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6. MOYENS POTENTIELS POUR FAVORISER LA CONCILIATION DU MILIEU DE SOINS ET

6.6 Moyens potentiels pour agir sur les tensions associées à l’organisation des soins

6.6.3 Redéfinition des rôles et tâches des divers intervenants

La redéfinition des rôles et tâches des divers intervenants, parfois appelée « skill mix » ou « skill management » dans la littérature, vise l’utilisation optimale des compétences du personnel en tenant compte des besoins de l’organisation, de la disponibilité et des aptitudes des intervenants de différentes disciplines [Koopmans et al., 2018; Dubois et Singh, 2009]. Cette reconfiguration pourrait favoriser la conciliation du milieu de soins et du milieu de vie en agissant indirectement sur les facteurs « compétences du

personnel » et « quantité de personnel », qui contribuent aux tensions d’ordre

MOYENS POTENTIELS

reconsidérer les rôles de chaque membre de l’équipe et de redéfinir les zones de collaboration et le partage des tâches [Gélinas, 2013a]. Cette redéfinition peut prendre différentes formes, soit la substitution, la délégation, l’élargissement ou la spécialisation des rôles [Dubois et Singh, 2009]. En pratique, ces stratégies sont parfois combinées dans des initiatives globales de révision des rôles et tâches du personnel [Dussault et al., 2017; Gélinas, 2013a].

La substitution de rôles permet à certains membres du personnel d’effectuer des tâches traditionnellement confiées à des intervenants plus spécialisés, afin de permettre à ces derniers de se concentrer sur des tâches plus complexes. Par exemple, certaines tâches administratives ou certains soins de santé moins spécialisés sont parfois redistribués aux infirmières auxiliaires ou aux préposés aux bénéficiaires, pour que les infirmières

accomplissent des tâches plus spécialisées [Dussault et al., 2017; Dubois et Singh, 2009]. Dans la délégation de rôles, certaines tâches sont officiellement transférées d’une profession à une autre [Dubois et Singh, 2009]. Cela s’accompagne souvent de

formations pour que les intervenants qui assument les nouvelles tâches développent de nouvelles compétences dépassant leur champ d’exercice habituel24,25. Au Québec, les infirmières praticiennes spécialisées constituent un bon exemple de délégation de rôles puisqu’elles peuvent exercer certaines activités médicales, comme prescrire certains examens ou traitements médicaux [Denault et Duvervil, 2018]. Dans d’autres régions, des assistants médicaux sont formés spécialement pour seconder les médecins dans certaines tâches26 [Lovink et al., 2019].

La redéfinition des rôles et tâches peut aussi prendre la forme d’un élargissement des rôles. Cette stratégie permet d’ajouter des tâches non spécialisées, afin de favoriser la continuité relationnelle, tout en augmentant la stabilité du personnel auprès des usagers [Dubois et Singh, 2009]. Le suivi des signes vitaux, l’enseignement aux usagers ou la transmission de conseils pour la promotion de la santé sont des exemples de tâches qui peuvent être attribuées à différents membres du personnel, selon leurs disponibilités respectives et selon certaines conditions [Dubois et Singh, 2009]. Dans les petits

établissements de style domiciliaire, on observe souvent une plus grande polyvalence du personnel de soins, qui peut contribuer tant aux soins d’assistance qu’à la cuisine, la lessive et l’entretien ménager [MacDonald, 2018].

Enfin, la spécialisation des rôles (« role enhancement ») consiste à engager ou former des gens ayant des compétences spécialisées en vue de répondre à certains besoins non comblés au sein de l’organisation, sans substitution ou délégation de tâches [Dubois et Singh, 2009]. Par exemple, certaines infirmières ont développé une pratique de pointe leur conférant une expertise en soins de longue durée [Hanratty et al., 2019]. De même,

24 Association des infirmières praticiennes spécialisées du Québec (AIPSQ). Infirmières praticiennes spécialisées [site Web]. Disponible à :

https://aipsq.com/infirmieres-praticiennes-specialisees/qu-est-MOYENS POTENTIELS

certains médecins ont acquis une spécialisation gériatrique propre aux centres d’hébergement [Koopmans et al., 2010; Katz et al., 2009].

Dans l’ensemble, la littérature indique que la redéfinition des rôles et tâches des intervenants peut avoir des effets positifs sur la qualité des soins, l’utilisation des ressources et la satisfaction du personnel au travail. Mais ces effets ne sont pas démontrés de façon probante sur le plan scientifique [Lovink et al., 2019; Koopmans et al., 2018; Dubois et Singh, 2009]. Des retombées néfastes sont aussi rapportées, notamment sur la satisfaction au travail, en particulier si les nouveaux rôles ne sont pas clairs ou si le personnel ne se sent pas soutenu par l’organisation pour l’acquisition de nouvelles compétences [Koopmans et al., 2018; Dubois et Singh, 2009]. Pour favoriser le succès de telles initiatives, il semble indispensable de s’attarder aux facteurs

organisationnels et contextuels, comme les aspects législatifs et déontologiques, les programmes de formation destinés aux divers intervenants et l’évolution des besoins de la clientèle [Dubois et Singh, 2009]. La qualité de la communication, la collaboration entre les intervenants, la confiance mutuelle et l’autonomie professionnelle peuvent également faciliter la redéfinition des rôles et des tâches du personnel [Koopmans et al., 2018].

• Au CIUSSS de la Capitale-Nationale, un modèle intitulé

« Vision de soins intégrés auprès de la personne âgée » (VSI) a été élaboré pour pallier l’absence fréquente d’infirmières de soir et de nuit dans les CHSLD en zone rurale [Dussault et al., 2017]. Ce modèle implique de fusionner les effectifs infirmiers du soutien à domicile et de l’hébergement dans certains territoires, de remplacer les employés faisant les quarts de travail de soir et de nuit dans les CHSLD par des infirmières de garde sur appel et des infirmières auxiliaires chefs d’équipe, et de redistribuer certaines tâches réalisées auparavant par les infirmières à des infirmières auxiliaires et des préposés aux

bénéficiaires.

Une réduction de la fréquence et de la durée des

situations de santé instables et du recours à la médication (p. ex. analgésiques, antipsychotiques) a été observée en comparaison avec les CHSLD qui n’avaient pas implanté le modèle, mais aucun changement significatif n’a été constaté pour les autres effets mesurés : accidents, transferts à l’urgence, application de mesures de contention physiques. Les auteurs du rapport concluent que l’utilisation du modèle VSI ne remplace pas la présence continue des infirmières en CHSLD, et que d’autres solutions pourraient être considérées face aux difficultés de recrutement et de rétention du personnel

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