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De nombreux codes de calcul existent, ayant souvent chacun une spécialité particulière : neutronique, thermohydraulique, thermomécanique.

Afin de résoudre l’équation de Boltzmann présentée en §I.2.1, deux principales pistes existent : les méthodes déterministes mises en œuvre par exemple dans le code de calcul APOLLO3 [20], permettant la résolution directe de l’équation par discrétisation (en énergie, en angle, en es- pace) et une méthode stochastique de type Monte-Carlo mise en œuvre par exemple dans le code de calcul TRIPOLI4 [21]. Cette dernière méthode permet de suivre l’histoire d’un grand nombre de neutrons : on place un neutron en un point du réacteur et on suit, en fonction des différentes probabilités d’interaction auxquelles il est soumis, son parcours dans le réacteur. En simulant un grand nombre de neutrons de la même manière, on peut remonter aux grandeurs macroscopiques recherchés : kef f, flux, taux de réaction etc. Cette méthode, souvent considérée

“exacte” dans la mesure où elle ne fait pas d’approximation dans la modélisation des interac- tions particule-matière, demande néanmoins beaucoup de temps de calcul afin d’atteindre une convergence statistique. Sa mise en œuvre pour le calcul de la cinétique d’un réacteur est encore très difficile, mais des recherches et des premières études ont été menées dans ce domaine [22]. Cet outil sera mieux décrit dans le chapitre III. Ces codes de calcul n’embarquent cependant pas de modèles de thermohydraulique, de thermique ou de thermomécanique.

Le code de calcul SCANAIR développé par l’IRSN est un code de thermomécanique conçu pour modéliser l’effet d’un RIA sur un crayon combustible jusqu’à la rupture de sa gaine. Il est constitué de trois modules : un module de thermomécanique, un module pour le comportement des gaz de fission dans le crayon et également un module de thermique et de thermohydraulique comprenant quelques modèles mieux adaptés que les modèles établis en stationnaire au calcul de la thermohydraulique en situation de RIA. Ces modèles sont construits sur la base d’essais en transitoire rapide. Il résout deux équations de conservation (masse et énergie) [23]. La pression est considérée constante sur tout le domaine. Ce code étant conçu pour modéliser un accident de type RIA sur un unique crayon, il ne dispose pas de module de neutronique.

L’OCS CATHARE (Code Avancé de THermohydraulique pour les Accidents dans les Réac- teurs à Eau) est à l’origine un code de thermique et de thermohydraulique à 3 équations par phase physique : liquide et gazeuse [24]. Il résout les équations de conservation de masse, de quantité de mouvement et d’énergie afin d’obtenir la pression, la vitesse et la température en chaque point du réacteur. C’est un code à échelle dite “système”, c’est-à-dire qu’il est conçu pour simuler le comportement de tout un réacteur, du cœur jusqu’à la turbine, à un niveau d’échelle qui ne peut pas être aussi petit qu’avec un code de CFD (Computational Fluid Dynamics). Il a été amélioré au cours du temps et dispose aujourd’hui d’un module de thermomécanique (limité au cœur et ne permettant pas de modéliser la rupture d’un crayon) et d’un module de neutronique permettant de résoudre la cinétique ponctuelle et de calculer la réactivité du cœur. Les échanges entre phases (transferts thermiques, échanges de masse, échanges de quantité de mouvement) sont gérés par des relations de fermeture qui permettent, comme leur nom le sug- gère, de fermer le système d’équations et le rendre soluble [25, 26]. Elles sont issues d’essais

expérimentaux, le plus souvent réalisés en permanent et leur domaine de validité est usuel, dif- férent des cas tests extrêmes de CABRI. Ce code est très largement utilisé par le CEA, EDF, Framatome et l’IRSN. C’est un outil de calcul de thermohydraulique dit de “référence” utilisé dans les calculs de sûreté des réacteurs nucléaires. Il sera décrit de manière plus approfondie dans le chapitre III.

De nombreux outils de calcul ont été développés plus largement dans le monde [27, 28] permettant de modéliser avec une certaine précision les différents phénomènes physiques (mé- canique, thermique, thermohydraulique et neutronique) intervenant dans les accidents de type RIA.

Chacun de ces codes a ses capacités propres et un domaine de validité donné. L’objectif de cette thèse est de proposer une démarche de validation des OCS multiphysiques dans le cadre des transitoires d’insertion de réactivité (RIA). L’étude des phénomènes physiques ainsi que l’établissement de cette démarche feront l’objet des deux prochains chapitres de ce document.

Chapitre

II

Physique des transitoires CABRI

Sommaire

II.1 Introduction . . . 24 II.2 Temps caractéristiques des phénomènes . . . 26 II.2.1 Conduction dans le crayon . . . 26 II.2.2 Établissement des transferts convectifs . . . 27 II.2.2.1 Relation entre temps d’établissement et coefficient d’échange . . . 27 II.2.2.2 Épaisseurs de couches limites thermique et cinématique. . . 28 II.2.3 Bilan . . . 30 II.3 Thermohydraulique. . . 31 II.3.1 Thermohydraulique du cœur CABRI . . . 31 II.3.1.1 L’échange thermique paroi-fluide . . . 31 II.3.1.2 Le cœur de l’écoulement . . . 32 II.3.2 Thermohydraulique des barres transitoires . . . 33 II.3.3 Ordres de grandeur des phénomènes thermohydrauliques. . . 35 II.3.3.1 Atteinte de l’ébullition nucléée . . . 35 II.3.3.2 Atteinte du flux thermique critique . . . 37 II.3.3.3 Estimation des flux transverses . . . 39 II.3.4 Bilan . . . 39 II.4 Thermomécanique . . . 40 II.4.1 Contraintes et déformations dans le crayon combustible . . . 40 II.4.2 Calcul de la pression de contact lors de l’interaction pastille-gaine . . . 42 II.4.3 Ordres de grandeur des phénomènes thermomécaniques . . . 43 II.4.3.1 Déformations élastiques . . . 43 II.4.3.2 Déformations par fluage. . . 43 II.4.3.3 Déformations par dilatation thermique. . . 44 II.4.3.4 Bilan des déformations . . . 44 II.4.3.5 Pression de contact . . . 44 II.4.4 Bilan . . . 45 II.5 Neutronique. . . 45 II.5.1 La contre-réaction liée à l’effet Doppler . . . 45 II.5.2 La contre-réaction liée au modérateur . . . 46 II.5.3 La contre-réaction liée à la dilatation de la gaine . . . 47 II.5.4 L’effet TOP . . . 47 II.5.5 Ordres de grandeur des phénomènes neutroniques . . . 48 II.5.5.1 Contre-réaction Doppler. . . 48

II.5.5.2 Contre-réaction de dilatation de gaine . . . 48 II.5.5.3 Effet TOP . . . 49 II.5.6 Bilan . . . 51 II.6 Construction d’un PIRT des transitoires CABRI-RIA . . . 51 II.7 Conclusion . . . 53 Ce chapitre porte sur l’étude de la physique des transitoires CABRI. Après avoir décrit de manière très générale les transitoires CABRI et les différents phénomènes intervenant, ceux-ci seront détaillés par domaine physique : thermohydraulique, thermomécanique et neutronique. Ces études permettront de calculer des ordres de grandeur afin d’identifier les principaux phé- nomènes, qui seront alors présentés dans un PIRT (Phenomena Identification and Ranking Table).

II.1

Introduction

Dépressurisation de l’3He Insertion de réactivité

Augmentation de la puissance neutronique Augmentation du

flux neutronique Effet TOP

Augmentation de la température du combustible Dilatation thermique de la pastille CR effet Doppler Transferts thermiques dans le crayon Dilatation thermique de la gaine Évolution du jeu pastille-gaine Transferts thermiques dans le fluide Si DNB CR dilatation de gaine CR modérateur Diminution de la puissance Diminution de la température du combustible

Figure II.1 – Arbre phénoménologique des transitoires CABRI-RIA.

Vert : neutronique ; bleu : thermohydraulique ; orange : thermomécanique ; rouge : thermique Une vue d’ensemble des transitoires CABRI RIA est présentée sous la forme d’un arbre phénoménologique en fig. II.1.

L’insertion de réactivité se fait, comme expliqué précédemment, par dépressurisation de barres transitoires plongeant dans le cœur et contenant un gaz neutrophage : l’3He. La section efficace

macroscopique d’absorption des neutrons Σa par l’3He diminue très rapidement dans le cœur

Σa(t) = NHe(t)σa (II.1)

Le flux neutronique dans le cœur augmente alors ainsi que la puissance. Cela mène à l’aug- mentation de la température du combustible. Le combustible se dilate sous l’effet de l’augmen- tation de la température qui, par ailleurs, génère une augmentation de l’anti-réactivité apportée par effet Doppler. Au fur et à mesure que les transferts thermiques dans le crayon s’établissent, la gaine monte en température et se dilate, et les transferts thermiques avec le fluide s’établissent également. Les autres contre-réactions apparaissent et lorsque leur concours est suffisant, la puissance diminue. Selon le type de transferts thermiques dans le fluide, la température du combustible peut diminuer, évitant la dégradation du crayon combustible. En revanche, si le flux thermique en surface mouillée de la gaine ainsi que la température ont atteint des va- leurs trop importantes, un film vapeur intermittent peut se former autour de la gaine, isolant thermiquement le crayon et ne permettant plus d’évacuer efficacement l’énergie du crayon. Ce phénomène, nommé départ de l’ébullition nucléée (DEN ou DNB en anglais), aboutit à une crise d’ébullition.

Un autre point très intéressant à noter est la présence d’une contre-réaction neutronique nom- mée “effet TOP”. Cette contre-réaction provient de l’augmentation du flux neutronique dans le cœur et plus particulièrement dans les barres transitoires contenant l’3He. Lorsqu’un neutron

rencontre un noyau d’3He, la réaction suivante peut se produire :

3He + n −→3 H + p (II.2)

Cette réaction libère une énergie estimée à environ 760 keV, qui se dépose en partie dans l’3He en fonction des différentes collisions des produits de cette réaction : proton et tritium. Il

faut donc que la densité atomique de l’3He soit suffisamment grande pour que le dépôt d’énergie

provoque une augmentation locale de température. Cette augmentation de température entraîne alors une diminution de la densité d’3He et accélère la cinétique de dépressurisation. Un apport

supplémentaire de réactivité est inséré dans le cœur. L’effet TOP est donc une contre-réaction positive.

Ces transitoires sont extrêmement rapides : de l’ouverture des vannes de dépressurisation à la diminution de la puissance, tous ces phénomènes peuvent se chevaucher en quelques millise- condes. De plus, ceux-ci sont fortement couplés et l’ensemble est multiphysique, faisant interve- nir de la neutronique, de la thermique, de la thermohydraulique et de la thermomécanique (cf. fig. II.1). Le grand nombre d’expériences menées dans le réacteur CABRI offre l’opportunité de valider les outils de calcul dans le cadre des RIA. Il est donc dès lors nécessaire, en dehors de toute modélisation et de contrainte sur le choix de l’outil qui sera utilisé, d’acquérir une bonne connaissance des phénomènes physiques de ces transitoires. C’est essentiel pour la garantie de la pertinence d’une modélisation future dans la mesure où cette connaissance préliminaire per- mettra d’identifier les phénomènes importants par des calculs d’ordres de grandeur ainsi que les échelles auxquelles ces phénomènes interviennent. C’est grâce à cette étape ainsi qu’aux données et mesures disponibles pour la validation de l’outil qu’un choix de modélisation associé à un outil de simulation pourra être réalisé.

La méthode qui va être utilisée dans cette partie, dont l’objectif est l’identification et la quantification par ordres de grandeur de ces phénomènes, est une méthode PIRT (Phenomena Identification and Ranking Table) [29]. Cette méthode consiste à réaliser la liste de tous les phénomènes physiques, de quantifier leur importance, leur connaissance et leur incertitude. Une phase d’analyse physique, réalisée par domaine physique (neutronique, thermomécanique, ther- mohydraulique) aura notamment pour but de fournir des ordres de grandeur pour la constitution d’un QPIRT (Quantified PIRT). Cela permet de s’affranchir, le plus possible, de la part de sub-

jectivité qui apparaît au moment de l’estimation de l’importance qui est faite généralement sur “jugement d’expert” dans les PIRT classiquement réalisés.

Avant d’aborder ces calculs d’ordres de grandeur d’importance des phénomènes pour la mé- thode PIRT, on cherche à avoir une idée plus précise de leur chronologie au sein d’un transitoire de type RIA. Cette première étape fait l’objet de la partie suivante.