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Résumé Chapitre

Scénario 1 Le phénomène de densification n’est pas terminé Il continue de se produire dans

les forêts avec le même pourcentage et le même taux annuel de diminution de l’albédo que celui détecté depuis 2001, soit –0.00046/an si l’on considère le BSA (–0.00058/an si l’on considère de WSA). Comme l’a suggéré Colin (2014), l’expansion forestière n’est pas terminée et continue à un rythme de +100000 ha/an (soit +1000 km2/an) durant le 21ème siècle. Par conséquent, selon ce scénario la quantité de surface affectée est simplement due à l’augmentation de la surface forestière totale en France. Aujourd’hui 0.1% de la surface de la France est affectée, en 2100 0.163% pourrait être affecté par le phénomène de densification, si l’on se réfère à un tel scénario.

Scénario 2 – L’expansion de la forêt s’arrête, seul le pourcentage de densification est pris en

compte dans ce scénario. Comme l’a mentionné Pignard (2000), la forêt française est en cours de transformation dû à un phénomène de vieillissement. Par conséquent, à long terme, toutes les forêts pourraient finir par être affectées par ce vieillissement ; aujourd’hui les forêts représentent 28% de la surface. Dans ce scénario, la quantité de surface affectée est simplement due à une augmentation du pourcentage du phénomène de verdissement actuel.

Scénario 3 – L’expansion forestière continue au rythme actuel (+1000 km2/an), ainsi 46% de la surface serait de la forêt en 2100, et le processus de vieillissement pourrait éventuellement affecter toutes les forêts (voir scénario 2). Dans ce scénario extrême, la quantité de surface affectée est due à une augmentation de la surface forestière française et du pourcentage de densification.

Pour les scénarii 2 et 3, nous considérons que le changement total en albédo est égal au changement détecté pour la période 2001-2013, soit –0.0055 si l’on considère le BSA (–0.0069 si l’on considère de WSA). Ainsi, dans ces deux scénarii, le changement en albédo dû à la densification n’est pas sensible à la durée de la période étudiée.

Dans le rapport IPCC de 2001, Houghton et al. (2001) estimaient que, entre 1750 et 2000, les changements de couverts végétalisés avaient eu un impact radiatif de –0.2 W.m-2, les changements de couverts étant principalement de la déforestation en faveur des cultures (Myhre et Myhre, 2003).

Par conséquent, ramené à une échelle de 100 ans, le forçage radiatif dû aux changements de couverts végétalisés (LCC) était de –0.08 W.m-2. Afin d’évaluer l’impact radiatif des trois scénarios décrits précédemment, cette valeur GIEC sur 100 ans a été utilisée dans la Figure III-12.

La Figure III-12 montre l’impact radiatif des trois scénarii d’évolution des forêts françaises au cours du 21ème siècle. Si la surface forestière continue de s’étendre à un rythme de +100000 ha/an, la surface forestière pourrait atteindre 255000 km2 dans 100 ans. Si la proportion de forêts non-gérées reste la même, la surface affectée par des tendances lentes en albédo pourrait atteindre 0.163% à la fin du siècle, et l’impact radiatif serait alors de +0.0129 W.m-2 (±0.0014 W.m-2), voir Scénario 1 de la Figure III-12. Si l’on considère le Scénario 2, la surface forestière actuelle serait progressivement et totalement affectée par le phénomène de vieillissement. D’après le Scénario 2, les tendances lentes en albédo pourraient avoir un impact de +0.2431 W.m-2 (±0.055 W.m-2) sur le forçage radiatif. Enfin, le scénario 3, qui considère à la fois le vieillissement et l’expansion, prédit un impact radiatif de +0.3997 W.m-2 (±0.0907 W.m-2). Le scénario le plus probable et le plus réaliste serait un scénario intermédiaire entre le Scénario 1 et le Scénario 2. Ce scénario consisterait en une diminution du rythme d’expansion de la forêt et une transformation progressive et partielle des forêts en forêts matures.

Ainsi, au cours du 21ème siècle l’impact radiatif des tendances lentes en albédo, causées par la non-gestion des forêts, serait potentiellement compris entre +0.01 W.m-2 et +0.2 W.m-2. L’impact radiatif des changements de couverts végétalisés (LCC) mentionnés dans le rapport IPCC 2001 est de -0.08 W.m-2 sur une période de 100 ans. Par conséquent, l’impact des Type 3 sur le forçage radiatif pourrait être comparable, voire supérieur, à l’impact de changements rapides de couverts végétalisés.

Figure III-12 : Impact radiatif relatif (RFr) des trois scénarii « business-as-usual » entre 2001 et 2100, comparé à l’impact radiatif causé par les changements de couverts végétalisés sur une période de 100 ans. Scénario 1 : expansion forestière continue au rythme actuel ; Scénario 2 : toutes les forêts françaises vieillissent ; et Scénario 3 : expansion forestière continue et les forêts vieillissent jusqu’à l’horizon 2100. Les barres verticales sur la figure indiquent la variabilité de l’impact radiatif si l’on considère le BSA ou le WSA dans les calculs.

5. Conclusions

L’objectif général du Chapitre III est d’identifier et d’isoler les sites forestiers qui présentent un cycle annuel d’albédo caractéristique, sur lesquels l’albédo de surface peut être prédit et sur lesquels le modèle d’albédo prédictif pourra être testé (voir Chapitre V). En cherchant à isoler ces forêts présentant un cycle annuel d’albédo caractéristique, certains sites d’études ont montré des dérives dans leur cycle annuel d’albédo d’une année sur l’autre. L’étude de ces cycles d’albédo altérés a donné lieu à une publication (Planque et al., 2017) dont les résultats sont présentés dans ce Chapitre III.

a) Tendances en albédo

L’objectif de ce chapitre était triple. Tout d’abord il s’agissait d’identifier d’éventuels changements dans les propriétés biophysiques (albédos) des forêts et d’en comprendre les causes. Afin de répondre à ces objectifs une méthodologie a été développée. La combinaison des tests statistiques de Mann-Kendall et de Zeileis a permis de détecter l’existence de tendances lentes et significatives en albédo dans des forêts a priori stables dans leur structure (Type 3). Dans 94% des cas, les tendances en albédo de surface étaient des tendances à la diminution. De plus, les tendances en albédo étaient dues à des tendances dans le domaine du visible, mais peu (10%) de sites ont montré une tendance dans le domaine du proche infra-rouge. Les analyses complémentaires, menées sur le NDVI et sur les variables climatiques, tendent à montrer que ce phénomène de tendance progressive est gouverné par une tendance à l’augmentation du NDVI, due à une densification des forêts en France liée à la non-gestion. Cette non gestion amène à deux phénomènes : le vieillissement des forêts et la fermeture du milieu ; mais ces deux phénomènes restent étroitement imbriqués et difficiles à dissocier. Ainsi, la densification des forêts ne peut être attribuée plus à l’un qu’à l’autre des deux phénomènes.

Outre les tendances en albédo dans les forêts stables (Type 3), ce chapitre met en évidence qu’il s’est également produit des tendances en albédo dans d’autres types de végétation (Type 2). Ces tendances sont principalement dues à des interventions anthropiques ou à des évènements climatiques extrêmes (ex. tempête Klaus) et se produisent plus fréquemment que les LCC (Type 1), voir Figure III-13. Par conséquent, il est important de considérer avec attention les tendances en albédo lorsque l’on cherche à évaluer l’impact de modification des couverts sur le forçage radiatif et, plus généralement, dans le changement climatique. Comme nous l’avons vu dans ce chapitre, un grand nombre d’effets individuels de faible ampleur (tendances lentes en albédo sur une grande superficie) peut avoir un impact radiatif plus important que des évènements brutaux tels que des LCC (avec des superficies concernées relativement faibles). Ces changements en albédo de faible ampleur sont à même de compenser tous les effets radiatifs dus à des LCC entre 2001 et 2013 (voir Section 3.3.2) et risque de continuer à se produire dans les années futures. Ainsi, quel que soit l’origine des tendances en albédo, celles-ci doivent être prises en compte dans les études radiatives, car elles ont un rôle majeur sur le forçage radiatif de par leur fréquence d’occurrence. Cette idée va dans le même sens que les recherches de Naudts et al. (2016) qui suggèrent que les études climatiques, qui cherchent à trouver des solutions pour atténuer le réchauffement climatique, devraient prendre en compte les pratiques de gestion des couverts en plus des LCC.

L’impact des tendances lentes dans les forêts stables (Type 3) entre 2001 et 2013 était très faible comparé aux LCC. Cependant, si l’on considère des scénarii de type « business-as-usual », à

l’horizon 2100 l’impact radiatif de ces tendances lentes pourrait être compris entre +0.01 W.m-2 et +0.2 W.m-2. Or le rapport IPCC 2001 estimait l’impact radiatif dû à des LCC, sur une période de 100 ans, à -0.08 W.m-2. Ainsi, l’impact des Type 3, induit par une non-gestion ou un manque de gestion des forêts, pourrait être tout aussi important que l’impact des LCC si l’on considère une période d’étude plus longue. Dans ce chapitre l’analyse de tendances s’est focalisée sur la France pour la période d’étude 2001-2013. Cependant, il serait intéressant d’appliquer cette méthode à une plus grande échelle spatiale et sur une profondeur temporelle d'archive plus importante, dès que les jeux de données seront disponibles.

De plus, cette étude s'est attachée à évaluer l'impact direct du changement de forçage radiatif lié au changement d'albédo. Toutefois il serait intéressant de s'intéresser aussi aux impacts indirects et rétroactions. Notamment, l’augmentation du couvert forestier entraîne généralement une augmentation de la rugosité et de l’évapotranspiration. Il peut en découler un forçage radiatif négatif (effet refroidissant) qui vient contrebalancer le forçage radiatif positif lié à une augmentation d'albédo (associé à une augmentation du couvert forestier). On comprend dès lors que les mécanismes qui lient les surfaces forestières et le climat sont très complexes et tout particulièrement dans les latitudes tempérées (zone grise climatique). Il serait donc intéressant de poursuivre ce travail sur le suivi des forêts tempérées (importance du changement des propriétés de surfaces et rétroactions climatiques) dans des études futures.

b) Forêts présentant un cycle annuel d’albédo caractéristique

Le travail développé dans ce chapitre a permis d'identifier des zones forestières connaissant des altérations plus ou moins brutales et plus ou moins rapides (Type 3, Type 2 et Type 1(ou également dit LCC)). Mais la méthodologie présentée dans ce chapitre permet également l’identification de forêts stables ne présentant pas d’altération. La Figure III-13 résume les différents types d’altération des forêts et les quantifie. En France, sur 265948 pixels forestiers, 911 pixels (soit 0.34% des forêts et 6.1% des forêts altérées) ont montré sur la période d’étude (2001-2013) des tendances en albédo induites par un changement lent dans les propriétés de la végétation (ex : vieillissement), 11057 pixels (4.2% des forêts et 74.6% des forêts altérées) ont montré des tendances en albédo induites par un changement brutal (hors changement d’occupation du sol) dans la structure du couvert (ex : éclaircie dans les forêts ou tempête) et 2858 pixels (1.1% des forêts et 19.3% des forêts altérées) ont montré un changement d’occupation du sol (ex : forêt vers cultures). Ainsi, 5.6% des forêts de France métropolitaine ont connu une altération significative de l’albédo de surface entre 2001 et 2013. Par conséquent, sur la période d’étude, 94.4% des forêts présentent une série temporelle d'albédo comportant des valeurs similaires d’une année sur l’autre et ont donc un cycle annuel d’albédo caractéristique.

Figure III-13 : Types d’altérations, affectant les forêts, détectés au travers du protocole de la Figure III-2 et quantification. En rouge est indiqué le nombre de pixels forestiers appartenant à chacune des trois catégories d’altération de l’albédo de surface (Type 1, Type 2 et Type 3) et aux sites présentant un cycle annuel d’albédo de surface caractéristique (Type 4).

Afin développer un premier modèle prédictif d’évolution dans le temps de l’albédo de surface des forêts, les sites forestiers soumis à des perturbations altérant l’albédo de surface doivent être écartés. Ainsi dans le Chapitre V, seules les forêts de « Type 4 » (voir Figure III-13), qui présentent un cycle d’albédo caractéristique, seront retenues. La base de toute modélisation des processus passe par une bonne observation des phénomènes. Afin d’analyser correctement les différents processus se déroulant dans la végétation, il est nécessaire d’utiliser un produit qui permette d’isoler les phénomènes se produisant dans la végétation. A l’heure actuelle les produits satellitaires fournis sont des produits décrivant les évolutions de l’albédo de la surface dans son ensemble. Le chapitre suivant s’applique à présenter une nouvelle méthode qui permettra d’isoler l’albédo de la végétation de l’albédo du sol à l’échelle du paysage (>100m). Nous verrons au Chapitre V que cette caractérisation des composantes pures d’albédo du sol et d’albédo de la végétation s’inscrit dans la

logique d’aller vers la construction d’un modèle prédictif d’évolution de l’albédo de surface des forêts. Nous y reviendrons donc plus en détail.

Chapitre IV