois nécessaire de sensibiliser les proches à la présence de risques inhérents à la vie en centre d’hébergement. Cela peut leur permettre d’ajuster leurs exigences. De plus, selon les consultations effectuées et le Collège des médecins du Québec [CMQ, 2015], la prise de décision quant aux risques acceptables pour le résident devrait tenir compte de son niveau d’intervention médicale. Le niveau d’intervention médicale (parfois appelé « niveau de soins ») est défini comme « l’expression des

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anticipée de l’état de santé, les options de soins médicalement appropriées et leurs conséquences, afin d’orienter les soins et de guider le choix des interventions

diagnostiques et thérapeutiques » [INESSS, 2016, p. viii]. En pratique, les discussions sur le niveau d’intervention médicale se déroulent fréquemment avec le représentant du résident, qui est souvent un proche, vu la forte proportion de résidents qui ont des

troubles neurocognitifs. Ces décisions sont facilitées lorsque des directives médicales ont été émises préalablement par le résident, au moment où il était apte à consentir aux soins [Martin et al., 2016].

Le niveau d’intervention médicale traduit habituellement les volontés du résident en cas de maladie grave ou de fin de vie, comme l’hospitalisation ou la réanimation

cardiorespiratoire [CMQ, 2015]. Néanmoins, il peut être utile pour guider les décisions dans des situations de tension entre l’intégrité physique et le bien-être émotionnel, puisqu’il précise les objectifs thérapeutiques généralement privilégiés par le résident. Le niveau d’intervention médicale ne remplace toutefois pas les discussions avec l’ensemble des acteurs concernés lorsqu’une situation de tension se présente. Il peut être révisé en tout temps, par exemple lors d’une nouvelle situation de tension, et le consentement aux soins doit être obtenu à chaque nouvel épisode de soins aigus [CMQ, 2015].

Dans les situations qui concernent l’ensemble des résidents, cette vision de la gestion des risques permet d’adopter des solutions qui visent à tempérer les risques plutôt qu’à les éliminer complètement, en conformité avec l’approche « milieu de vie ». À titre d’exemple, une situation vécue dans un CHSLD a été rapportée lors d’une rencontre du comité de travail : malgré une éclosion de gastro-entérite, le spectacle d’un chansonnier a été maintenu. Les résidents de l’unité concernée ont utilisé un ascenseur distinct, se sont rendus au spectacle après les autres résidents et l’ont quitté en premier pour minimiser les risques de transmission.

• La Fédération québécoise du loisir en institution [FQLI, 2015]

propose une trousse d’idées pour animer le milieu de vie, tout en minimisant les risques de transmission d’infection en cas d’éclosion ou d’autres situations exigeant d’éviter les contacts de groupe.

• Dans le Cadre de référence relatif aux activités bénévoles en CHSLD [Gélinas, 2019], le CIUSSS du Saguenay–Lac-Saint-Jean dresse une liste des niveaux de risque et des mesures de gestion des risques pour plusieurs activités pouvant être réalisées par les bénévoles en CHSLD.

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