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La plupart des phénomènes neutroniques peuvent être considérés comme instantanés à l’échelle du transitoire.

En effet, le temps de génération Λ? des neutrons est très petit : de l’ordre de 25 µs dans CABRI.

Dans le cas d’une criticité prompte, la population neutronique augmente exponentiellement avec la période τP C = Λ?/(r − β) (cf. sous-partie §I.2.2) et r > β. Supposons un cas où r = 2$

donnant τP C = Λ?. Dans ce cas, la population de neutrons est multipliée par 100 en 15 ms

seulement.

Avec le flux neutronique, le taux de réaction de fission augmente. Les produits de fission, en ra- lentissant, font augmenter la température du combustible en 10−12 s seulement après l’émission

de ces produits de fission. Au vu de ces considérations, le dépôt d’énergie dans le combustible peut donc être considéré comme instantané.

Par ailleurs, en ce qui concerne les temps caractéristiques des phénomènes thermoméca- niques, les structures se dilatent instantanément dès qu’elles commencent à s’échauffer et se déforment sous contraintes dès que ces contraintes apparaissent. Les phénomènes thermoméca- niques sont également considérés dans leur ensemble comme instantanés.

La chronologie de l’apparition des phénomènes est donc principalement due à l’établisse- ment des transferts thermiques dans les différents milieux (pastille, jeu, gaine et fluide). On va donc calculer leurs temps caractéristiques d’établissement (en ordres de grandeur) à partir des équations qui modélisent ces phénomènes.

II.2.1 Conduction dans le crayon

Dès que la pastille monte en température sous l’effet de la puissance volumique pv, des

transferts thermiques commencent à s’établir dans le crayon. Ceux-ci sont décrits par l’équation de la chaleur : ρcp ∂T ∂t + div  −λ−−→gradT= pv (II.3)

Dans le jeu pastille-gaine et dans la gaine, la puissance volumique est nulle. On peut écrire, en ordre de grandeur et en négligeant la conduction axiale1, si α est le coefficient de diffusion

thermique du milieu considéré :

δT τcond

− αδT

e2 = 0 (II.4)

Où e est la dimension caractéristique du milieu (épaisseur) et τcond est le temps caractéristique

de conduction radiale dans le milieu, c’est-à-dire un temps à partir duquel la température commencera à augmenter à la distance e. On extrait de ces équations :

1. Cette constatation est immédiate : en écrivant le laplacien, on a∆T = 1r∂r  r∂T∂r+∂z2T2 ∼ δrT e2 + δzT H2 ∼ δT

τcond=

e2

α (II.5)

Application numérique

Les valeurs numériques des paramètres des milieux sont rappelés en annexe A et les di- mensions dans le tableau I.1. On a ainsi τg = 32 ms et τj = 16 µs. Cela montre que la

gaine (g) possède une inertie thermique bien plus importante que le jeu (j). Il faudra donc attendre environ 30 ms à partir de la montée en puissance du réacteur pour voir les gaines s’échauffer.

La même estimation est faite pour le combustible (c). Le temps caractéristique de conduction dans le combustible est τc = 6 s, ce qui signifie que, lorsque la puissance

sera redescendue après l’essai à un niveau plus faible, il faudra environ 6 s pour que la température du combustible au centre de la pastille commence à diminuer sous l’effet des échanges thermiques avec l’extérieur.

II.2.2 Établissement des transferts convectifs

II.2.2.1 Relation entre temps d’établissement et coefficient d’échange Au même titre que la conduction, l’échange thermique entre les crayons et l’eau en convection forcée est un phénomène qui ne peut pas être considéré comme instantané. L’équation de la chaleur dans un fluide en mouvement selon le champ de vitesses −→v s’écrit :

ρcp ∂T ∂t +  v ·−−→gradT  + div −λ−−→gradT= pv (II.6) Avec pv la puissance volumique. Cette équation peut s’écrire également, pour un fluide en

écoulement stationnaire, sous la forme suivante2 :

ρcp ∂T ∂t + div −−−→ Jconv+ −−−→ Jcond  = pv (II.7)

Où−−−→Jconv= ρcpT −v est le flux thermique convectif et

−−−→ Jcond= −λ

−−→

gradT le flux thermique conduc- tif. En intégrant cette expression, on obtient à l’aide de la relation de Green-Ostrogradski :

y V ρcp ∂T ∂td 3r+{ S −−−→ Jconv+ −−−→ Jcond  ·d−→S =y V pvd3r (II.8)

Le flux thermique total dans le fluide, somme de la part de conduction pure et de convection pure, qu’on nommera −→J, répond donc à :

{

S

− →

J ·d−→S = −h Se(Tp− T∞) (II.9)

Où h est un coefficient d’échange conducto-convectif (souvent par abus de langage appelé “convectif” seulement). Il peut être issu de corrélations provenant de mesures expérimentales, de calculs CFD ou, dans certains cas très particuliers, de résolutions analytiques. Tp− T∞ est

l’écart de température entre la paroi et le cœur de l’écoulement, loin de la paroi, et Se est la

surface d’échange. On explicite également le terme d’échauffement dans le cas d’une géométrie cylindrique : y V ρcp ∂T ∂td 3r=Z H 0 Z R+δt R ρcp ∂T ∂t2πrdrdz (II.10)

2. On peut démontrer cette relation à partir de l’équation locale (II.6) en y rajoutant l’équation de conservation de la masse d’un fluide en écoulement stationnaire : div (ρ−v ) = 0. Cette relation est également valable pour un

δt est l’épaisseur de la couche limite thermique, c’est-à-dire la limite en r au-delà de laquelle

la température ne varie plus. Dans un fluide sans terme source de puissance pv on peut alors

écrire, en ordres de grandeur à partir de l’équation (II.8) (en se plaçant à l’abscisse z), si ¯T est la température moyenne dans la couche limite et Πcle périmètre chauffant :

ρcp

δ ¯T(z) τf

Πcδt(z) − hΠc(Tp(z) − T(z)) = 0 (II.11)

δ ¯T représente la variation temporelle de température moyenne dans la couche limite. On cherche en effet le temps caractéristique τf tel que ¯T passe de Tà (Tp+ T) /2. On en déduit ainsi

que :

τf =

ρcp

2hδt (II.12)

Il faut alors connaître un ordre de grandeur de l’épaisseur de la couche limite thermique en stationnaire afin d’en déduire un ordre de grandeur du temps caractéristique d’établissement des transferts convectifs.

II.2.2.2 Épaisseurs de couches limites thermique et cinématique

La dernière étape consiste donc à estimer en ordres de grandeurs l’épaisseur de la couche limite thermique établie dans le fluide δt. Pour cela, il est nécessaire de repartir de l’équation

régissant les transferts thermiques dans le fluide. On se place directement dans le cas de la fig. II.2, soit un écoulement stationnaire, sans puissance volumique (cf. eq. (II.6)) avec un champ de vitesse −→v = u−ux+ v−uy3. u est la vitesse axiale (selon la direction ux) et v la vitesse radiale

dans l’écoulement : u∂T ∂x + v ∂T ∂y = α 2T ∂x2 + 2T ∂y2 ! (II.13) u= u0 Tp Paroi

Couche limite thermique

Couche limite dynamique

T

u(x)

ux x

uy

y

Figure II.2 – Couches limites thermique et cinématique sur une plaque En ordres de grandeur, on identifie que :

2T ∂x2  2T ∂y2 (II.14)

dans la mesure où la distance caractéristique de variation de la température est, par définition, l’épaisseur de la couche limite thermique qui est très petite devant la distance axiale x. Ces deux équations conduisent, en ordres de grandeur, à l’équation suivante donnant l’épaisseur de couche limite thermique :

u x + v δtα δ2t ∼0 (II.15)

Ces équations montrent que l’épaisseur de la couche limite thermique ne dépend pas seulement des propriétés du fluide, mais logiquement aussi du champ de vitesse dans l’écoulement. Dans le cadre d’un écoulement incompressible (comme l’est l’eau du réacteur CABRI à 20°C) :

div(−→v) = ∂u ∂x+

∂v

∂y = 0 (II.16)

On a donc, de ce fait, si δc est l’épaisseur de la couche limite dynamique :

v ∼ u

xδc (II.17)

Cela, injecté dans l’équation (II.15), donne : u x + uδc xδtα δt2 ∼0 (II.18)

L’estimation de l’épaisseur de la couche limite dynamique se fait à l’aide de l’équation de Navier- Stokes en stationnaire :  v ·−−→grad−→v = −→g −1 ρ −−→ gradP + ν−−→∆−→v (II.19) En projetant cette équation sur x et en simplifiant l’expression des forces de viscosité, si on prend en compte le fait que δc x, il vient :

u∂u ∂x + v ∂u ∂y = − 1 ρ ∂P ∂x + ν 2u ∂y2 (II.20)

En dehors de la couche limite dynamique, là où u ne varie plus et dans le cadre d’un écoulement turbulent pour lequel Re  103 comme dans le cas de CABRI, les forces de viscosité deviennent

négligeables et le gradient de pression respecte l’ordre de grandeur suivant :

− 1 ρ ∂P ∂x ∼ u ∂u ∂x (II.21)

À l’aide de ce constat, l’équation (II.20) se simplifie en :

vu δc

∼ ν u

δ2c (II.22)

et donne, conjointement avec l’équation (II.17), si Rex = ux/ν :

δc

x

Rex (II.23)

En effet, on trouve dans la littérature [30] : δc≈5

x

Rex

(II.24)

Grâce à ces calculs, la résolution de l’équation (II.18) s’écrit, après quelques étapes4 :

4. Cette expression suit bien le comportement de la couche limite thermique pour tout P r, mais donne un ordre de grandeur de l’épaisseur de la couche limite seulement. Pour P r > 1, on peut utiliser l’expression

δt∼ 1 2δc r 1 + 4 P r −1 ! (II.25) Application numérique

h est donné par une corrélation d’échange monophasique du type Dittus-Boelter. Dans les conditions de CABRI (cf. tableau I.1 et annexe A), on a h ∼ 1,6 104 W/m2/K et P r = 6,2.

En se plaçant à mi-hauteur (x = 40 cm), on a δc1,3 10−3 m.

On obtient τf ≈100 ms, ce qui signifie qu’il faut environ 100 ms pour que la couche limite

thermique se forme, c’est-à-dire pour que le fluide s’échauffe.

II.2.3 Bilan

Combustible Jeu Gaine Fluide

T emps d’établissemen t des transferts thermiques dans les milieux

τc= 6 s (en fin de transitoire)

τj= 16 µs

τg= 30 ms

τf = 100 ms Augmentation de la température : instantanée

Contre-réactions : instantanées Échauffement gamma du fluide5 : instantané

Figure II.3 – Temps caractéristiques des phénomènes physiques pour un crayon du cœur de CABRI

La figure II.3 synthétise les calculs de temps caractéristiques précédents. L’ensemble des phénomènes neutroniques et thermomécaniques sont quasi-instantanés. La chronologie des phé- nomènes est donc uniquement due à l’établissement radial des transferts thermiques conductifs et convectifs dans les milieux. Le temps caractéristique τcest indiqué en pointillés car il ne cause

pas de retard. Il représente uniquement le temps nécessaire à la rediminution de la température du combustible au centre de la pastille en fin de transitoire. Au cours du transitoire, la puissance volumique est non nulle dans toute la pastille ce qui fait que la surface de la pastille, en vis-à-vis de la surface interne de la gaine, chauffe instantanément. Ainsi, la montée en température de la gaine survient 30 ms après le début du transitoire et celle du fluide 130 ms après environ. Il faudra de ce fait attendre 30 ms avant de pouvoir discerner un effet dû à la contre-réaction de dilatation de la gaine et 130 ms avant de percevoir des effets de contre-réactions liées au modérateur (à partir de l’augmentation de température du combustible).

Maintenant que la chronologie du transitoire est connue, on peut désormais étudier et iden- tifier les phénomènes physiques intervenant dans le réacteur CABRI, puis en quantifier l’impor- tance en vue de l’analyse QPIRT. Cette analyse est réalisée par domaine physique : thermohy- draulique, thermomécanique puis neutronique.

5. Une faible part de l’énergie de réaction de fission est emportée par des photons gamma qui chauffent directement le fluide [3].