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Résumé Chapitre

2. Données et méthode

4.1. Tendance en albédo et verdissement de forêts stables

4.1.1. Détection de tendances dans les forêts stables

Durant la dernière décennie (2001-2013), des tendances négatives en l’albédo VIS ont affecté approximativement 3.5% de la surface terrestre de la France. Ces tendances à la diminution sont dues à divers phénomènes qui se produisent dans les différents couverts. Cette étude a montré que dans 84% des cas ces tendances ont été causées par des changements rapides dans la végétation. Ces changements rapides peuvent être liés, par exemple, à des interventions anthropiques (ex. coupes d’arbres) ou à des évènements climatiques extrêmes (ex. tempêtes).

Ce chapitre s’intéresse aux couverts arborés à priori stables vis à vis de leurs paramètres de la végétation (LAI, FCOVER). Les zones de changement rapide ont été écartées à l’aide de la méthode statistique de Zeileis et des produits LAI et FCOVER. Sur la surface restante (5021 km2), 82% était définie comme étant des surfaces agricoles (cultures ou prairies) et 18% était définie comme étant de la végétation boisée (arbustif ou arboré), soit 911 km2 (ou plus précisément 911 pixels de 1 km2). La plupart des pixels agricoles ont été éliminés via la méthode de Zeileis, mais certains n’ont pas montré de rupture significative dans le produit FCOVER ou LAI durant la période étudiée. Les interventions anthropiques qui ont lieu dans les cultures, telles que les rotations culturales, le labour

ou l’ajout de pesticides ou d’engrais azoté, affectent de manière rapide et directe l’albédo de surface (Hollinger et al., 2010 ; Wicklein et al., 2012 ; Davin et al., 2014). Pour cette raison, les pixels classifiés comme « agricole » ont été également écartés de cette étude et seules les zones de végétation boisée ont été considérées. Environ 0.1% de la surface française a été identifiée comme étant des zones boisées stables affectées par des tendances progressives en albédo.

Le test de Zeileis a montré une bonne capacité à détecter les ruptures dans les produits LAI et FCOVER ; 87% des couverts non stables ont été éliminés simplement à partir de ce test. Le test de Zeileis entre dans la catégorie des tests statistiques de détection de changement de structure, ce type de tests statistique a été grandement utilisé dans le domaine de l’économétrie (Bai et Perron, 2003 ; Zeileis et al., 2003) et plus récemment en hydrologie et météorologie (Brown et DeGaetano, 2013 ; Zhao et al., 2014 ; Tan et Gan, 2015). Dans cette étude, nous pouvons voir que le test de rupture de Zeileis permet également de détecter, de manière robuste et précise, les ruptures dans les couverts végétalisés. Ainsi, il peut être utilisé pour détecter et suivre les changements de structure de la végétation suite à des aléas environnementaux extrêmes (ex. tempêtes, feu, sècheresses ou attaque de pathogènes) ou à des interventions anthropiques (ex. abattages).

Parmi les forêts stables affectées par des tendances lentes en albédo (Type 3), seulement 10.2% des pixels ont montré une tendance en albédo NIR. Dans, 89.8% des cas, la tendance en albédo était due simplement à une tendance dans le domaine du VIS. De plus dans 73% des cas, les tendances en albédo s’expliquaient par une tendance lente à l’augmentation du NDVI (verdissement) dans les Type 3 (59.9% de type feuillus).

Dans cette étude, une p-value de 0.01 a été utilisée comme seuil pour la détection de tendances significatives. Une p-value plus permissive aurait permis de détecter un plus grand nombre de pixels affectés par une tendance (118253 pixels contre les 31655 pixels détectés). Ainsi, les conséquences auraient été plus importantes, mais le choix d’une p-value plus restrictive à 0.01 a été décidé afin de privilégier la détection des tendances significatives et d’évaluer correctement la corrélation entre les tendances en albédo et le verdissement. Il est également important de noter que la taille des séries temporelles était de 13. Même si le test statistique de MK considère ce type de séries temporelles comme étant un jeu de données de « grande » taille, la détection de tendance au travers de 13 années reste difficile de par la taille réduite de l’échantillon.

4.1.2. Verdissement : hypothèses

Deux types de tendances lentes sont décrits dans la bibliographie : les tendances lentes dues au changement climatique et les tendances lentes dues à une dégradation progressive du milieu.

Ainsi, deux hypothèses sont faites afin d’expliquer ces tendances progressives au verdissement : le changement climatique et la densification des forêts.

a) Changement climatique

Lebourgeois et al. (2010) ont signalé que, d’ici la fin du 21ème siècle, le changement climatique entraînerait un avancement du débourrement de la végétation, un recul de la période de sénescence et, dès lors, une augmentation de la durée de la saison de végétation d’environ 20 jours en France. Le Sud-Ouest de la France serait particulièrement touché avec une augmentation de la durée de la période végétative de l’ordre de +30 à +40 jours à l’échéance de 2100. Afin de détecter des changements dans les paramètres climatiques/météorologiques, les données SAFRAN (« Système d’Analyse Fournissant des Renseignements Adaptés à la Nivologie ») (vitesse du vent horizontal, humidité relative, température de l’air, couverture nuageuse, rayonnement solaire incident VIS et NIR, chutes de neige et précipitations) ont été analysées (voir « Appendix B » de l’article Planque et

al. (2017) en Annexe 1 pour plus de détails). Cependant, aucune tendance robuste n’a pu expliquer

les tendances de verdissement que nous avons précédemment détectées en France. Une analyse de ces paramètres de manière agrégée et sur une période d’étude plus longue serait intéressante. Mais la profondeur d’archive disponible (13 années) des produits satellitaires MODIS reste faible et ne nous permet pas aujourd’hui de conduire une telle analyse climatique. De plus, la résolution temporelle du produit satellitaire (produit composite sur 16 jours avec une fréquence de production de 8 jours) ne nous permet pas non plus de détecter les changements de durée de la période de végétation. En effet, sur la période d’étude (2001-2013) le changement moyen de cette durée serait de 2-3 jours (Lebourgeois et al., 2010).

L’analyse des données SAFRAN a permis de rechercher des variations dans les conditions climatiques/météorologiques sur la période d’étude. Cependant, d’autres paramètres peuvent aussi influer sur le changement climatique et impacter la végétation, notamment la teneur en CO2 de l'atmosphère. Forkel et al. (2016) a montré qu’une augmentation du CO2 atmosphérique affecte la photosynthèse et donc la croissance végétale. Forkel et al. (2016) explique qu’au-dessus de 40°N l’élément moteur de la productivité primaire brute (GPP pour « Gross Primary Production », définie comme la quantité de Carbone assimilée par le biais de la photosynthèse, voir Chapitre 1) de la végétation boréale est le changement de la température. A l’inverse, en dessous de 40°N le facteur principal contrôlant la GPP est l’augmentation de la concentration atmosphérique en CO2. Cependant comme expliqué dans le paragraphe précédent, aucune tendance de température n’a été détectée sur la totalité du territoire français durant la dernière décennie. De plus, la France est située au- dessus de 40°N mais ne contient pas de végétation boréale. Ainsi, malgré sa localisation (> 40°N), la

GPP de la végétation française pourrait être au final plus sensible à l’augmentation des concentrations atmosphérique en CO2 qu’au changement de température.

b) Densification des forêts

Notre seconde hypothèse consiste en un verdissement induit par une densification des forêts en France, conduisant à une diminution de l’albédo VIS. Plusieurs indices physiques et historiques tendent à soutenir cette hypothèse.

Premièrement, Otto et al. (2014) a montré que durant la période estivale l’albédo de la canopée était sensible à la gestion du couvert (voir Chapitre 1), et tout particulièrement l’albédo VIS. Durant un cycle sylvicole, l’albédo VIS estival de la canopée peut être sensible à la composition en espèce de la forêt. Mais cette relation entre l’albédo VIS et la composition en espèces devient plus faible au-delà des 5 premières années d’établissement de la forêt. Durant les stades suivant du cycle, et jusqu’à la fin de celui-ci, l’albédo VIS estival des forêts est principalement contrôlé par leur gestion. L’albédo NIR estival, quant à lui, reste principalement influencé par la composition en espèce pendant les 50 premières années du cycle. Dans ce chapitre nous avons vu que des tendances en albédo ont été détectées dans des forêts stables (Type 3). Ces tendances résultaient d’une évolution de l’albédo dans le domaine du visible, mais très rarement d’une évolution de l’albédo dans le domaine du proche infra-rouge. Ainsi, le phénomène se produisant dans ces forêts stable (Type 3) pourrait être lié au facteur de gestion ; la densification des forêts s’accompagnant d’une diminution de l’albédo VIS. En effet, lorsqu’une forêt se développe elle évolue vers un niveau hiérarchique supérieur (ex. plus de branches). Cette complexification de la structure de la canopée conduit à une augmentation du nombre de photons absorbés, et par conséquent à une diminution de l’albédo (Dickinson, 1983 ; Williams, 1991 ; Roberts et al., 2004). Les domaines du VIS et du NIR sont tous les deux impactés par la croissance végétale. Cependant, le vieillissement des forêts et l’évolution de la structure de la canopée ont tendance à affecter plus intensément et plus rapidement le domaine du VIS que le domaine du NIR (Nislon and Peterson, 1994 ; Brown et al., 2000 ; Roberts et al., 2004 ; Kuusinen et al., 2014). Ceci tend donc à supporter l’hypothèse d’une densification des forêts, qui résulterait en l’augmentation du niveau hiérarchique de la canopée et participerait à la diminution de l’albédo VIS.

Deuxièmement, l’histoire qu’ont connue les forêts de France tend également à appuyer cette hypothèse. Depuis le milieu du 19ème siècle la surface forestière française a presque doublé, passant ainsi de 89000/95000 km2 en 1830 (Cinotti, 1996) à 155000 km2 (Socol, 2010). De plus, en France 75% des forêts sont détenues par des privés qui sous exploitent leurs forêts. McGrath et al. (2015) expliquaient qu’il y a eu en Europe, entre 1600 et 2010, une diminution du taux de forêts non gérées.

Mais si l’on se focalise sur la France dans cette même étude (McGrath et al., 2015), on constate qu’il y a eu une augmentation du taux de forêts non gérées de 1600 à 2010. Lors d’une non-gestion des forêts la canopée peut devenir plus dense. Ceci tend à soutenir l’hypothèse d’un verdissement et d’une diminution de l’albédo VIS dus au mode de gestion des systèmes forestiers en France.

La non-gestion des forêts amène à une densification des canopées. Toutefois, la question suivante se pose: ce changement de densité est-il lié à un vieillissement des forêts ou à une fermeture du milieu ?

Maresca et al. (2011) ont construit une carte des principaux écosystèmes en France. Les tendances en albédo VIS détectées et étudiées dans ce chapitre sont très majoritairement localisées dans des écosystèmes forestiers matures. Pignard (2000) a notamment mentionné qu’il y avait en France une transformation progressive des taillis en futaie par vieillissement des forêts. Ainsi, Pignard (2000) faisait état d’une augmentation de 792000 ha des futaies régulières et d’une diminution de près de 100000 ha des taillis simples entre 1980 et 1991. Le verdissement des forêts serait donc lié à leur vieillissement. Cependant, Pignard (2000) a également mis en évidence une accumulation de biomasse sur pied, et notamment dans les forêts privées. Le volume moyen de biomasse par hectare a progressivement évolué de 125 m3/ha en 1974 à 142 m3/ha en 1983 et à 160 m3/ha en 1995.

Pour conclure, le verdissement des forêts stables présentant une tendance lente en albédo VIS (Type 3) semble être étroitement lié à une non-gestion ou à un manque de gestion des forêts. Toutefois, les effets de vieillissement et de fermeture du milieu liés à cette non-gestion restent étroitement imbriqués et difficilement dissociables.