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Techniques spécifiques en vue de réparer des ruptures de l’alliance

1. Contexte théorique

1.4 Stratégies adaptatives du psychothérapeute

1.4.9 Techniques spécifiques en vue de réparer des ruptures de l’alliance

La réparation des ruptures de l’alliance thérapeutique, notamment en contexte de psychothérapie interculturelle, s’avère fondamentale d’après Gaztambide (2012), étant donné qu’elles constituent en soi un obstacle à l’alliance, ce qui peut altérer l’efficacité des résultats du processus psychothérapeutique. De façon similaire, plusieurs autres auteurs soulignent aussi l’importance de résoudre favorablement les ruptures de l’alliance thérapeutique (Keenan et al, 2005; Lee, 2012; Richards, 2011; Safran, Muran & Eubanks-Carter, 2011). En outre, les ruptures de l’alliance peuvent être utilisées en tant que levier facilitant le changement chez le client et en tant qu’opportunité pour renforcer l’alliance thérapeutique par une résolution positive de ces ruptures (Safran & Muran, 2000).

Keenan et al. (2005) reprennent, dans un contexte d’intervention interculturelle, les stratégies directes et indirectes, telles qu’avancées par Safran et Muran (2000), pour contrer les ruptures de l’alliance thérapeutique liées aux trois dimensions de l’alliance

identifiées par Bordin (1979) : le lien affectif issu de la relation psychothérapeute-client, les objectifs, et les tâches. Ainsi, les stratégies d’intervention directes visant les objectifs et les tâches sont les suivantes : clarification du rationnel sous-jacent, utilisation d’exercices thérapeutiques spécifiques pour aider le client à développer une compréhension concrète des processus internes facilitant le changement thérapeutique, exploration des thèmes interpersonnels centraux entre le client et le psychothérapeute (métacommunication) qui affectent la capacité du client à travailler sur ces tâches et objectifs. De plus, des stratégies d’intervention directement liées à la rupture du lien client-psychothérapeute, telle que la clarification des malentendus, aideraient à le réparer. Quant aux interventions indirectes visant à améliorer la qualité de l’alliance thérapeutique, elles concernent le changement d’objectifs ou de tâches ainsi que le recadrage de leur signification. Enfin, le recadrage empathique des actions ou du style du client ainsi que la facilitation d’une expérience émotionnelle corrective, manifestée entre autres à travers les actions déployées par le psychothérapeute de façon à procurer une nouvelle expérience interpersonnelle fonctionnelle au client, représentent aussi des stratégies d’intervention indirectes pour pallier la rupture du lien psychothérapeute- client.

1.4.10 Augmentation du niveau de compétence en intervention interculturelle

La notion de compétence culturelle est l’objet de controverses, particulièrement en ce qui a trait à sa nécessité (Sue, Zane, Nagayama Hall, & Berger, 2009). Par exemple, les opinions de Patterson (2004) et Pedersen (1996) à ce sujet divergent. Patterson met l’accent sur les similarités entre les clients de diverses origines culturelles en soulignant

particulièrement leur essence, c’est-à-dire leur nature humaine commune au-delà de leurs différences culturelles. Cela l’amène à accorder une importance significative aux méthodes et approches d’intervention dites universelles (p. ex., la thérapie centrée sur le client de Rogers) qui sont efficaces auprès d’une grande variété de clients de diverses cultures, sans avoir à tenir compte des particularités inhérentes aux différences culturelles. Ainsi, pour Patterson, le développement de compétences spécifiques pour intervenir auprès d’une clientèle multiculturelle n’est pas nécessaire.

Pedersen (1996), quant à lui, adopte des propos plus nuancés en accordant une importance simultanée aux différences culturelles ainsi qu’aux similarités entre les personnes de cultures diverses, d’où respectivement la pertinence de la compétence culturelle et des approches d’intervention dites universelles déployées par le praticien. Bien que la notion de compétences particulières pour intervenir auprès de clients de diverses origines culturelles soit un sujet controversé, l’enjeu de telles compétences demeure prégnant dans un contexte de psychothérapie interculturelle. En effet, si le psychothérapeute n’a pas la connaissance, la conscience et la compréhension du cadre de référence culturel de son client de culture différente, il devient alors facile pour ce psychothérapeute de comprendre de façon erronée un tel client (Chung & Bernak, 2002). Aussi, des difficultés relationnelles pourraient découler du manque de conscience et de connaissance du psychothérapeute en regard de son propre cadre de référence culturel. Ainsi, tel qu’introduit antérieurement, le développement de connaissances et compétences en intervention interculturelle est primordial pour maximiser la qualité de

l’alliance psychothérapeutique en contexte interculturel (APA, 2003; Sue et al., 1992; Vasquez, 2007).

Les résultats de la thèse de Jaouich (2007) (N = 41 dyades psychothérapeute- client; utilisation de plusieurs mesures auto-rapportées par voie de questionnaires remplis au terme de chacune des trois premières rencontres psychothérapeutiques) suggèrent que le niveau de compétence culturelle des psychothérapeutes a un plus grand impact sur l’alliance thérapeutique que les caractéristiques préexistantes des clients en lien avec certaines variables culturelles. Jaouich souligne que ces résultats de recherche démontrent la pertinence pour les psychothérapeutes de développer activement leurs compétences au niveau culturel pour intervenir efficacement auprès de clients de diverses origines culturelles plutôt que de s’attendre à ce que ces derniers s’adaptent au modèle psychothérapeutique. Ce développement de compétences en intervention interculturelle peut, entre autres, être réalisé au cours de l’intervention professionnelle à travers l’application de diverses stratégies adaptatives mentionnées plus haut. Par ailleurs, les praticiens utilisent plusieurs stratégies en dehors de l’intervention professionnelle pour parfaire leurs compétences en intervention interculturelle : les expériences personnelles et la formation en intervention interculturelle (Abernethy, 2005), la supervision, la consultation de collègues et superviseurs ainsi que la consultation d’ouvrages de référence pertinents (Fuertes et al., 2002; Hansen et al., 2006). Par ailleurs, plusieurs modèles théoriques centrés sur le développement de compétences en intervention interculturelle ont été élaborés. Parmi ces modèles, on

retrouve ceux des auteurs suivants : Cohen-Emerique (1993), Pedersen et al. (2008), Sue et ses collaborateurs (Sue, 1998; Sue et al., 1982, 1992).