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3.3 Dynamiques de l'adsorption et de la desorption du phosphore

3.3.6 Aspects cinetiques des phenomenes de sorption

La cinetique des phenomenes de sorption a deja ete evoquee au paragraphe 3.2. Elle explique en e et pourquoi les concentrations en phosphore dans la solution des sols sont plut^ot contr^olees par des phenomenes d'adsorption ou de desorption. On verra par la suite, que le paragraphe 3.4, consacre au caractere(( assimilable )) du phosphore du sol, est aussi l'occasion d'une re exion quant a l'importance des aspects cinetiques de l'adsorption ou de la desorption du phosphore.

Lors de la realisation d'isothermes, il est apparu que la sorption initiale du phosphore etait un phenomene rapide durant les premieres heures ou les quelques premiers jours. Mais cette premiere phase est suivie d'une periode durant laquelle les concentrations en phosphore dissous continuent a diminuer lentement (Raja et Fox, 1972; Barrow et Shaw, 1974; Ryden et al., 1977; Skrivan et Fafejtova, 1983). Dans la plupart des cas, les auteurs doutent qu'un veritable equilibre soit atteint au cours de l'experimentation (Sanyal et De Datta, 1991) . La reaction rapide initiale est consideree comme une adsorption reelle a la surface des oxy(-hydro)xydes ou des argiles (Muuns et Fox, 1976; Ibrahim et Pratt, 1982). Plusieurs interpretations ont ete proposees en ce qui concerne la diminution ulterieure des teneurs en solu-tions. Certains y voit la preuve de la formation de phases minerales de phosphates, ou la transformation d'un mineral cryptocristallin en une phase mieux cristallisee et donc moins soluble (Ibrahim et Pratt, 1982). Cependant Barrow (1983) a mon-tre que ce phenomene pouvait traduire la di usion(( penetrative)), a l'etat solide, des ions phosphates initialement adsorbes a la surface des particules. Ce pheno-mene de di usion se traduit alors par une irreversibilite partielle de l'adsorption. Bramley et al. (1992) ont montre que cette di usion etait sous l'in uence de la temperature et de l'humidite du sol. Strauss et al. (1997) montrent que, dans le cas

d'une adsorption sur de la goethite, la di usion est aussi in uencee par le degre de cristallinite de l'adsorbant. Ils observent que l'evolution temporelle de la part du phosphore concernee par ce phenomene, correspond a une loi de di usion dans un cylindre. En outre, ils remarquent que, lors d'une dissolution acide de la goethite, le phosphore est restitue beaucoup plus rapidement dans le cas des mineraux bien cristallises.

Plusieurs auteurs se sont penches sur la cinetique des reactions d'adsorption. Les formulations les plus classiques proposees sont resumees au tableau 3.1.

Tableau 3.1 {

Principales equations employees pour decrire la cinetique d'adsorption des ions phosphates sur les particules constitutives des sols. X est la quantite de phospore adsorbee, C0 et C sont les concentrations initiales et nales d'ions phosphates dans la solution, t est le temps de reaction. Adapte d'apres Bolanetal.(1985); SanyaletDe Datta (1991).

Equation Hypothèses

Cinétique du premier ordre Le taux d'avancement est proportionnel soit à ln C = ln C0- Kt la concentration des ions en solution, soit à celle

des sites vides

Cinétique d'ordre 2 Le taux d'avancement est proportionnel à la fois à

1/C0- 1/C = Kt la concentration des ions en solution et à celle

des sites vides

Equation de diffusion Le taux d'avancement est limité par une étape de

X = Rt(1/2) + b diffusion des ions phospates soit de la solution

vers la surface, soit de la surface vers l'intérieur des particules

Equation modifiée de Langmuir Le taux d'avancement est proportionnel à la fois à

X = b1+ D b1 + b2k2C +k/(1 2C) 3

b +k3C/ +k(1 3C) la concentration des ions en solution et à celledes sites vides

Equation modifiée de Freundlich La réaction des phosphates dans le système fait intervenir

X = Catb trois compartiments A, B et C. La réaction s'écrit :

A B C

Et c'est la seconde étape qui est limitante

Elovitch L'énergie d'activation de l'adsorption s'accroit linéairement

X = /(1 ) ln ( ) 1 ln( )b ab + /b t avec le taux de couverture

Dans certains cas, la dependance entre la temperature et la sorption ou la li-beration du phosphore est apparue limitee. L'energie d'activation mise en jeu est donc faible. Cette observation serait, selon Sparks (1986), la con rmation que la cinetique de l'adsorption et de la desorption est limitee par des phenomenes de di usion. D'autre donnees font cependant appara^tre des energies d'activation plus elevees (Barrow et Shaw, 1975; Barrow, 1979). Ces di erences peuvent re eter les r^oles respectifs des phenomenes d'adsorption chimique et de di usion solide au sein des particules. Aussi, les etudes les plus recentes distinguent deux termes dans l'equation cinetique, a n de rendre compte de l'adsorption rapide et de la di usion (Van Riemsdijk et al., 1984; Van der Zee et Van Riemsdijk, 1991). Le processus lent est alors decrit, notamment pour des surfaces d'oxydes, par une fonction de

(( l'exposition )) (Van der Zee et Van Riemsdijk, 1988; Freese et al., 1995b,a). Ce parametre est de ni par une equation de la forme:

I

(

t

f) = Z tf

0 (

c

(

t

);

c

e)d

t

(3.47)

ou,

I

(

t

f) est l'exposition apres un temps

t

f,

c

(

t

) est la concentration de la solution au temps

t

et

c

eest la concentration theorique a l'equilibre. On verra que ces resultats meritent quelques considerations dans la prise en compte de l'interpretation des cinetiques d'echange isotopique.

R^ole du potentiel d'oxydo-reduction

La liberation ou l'adsorption du phosphore en fonction des conditions d'oxydo-reduction, est relativement peu documentee. En e et, les travaux menes sur le phos-phore sont generalement guides par des considerations agronomiques (cf. x 3.3.1). Ils negligent, pour cette raison, les sols hydromorphes, et sont consacres a des sols sains, generalement bien draines et donc aux conditions oxydantes assez constantes. En outre, les isothermes d'adsorption experimentales ne sont generalement pas rea-lisees a l'abri de l'air. Le seul melange de l'echantillon avec une eau oxygenee peut d'ailleurs favoriser la(( reoxydation)) des especes reduites.

Le manque de connaissances relatives a la liberation du phosphore en conditions reductrices, peut constituer une importante lacune de la re exion actuelle relative a la dynamique du phosphore dans les sols. En e et, m^eme dans les sols sains, des conditions reductrices localisees sont susceptibles d'appara^tre a la faveur d'epi-sodes climatiques humides. En outre, des conditions reductrices durables peuvent ^etre induites dans des (( micro-sites )) par la presence de matiere organique. Or, les quelques travaux relatifs au phosphore des sols reducteurs font appara^tre des comportements particuliers (Sanyal et De Datta, 1991). L'essentiel des resultats obtenus sur ce theme a trait aux sols inondes des rizieres. Ils indiquent que l'inon-dation tend a ameliorer la disponibilite du phosphore natif ou ajoute dans le sol (Ponnamperuma, 1985). En consequence, la fertilisation phosphoree a generalement moins d'e et sur la production des rizieres des zones basses. Celles-ci sont, en e et, plus regulierement noyees et le phosphore natif libere sut deja aux besoins des plantes (De Datta et Gomez, 1982).

La principale raison invoquee pour expliquer la liberation du phosphore des sols inondes, est la reduction des oxydes de fer ferrique Willett (1986); De Datta et al. (1989); Quang et Dufey (1995). En e et, la reactiona suivante permet d'expliquer l'activite des ions Fe2+ en solution (Ponnamperunna et al., 1967):

Fe(OH)3 + 3H+

*)

Fe2+ + 3H2O

Cette reaction qui provoque une solubilisation du fer, serait a l'origine de la libe-ration des ions phosphates adsorbes sur les surfaces des oxydes ou pieges dans le reseau cristallin. Les oxydes de fer les moins bien cristallises (ferrihydrite) seraient

les premiers a subir cette dissolution par reduction. Willett (1989) montre que ce phenomene est a l'origine de l'essentiel du phosphore assimilable des sols immerges. Cependant une adsorption antagoniste para^t limiter l'activite du phosphore en so-lution. En fait, tant que la dissolution des oxydes de fer ferrique est incomplete, la fraction restante est plus reactive. En e et, la surface speci que des oxydes est augmentee par la dissolution incomplete. Par ailleurs, le fer ferreux libere est sus-ceptible de precipiter sous forme de vivianite [Fe3(PO4)28H2O]. D'ailleurs, Fischer (1983) suggere que la dissolution reductive des oxydes de fer est accentuee en pre-sence de phosphore, car la precipitation de vivianite contribue a limiter l'activite des ions Fe2+ en solution.

Cependant, Willett (1989) indique aussi que la liberation du phosphore qui accompagne la reduction des oxydes de fer, est aussi le fruit de l'alcalinisation de la solution qui accompagne ces reactions. L'augmentation du pH favorise la desorption des ions phosphates xes sur les oxydes de fer mais aussi d'aluminium, ainsi que sur les argiles.

L'evolution de la matiere organique est aussi parfois evoquee pour expliquer le comportement du phosphore dans les sols immerges. En e et, la decomposi-tion anaerobie induite par l'immersion se traduit par la liberadecomposi-tion d'acides orga-niques solubles (Tsutsuki et Ponnamperuma, 1987). Ces derniers pourraient alors accro^tre la solubilite des phosphates de calcium en complexant les ions Ca2+. Ils sont aussi susceptibles d'entrer en competition avec les especes adsorbees sur les oxy(-hydro)xydes de fer ou d'aluminium.

? ? ?

Un rapide parallele merite d'^etre fait entre le comportement du phosphore dans les sols hydromorphes et dans les sediments des plans d'eau. En limnologie, la li-beration du phosphore sous l'in uence de conditions reductrices est un phenomene bien connu. Il se produit dans le fond des retenues deja sujettes a l'eutrophisation. En e et, comme l'evoquait l'introduction de ce memoire, l'exces de production d'autotrophes (phytoplancton) est une des consequence de l'eutrophisation. Cette production primaire favorise la presence d'une population bacterienne importante et d'un taux de respiration tres eleve. Ainsi, dans le fond des plans d'eau ou sedi-mentent les debris vegetaux et ou, faute de lumiere, la photosynthese ne compense pas la respiration, des conditions anoxiques peuvent appara^tre (Correll, 1998). Il peut ainsi y avoir une strati cation chimique du plan d'eau. Les bacteries vont alors utiliser d'autres accepteurs d'electrons que l'oxygene. Elle peuvent ainsi re-duire les oxydes de fer et de manganese. Le largage de Fe, Mn et P dans le fond des retenues, en periode de bloom algal, est un phenomene tres generalement observe (Stau er et Armstrong, 1986; Redshaw et al., 1990). Bue et al. (1989) ont, en outre, montre que dans un lac sujet a une strati cation chimique, l'interface entre l'epilimnion oxydant et l'hypolimnion reducteur etait le lieu privilegie de la repre-cipitation conjointe de particules de fer et de phosphore. Ces particules analysees par STEM/EDS montrent un ratio FeII/FeIII constant de l'ordre de 0,5 (De Vitre et al., 1988).

Or, l'existence de composes ferroso-ferrique dans les sols hydromorphes a re-cemment ete demontree par spectroscopie Mosbauer (Trolard et al., 1996, 1997). L'apparition fugace de ces composes , de type (( rouille verte )), semble accompa-gner la re-oxygenation d'un milieu reducteur (a la suite d'un episode pluvieux par exemple). Cette observation suggere une analogie avec les observations de De Vitre et al.(1988). Il est, en e et, possible que ces composes soient determinants a l'egard de l'immobilisation des phosphates liberes lors du passage en conditions reduc-trices.

3.4 Le caractere

((

assimilable

))

du phosphore et la

no-tion de

((

bio-disponibilite

))

3.4.1 Les strategies d'absorption et de retention du phosphore