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2.4 Les formes du phosphore dans les boues

2.4.3 Teneurs et formes du phosphore dans les boues d'epuration 36

Le tableau 2.5 illustre l'e et des traitements d'epuration sur les teneurs en phosphore dans les boues. La concentration des boues primaires est generalement plus faible que celle des boues biologiques ou mixtes. La concentration moyenne des boues produites en l'absence de dephosphatation est environ de 2,5 % P (% poids de matiere seche).

Dans le cas d'une station d'epuration biologique en aeration prolongee, cette valeur moyenne correspond au calcul theorique. En e et, pour un fonctionnement a charge et debit nominal, la production de boues correspond environ a 85 % de la DBO5 traitee5. Ainsi, pour une pollution moyenne de 60gj;1 de DBO5, la pro-duction de boue est d'environ 51g. Avec une charge entrante de 4gEQH;1 et un abattement de la pollution phosphoree de 30 %, on obtient bien une teneur theo-rique de 2,4 %P.

Dans le cas d'une dephosphatation physico-chimique, permettant d'atteindre un taux d'abattement du phosphore de 80 %, la quantite de phosphore piegee dans les boues atteint 3,2gEQH;1. Cependant, ce phosphore est precipite sous forme d'AlPO4(122gmole;1), FePO4(151gmole;1) ou Ca10(PO4)6(OH)2(1004gmole;1). La production de boues (en poids de matiere seche) s'accro^t alors respectivement de 15 %, 20 % et 25 %. En fait, en fonction du rendement des reactions de pre-cipitation, l'accroissement de poids peut ^etre plus important. Ainsi s'expliquent les teneurs moyennes indiquees au tableau 2.5, a peine plus elevees que celles des stations depourvues de dephosphatation.

L'e et du conditionnement de la boue sur les teneurs en phosphore a ete etudie par Colin (1983)sur une installation pilote. Les resultats de cette etude apparaissent

5. DBO5: Demande Biologique en Oxygene calculee sur 5 jours. Ce parametre permet de quan-ti er la matiere organique facilement degradable dans un euent.

Tableau 2.5 {

E et des traitements d'epuration sur les teneurs en phosphore des boues, d'apres une compilation de donnees realisee par l'ADEME. (1): Sommers (1977); (2): O'Riordanetal.(1986); (3): Etude realisee en 1996 par la chambre d'agriculture du Nord; (4) Jokinen (1990); (5): Kirkham (1982); (6): Brochure ADEME sur les boues chaulees.

au tableau 2.6. Les traitements de stabilisation, qui favorisent la mineralisation de la matiere organique, produisent des gaz (CO2 dans le cas d'une stabilisation aerobie et CH4 pour une digestion anaerobie). Cette perte de matiere s'accompagne d'un accroissement proportionnel des teneurs en phosphore dans les boues. En revanche, le conditionnement, qui entra^ne une augmentation du poids des boues par apport de reactifs, se traduit par une diminution correlative des teneurs en phosphore.

Morel (1977, 1978) a aussi montre que les traitements de deshydratation s'ac-compagnaient d'une diminution de la teneur des boues en phosphore. Ce resultat traduirait simplement l'e et du retour en t^ete de station du phosphore soluble, avec les eaux de deshydratation.

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Les formes du phosphore dans les boues dependent naturellement du type de traitement, du mode de dephosphatation et du conditionnement de la boue. Les etudes relatives a la caracterisation du phosphore des boues restent relativement

Tableau 2.6 {

E et du conditionnement des boues sur les teneurs en phosphore, d'apres Colin (1983); Morel (1980).

limitees. La reactivite des ions phosphates, susceptibles de former de nombreuses combinaisons organo-minerales, rend l'analyse dicile (Sommelier et al., 1996).

Hinedi et al. (1989b,a) ont employe la RMN du31P pour caracteriser les formes du phosphore dans des boues ainsi que des sols traites par des boues. L'interpreta-tion des spectres obtenus est rendue dicile par la presence de composes parama-gnetiques. Aussi, les echantillons ont-ils etetraites au citrate-dithionite-bicarbonate. Un tel traitement favorise, en e et, la solubilisation des oxy(-hydro)xydes de fer. Dans la mesure ou une partie du phosphore est probablement liee a ces derniers, les resultats obtenus sont critiquables. Cependant, ce protocole a permis de mettre en evidence du phosphate de calcium.

Des analyses plus detaillees ont ete realisees par Zhang (1991); Condron et al. (1993); Frossard et al. (1994b), sur des boues issues de trois stations. Ces derniers ont pratique des extractions chimiques successives couplees a des analyses par RMN du31P. Leurs resultats ne font sans doute pas assez de cas du traitement employe a la station (chaulage par exemple). Cependant, les analyses elementaires presentees pour chaque boue montrent des concentrations en calcium signi catives (5,6, 9,9 et 10,6gkg;1).

Les boues les moins riches en calcium (5,6gkg;1Ca) provenaient d'une aeration prolongee et n'avaient pas subi de deshydratation. Les formes labiles du phosphore y sont apparues importantes puisque 17,7 % du phosphore total etait extrait lors d'un melange boue/eau dans un ratio 1/200. Cependant les spectres observes en RMN du 31P ont ete attribues a de la brushite CaHPO4.2H2O, de l'apatite et/ou de l'octocalcium phosphate. La fraction refractaire aux extractions chimiques se-rait composee de wavellite Al3(PO4)2(OH,F)35H2O, susceptible de s'^etre formee au cours de la sequence d'extraction chimique.

Dans les boues plus riches en phosphore, digerees par anaerobie et conditionnees chimiquement ou thermiquement, l'importance des phosphates de calcium est ap-parue encore plus nettement. Les spectres observes sont sans doute le resultat d'un melange d'apatite, d'apatite carbonatee, d'octocalcium phosphate et de monetite Ca(H2PO4)2. Le spectres observes avant l'emploi des divers reactifs, chimiques sem-blaient pouvoir ^etre attribues a des pyrophosphates. A juste titre, le dernier article

cite (Frossard et al., 1994b) met en lumiere les limites du protocole chimique utilise. En e et, les analyses ont montre que l'acide chlorhydrique ne garantissait pas la solubilisation de la totalite du phosphore lie au calcium. Par ailleurs, les teneurs en fer des echantillons etaient de 9,8, 18 et 22gkg;1. Aussi est-il possible qu'une part du phosphore, initialement liee au fer, n'ait pu ^etre mise en evidence. En outre cette fraction aurait ete liberee lors des extractions au NaOH et au NaHCO3. Elle a pu reagir avec le calcium, au pH alcalin obtenu dans cette phase du protocole. Par microscopie electronique a balayage, Frossard et al. (1992) ont precisement mis en evidence la formation de vivianite.

En ce qui concerne les formes organiques du phosphore des boues d'epuration, une premiere approche utilisant des extractions par des solvants non polaires a montre que 0,2 a 3,7 % du P total des boues etait constitue de phospholipides (Chae et Tabatabai, 1981). La mise au point d'une technique d'extraction suivie de chromatographie liquide a haute performance par Stott et Tabatabai (1985), a permis de preciser la nature de ces phospholipides. Il s'agit d'un melange complexe de composes standards (phosphatidyl -choline, -inositol, -serine, -ethanolamine). Par RMN du31P, Hinedi et al. (1989a) ont aussi mis en evidence les esters d'inositols que l'on trouve aussi dans le sol (voir x2.2). Ils notent que seul le myoinositol (la phytine) est present dans l'euent brut de la station etudiee. Comme dans les sols, les di erents esters de (scyllo-, chiro- et neo-) inositols seraient le produit de l'activite des bacteries. Ils montrent aussi la presence de diesters phosphates. Ces derniers sont probablement constitues d'acides nucleiques. La stabilisation aerobie ainsi que la digestion des boues se traduisent par une diminution de la taille de ces molecules. Ce resultat traduit probablement l'e et de l'activite microbienne, notamment la production de phosphatases, lors de la stabilisation.

En n, Butkus et al. (1998) ont montre, par modelisation des equilibres chi-miques, la probable complexation du phosphore par les polymeres cationiques. Ceux-ci sont utilises lors du conditionnement de la boue. A des pH superieurs a 7, il semble que l'anite du phosphore pour ces derniers augmente. Dans ces conditions de pH, les ions phosphores adsorbes sur les oxy(-hydro)xydes de fer sont justement susceptibles d'^etre liberes.

Chapitre

3

Mobilite et bio-disponibilite du

phosphore dans les sols et les

boues

3.1 Teneurs en phosphore dans le solution des sols et

besoins des plantes

L

a production de 1 g de matiere seche par une plante requiert un prelevement d'environ 3mgP (Fardeau et Conesa, 1994). Pour le m^eme poids, une plante de region temperee utilise pres de 300 ml d'eau dont l'essentiel est restitue a l'at-mosphere par evapotranspiration. Or la concentration moyenne de la solution du sol est de 0,25mgL;1P (Morel, 1996). Dans ces conditions, l'apport de phosphore lie au ux de masse (ou convection) n'est que de 0,075mgP, soit 2,5% des besoins de la plante. La nutrition des plantes en phosphore suppose donc un mecanisme de prelevement actif par la racine (eventuellement les mycorhizes, cf. x 3.4.2). Il y a, par consequent, un gradient de concentration en phosphore dans la solution du sol, a proximite des racines. Ce gradient est le moteur d'une di usion depuis les zones non rhizospheriques vers les racines. Ainsi, c'est ce ux di usif de phosphore qui assure l'essentiel des besoins de la plante.

En periode de montaison et d'epiaison, un mas peut prelever 2kgha;1j;1P (Sommelier et al., 1996). Avec une concentration de 0,25mgL;1P dans la solution du sol et une humidite du sol de 25% poids, le phosphore en solution des 20 pre-miers centimetres de terre arable represente environ 0,2kgha;1P. La di usion du

Les besoins des plantes en phosphore ne peuvent ^etre assures par le seul ux de convection. La nutrition phosphoree des vegetaux necessite un prelevement actif au niveau de la racine ainsi qu'un transfert permanent de la phase solide a la solution du sol.

phosphore atteindrait ainsi un ux quotidien 10 fois superieur a la quantite presente dans la solution.

Le prelevement des plantes doit ^etre compense par la liberation de phosphore dans la solution. Il y a ainsi transfert depuis la phase solide vers la solution (Fardeau et Conesa, 1994). Les mecanismes impliques (dissolution, desorption) conditionnent

la nutrition des vegetaux. En outre, ils determinent aussi partiellement le risque de transfert du phosphore vers les eaux de surface. Les phenomenes physico-chimiques qui expliquent le transfert du phosphore depuis la fraction solide vers la solution du sol sont decrit ici. C'est l'objet du premier paragraphe. Les notions agronomiques de bio-disponibilite et de phosphore assimilable seront evoquees dans un second temps.