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Rôle des principales démarches d’évaluation dans les tensions entre milieu de soins

7. ÉVALUATION DE LA QUALITÉ EN CHSLD

7.1 Rôle des principales démarches d’évaluation dans les tensions entre milieu de soins

Comme point de départ, rappelons que la Commission de la santé et des services sociaux portant sur les conditions de vie des adultes hébergés en CHSLD considère que

« certains critères d’évaluation proposés par le Ministère entravent l’implantation d’initiatives qui permettraient d’améliorer et de faciliter les soins des patients »

[Commission de la santé et des services sociaux, 2016, p. 9]. Afin d’illustrer son propos, la Commission donne comme exemple l’impossibilité d’utiliser des napperons indiquant les particularités alimentaires des résidents, puisque c’est contraire à l’approche « milieu de vie ». Conséquemment, la Commission recommande « que le MSSS assouplisse ses critères pour permettre le déploiement d’initiatives de soins mieux adaptés aux besoins des personnes hébergées et favoriser un meilleur équilibre entre le milieu de soins et le milieu de vie » [Commission de la santé et des services sociaux, 2016, p. 9].

Fort de ces constats, il apparaît essentiel de déterminer précisément quels critères utilisés lors des visites ministérielles d’évaluation de la qualité des milieux de vie en CHSLD [MSSS, 2018a] sont susceptibles d’entrer en conflit avec des initiatives de soins mieux adaptées aux besoins des personnes hébergées. À cette fin, un examen des critères d’évaluation appliqués par le MSSS a été réalisé en les comparant aux critères d’évaluation de la qualité des soins du programme Qmentum d’Agrément Canada [2020], qui réalise également des évaluations dans les CHSLD québécois. Bien que la portée et les méthodes utilisées par ces deux programmes d’évaluation diffèrent, aucune

contradiction n’a pu être relevée entre eux. Au contraire, plusieurs normes ou cibles évaluées par les deux instances apparaissent convergentes, telles que la continuité des interventions, la communication efficace et la collaboration avec l’usager et ses proches.

On observe par ailleurs que certains critères d’évaluation utilisés par le MSSS

concernent des éléments apparentés à la qualité des soins, par exemple la présence d’espaces intérieurs sécuritaires. Bref, aucun des critères d’évaluation utilisés par le

ÉVALUATION

Par la suite, les possibles divergences entre les recommandations émises par le MSSS et celles émises par Agrément Canada ont été explorées. Pour ce faire, une analyse comparative de rapports d’évaluation de ces deux instances pour quatre CHSLD de différentes régions du Québec a été effectuée. Certes, le vocabulaire utilisé et

l’organisation de l’information dans ces deux types de rapports d’évaluation différent, ce qui peut présenter un défi pour les établissements, les résidents ou les proches qui consultent ces documents. Cependant, aucune incompatibilité n’a pu être repérée entre les recommandations de ces deux instances. En effet, l’analyse démontre que pour un même centre d’hébergement, les recommandations portent généralement sur des sujets complémentaires ou que, si elles portent sur le même sujet, elles apparaissent

convergentes.

Finalement, des entrevues individuelles avec des membres du comité de travail et une experte responsable de l’évaluation de la qualité des milieux de vie dans un CISSS ont été réalisées pour sonder leur perception de la contribution de l’évaluation aux tensions entre milieu de soins et milieu de vie en CHSLD. Selon ces consultations, l’application des critères d’évaluation de la qualité des milieux de vie n’empêchent pas la mise en œuvre d’initiatives pour améliorer les soins et services aux personnes hébergées. La seule exception relevée concerne l’affichage d’informations relatives au résident, comme les bracelets d’identification ou l’histoire de vie affichée dans la chambre du résident, que certains perçoivent comme étant contraire à l’approche « milieu de vie », quoique utile pour favoriser la qualité des soins. Par ailleurs, selon les personnes consultées, les écarts entre les recommandations émises par Agrément Canada et celles du MSSS lors de leurs évaluations respectives semblent s’amoindrir d’année en année. Le fait que les deux instances encouragent maintenant l’approche patient partenaire [MSSS, 2018b;

Agrément Canada, 2017a] semble concourir à cette perception.

Ainsi, pour les personnes consultées, l’application des critères d’évaluation eux-mêmes ne semble pas contribuer significativement aux tensions entre le milieu de soins et le milieu de vie en CHSLD. Cependant, l’application des recommandations issues des évaluations, et les directives administratives ou cliniques qui en découlent, peuvent donner lieu à de telles tensions. D’une part, selon les personnes consultées, le manque de personnel fait en sorte qu’il peut être difficile de mettre en œuvre les

recommandations visant à améliorer la qualité du milieu de vie ou du milieu de soins. Par ailleurs, la surcharge de travail des gestionnaires, qui sont responsables de plusieurs installations et très sollicités par des activités de reddition de comptes, semble faire en sorte qu’il leur est plus difficile de connaître et d’apprécier la réalité quotidienne des résidents et de leur personnel. Par conséquent, leurs directives pour répondre aux recommandations émises par les instances d’évaluation peuvent paraître incompatibles avec la réalité de la vie quotidienne.

D’autre part, les personnes consultées expliquent que c’est parfois l’arrimage entre le CHSLD et les autres équipes ou directions du CISSS/CIUSSS qui engendre des tensions lors de l’application des recommandations provenant des évaluations. Par exemple, certaines directives qui émanent de l’équipe de prévention et de contrôle des infections

ÉVALUATION

CHSLD. Ces directives peuvent notamment empêcher la présence de poupons lors des visites de garderie, la présence d’animaux dans le milieu de vie ou le partage de matériel comme les poupées thérapeutiques ou les animaux robotisés, en raison des risques de transmission d’infections.

L’arrimage entre le CHSLD et la Direction des services techniques et immobiliers des CISSS/CIUSSS présente également des défis. En effet, cette direction doit s’assurer, pour toutes les installations du CISSS/CIUSSS, du respect de l’application de la Loi sur le bâtiment, du Code de sécurité et du Code de construction qui en découlent, et des directives du Service de prévention des incendies des municipalités. Conséquemment, ces impératifs rendent parfois difficiles un aménagement des lieux d’un CHSLD selon les principes de l’approche « milieu de vie » (p. ex. rideaux aux fenêtres, camouflage des portes d’ascenseur, mobilier en tissu agrémenté de coussins, etc.). Malgré les défis rencontrés, certaines personnes consultées rapportent avoir réussi à concilier ces différentes visions pour favoriser l’application des recommandations issues des

évaluations de la qualité des soins et du milieu de vie en CHSLD. La collaboration et le partenariat interdirections à l’intérieur des CISSS/CIUSSS se sont avérés essentiels pour convenir de solutions qui permettent de satisfaire aux exigences des différentes

directions, dans le respect de l’approche « milieu de vie ». Dans un CISSS, un « comité orienteur milieu de vie interdirections » a même été mis sur pied pour promouvoir la concertation autour de cette approche dans l’ensemble de l’établissement. Les solutions provenant de ces collaborations sont axées sur la gestion des risques : par exemple, le choix de rideaux courts faits d’un tissu peu inflammable pour diminuer les risques

d’incendie, tout en assurant une ambiance chaleureuse, l’achat de coussins avec housse munie d’une fermeture éclair qui sont facilement lavables, etc.

En somme

• Selon les analyses et consultations effectuées, les critères d’évaluation du milieu de soins et du milieu de vie utilisés par Agrément Canada et par le MSSS n’apparaissent pas incompatibles, et ne semblent pas contribuer

significativement aux tensions entre milieu de soins et milieu de vie en CHSLD.

• Toutefois, l’application des recommandations issues de ces démarches d’évaluation pose des défis en raison de contraintes organisationnelles telles que le manque de personnel, la surcharge des gestionnaires et l’arrimage avec d’autres directions des CISSS et CIUSSS

(notamment l’équipe de prévention des infections et la direction des services techniques et immobiliers).

• Le partenariat interdirections au sein des CISSS et CIUSSS peut aider à trouver des solutions axées sur la gestion de risques, permettant de répondre aux

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7.2 Stratégies d’évaluation favorisant la conciliation du milieu de