3.3 Dynamiques de l'adsorption et de la desorption du phosphore
3.4.5 La redenition du phosphore bio-disponible a partir de
Le phosphore echangeable
Les reactifs employes dans les extractions chimiques tendent a modier et perturber le milieu analyse (Larsen, 1974; Fardeau, 1981). Plusieurs auteurs ont, presque simultanement, preconise l'emploi de 32P pour acceder au phosphore as-similable ou bio-disponible sans perturber le milieu (Wiklander, 1950; Gunnarson et Frederiksson, 1951; Larsen, 1952; Fried et Dean, 1952). Le principe de ces die-rentes methodes est d'ajouter une faible quantite de phosphore radioactif dans une solution en equilibre avec un echantillon de sol. On mesure alors la diminution de la radioactivite en solution (apres ltration). Rappelons que la radioactivite me-sure le nombre de desintegrations par unite de temps (un becquerel correspond a une desintegration par seconde). Elle est proportionnelle a la quantite de32P. Dans tous les calculs relatifs a la dilution isotopique de 32P, on considere que les va-leurs de radioactivite mesurees sont corrigees de la decroissance radioactive. Aussi, la decroissance rapide de la radioactivite observee dans la solution temoigne d'un echange permanent entre le phosphore lie a la fraction solide et le phosphore en solution. Lorsqu'un equilibre8 est atteint, la radioactivite specique (32P/31P) est la m^eme dans la solution que dans les compartiments du phosphore solide concer-nes par l'echange. Comme la radioactivite mesuree est proportionnelle au nombre d'ions32PO3;
4 , les equations proposees ont donc la forme:
r
s(0)Q
t =r
s(1)Q
s (3.48)ou
r
s(0) est la radioactivite initiale injectee dans la solution,Q
t est le stock total de phosphore participant a l'echange avec la solution,r
s(1) est la radioactivite de la solution a l'equilibre etQ
s est la quantite totale de phosphore dans la solution. La diminution de la radioactivite dans la solution permet alors d'estimer le stock totalQ
t du phosphore implique dans cet echange permanent. Ces demarches se fondent sur l'hypothese que le phosphore assimilable par les plantes est precisement le phosphore concerne par cet echange, dans la mesure ou le prelevement racinaire suppose de toute facon un passage en solution. On notera, en outre, que ces calculs negligent implicitement la possibilite d'un fractionnement isotopique au cours des reaction d'echange d'ions entres les dierentes phases en equilibre.8. Les travaux de Fardeau ont montre que ce sont essentiellement les approximations de cette notion d'equilibre qui expliquent les incoherences observees dans les resultats des premieres expe-rimentations utilisant le marquage radioactif du phosphore.
La cinetique d'echange
Une approche plus ne de la dilution isotopique s'est developpee en France gr^ace aux travaux de Fardeau et Jappe (1976); Fardeau (1981). L'idee originale de cette nouvelle demarche etait de prendre en compte la cinetique de la dilution isotopique que les precedents auteurs ignoraient. Le detail de cette methodologie est presente dans la partie II. La notion qui sous-tend (plus ou moins explicitement) ces tra-vaux, est qu'une m^eme quantite de phosphore (( isotopiquement echangeable )) ne represente pas le m^eme benece pour les plantes selon que l'echange se fait rapide-ment ou non. Les travaux de Fardeau et Jappe (1976) ont permis aux auteurs de proposer une loi empirique decrivant l'evolution de la radioactivite dans la solution. La modelisation mathematique de l'evolution de la radioactivite sera rappelee au chapitre 10. En fait, nous proposerons une expression dierente de celle de Fardeau et Jappe.
Les auteurs connaissent donc l'evolution de la radioactivite de la solution
r
s(t
). Ils denissent alors la quantite de phosphore isotopiquement echangeable au tempst
en generalisant l'equation 3.48:r
s(t
)Q
s =r
s(0)E
Pie(t
) (3.49)ou
Q
s est toujours la quantite d'ions phosphates presents en solution,r
s(0) est la radioactivite totale apportee (donc la radioactivite de la solution au temps 0) etE
Pie(t
) est deni comme la(( quantite de phosphore isotopiquement echangeable en un tempst
)). Cette notion de phosphore isotopiquement echangeable est discutee dans le paragraphe 10.2.1.A partir de ces resultats, Fardeau (1993) utilise les concepts d'intensite (
I
), de quantite (Q
) et de capacite (C
) pour denir exactement le statut des reserves en phosphore d'un sol:{ Le facteur intensite designe en fait l'activite des ions phosphates dans la solution du sol. Il est mesurehabituellement par la concentration en phosphate d'eau desionisee ou d'une solution de CaCl2 0,01M en equilibre avec le sol (Sommelier et al., 1996). Si l'on se refere aux modeles de desorption recenses au paragraphe 3.3.1, on voit que la valeur de l'intensite peut dependre du ratio sol/solution.
{ La quantite est la reserve totale en phosphore assimilable ou bio-disponible. C'est ce que de nombreux auteurs se sont attaches a estimer par des mesures chimiques.
{ La capacite est alors le pouvoir tampon du sol vis a vis de la solution : l'ap-titude du sol a maintenir l'intensite I dans la solution9.
9. Cette denomination est assez deroutante car elle incite a etablir une analogie avec le concept physique de la capacite qui rend compte de la relation de proportionnalite qui lie la dierence de potentiel entre les plaques d'un condensateur avec la quantite de charges stockees. La denition agronomique de la capacite ne correspond pas a cette notion. Une analogie plus rigoureuse, pren-drait en compte la relation liant la dierence d'activite des ions dans la solution et, par exemple,
Selon Fardeau et al. (1991); Fardeau (1993) et Morel (1996), le phosphore isotopi-quement echangeable en une minute est un parametre tres signicatif. Il correspon-drait a une fraction de phosphore tres rapidement disponible pour les plantes que Fardeau assimile au phosphore (( labile )). Generalement, la quantite
E
Pie(1min
), phosphore isotopiquement echangeable en une minute, est superieure de 1 a 2 ordres de grandeur a la quantite de phosphore dissous dans la solution. Aussi Fardeau (1993) considere que cette quantite contribue au pouvoir tampon du sol vis a vis des teneurs en phosphore de la solution. Pour cette raison, le rapportE
Pie(1min
)=C
sou
C
s est la concentration des ions en solution, est considere comme une quanti-cation de la capaciteC
.Figure 3.8 {
Representation du phosphore ((bio-disponible )) selon le modele comparti-mental((mamellaire))de Fardeau (1993). La surface du rectangle de gauche est proportion-nelle a la quantite EPie(1min). La hauteur de ce m^eme rectangle est proportionnelle a Cs. Par consequent, la largeur de ce rectangle represente la capacite telle que denie par Far-deau. Enn, la longueur des rectangles de droite est proportionnelle aux dierentes valeurs EPie
(tn+1);EPie
(tn). Il faut noter que ces distances ne representent pas des grandeurs homogenes. Notamment, si Cs est exprime en mgkg;1 par souci d'homogeneite avec les valeurs EPie
(t) alors EPie
(1)=Cs est sans dimension. Les doubles eches symbolisent les echanges de phosphore entre la solution et les dierents compartiments.
Le choix arbitraire d'une duree d'echange de 1min pour estimer le phosphore labile est impose par des considerations pratiques. En fait, on verra au chapitre 10 que cette valeur peut ^etre liee a la pente moyenne de l'evolution temporelle de
r
s(t
). A ce titre elle est liee au ux permanent d'echange de phosphore entre sol et solution. De la m^eme maniere, Fardeau denit des compartiments en fonction de considerations agronomiques relatives a la croissance des plantes cultivees en une annee. Il considere, en eet, le phosphore isotopiquement echangeable en 1 jourE
Pie(1j
), 3 moisE
Pie(3m
) et un anE
Pie(1an
). Ces distinctions permettent in ne, de representer le statut des reserves d'un sol en phosphore par une representation schematique dite(( modele compartimental mamellaire)). Ce dernier est illustre par la gure 3.8.des ions adsorbes avec l'energie de la reaction d'adsorption (dierence de potentiel energetique)
:::