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1. Contexte théorique

1.1 Alliance thérapeutique et psychothérapie interculturelle

1.1.3 Contributions du client et du psychothérapeute à l’alliance

1.1.3.2 Contributions du psychothérapeute

influencer la qualité de l’alliance thérapeutique. À la lumière d’une recension d’écrits, Ackerman et Hilsenroth (2003) identifient notamment des attributs personnels du psychothérapeute qui influencent positivement l’alliance thérapeutique. Parmi ces attributs, se retrouvent, entre autres : être flexible, honnête, respectueux, digne de confiance, sûr de soi, attentif et avoir de l’expérience. Récemment, Hook et al. (2013) révèlent à l’issue de quatre études, que l’humilité culturelle (cultural humility) du psychothérapeute, telle que perçue par le client, a un effet bénéfique sur l’alliance thérapeutique ainsi que sur les résultats de la psychothérapie. En contrepartie, des attributs du psychothérapeute tels qu’être sur la défensive, rigide, incertain, critique, distant ou froid et tendu sont identifiés en tant que caractéristiques influençant négativement l’alliance thérapeutique (Ackerman & Hilsenroth, 2001). D’autres facteurs peuvent affecter l’alliance. Ainsi, le niveau de développement de l’identité raciale ou ethnique du psychothérapeute peut influencer la façon dont il aborde le sujet de l’ethnicité ou de la race auprès de ses clients (Cardemil & Battle, 2003), ce qui peut influencer l’alliance de façon négative ou positive. Il en va de même pour les niveaux de bien-être et de soucis personnels du psychothérapeute durant la période couverte par les séances de psychothérapie (Nissen-Lie, Havik, Hoglend, Monsen, & Ronnestad, 2013).

De plus, à la lumière d’une étude menée par Balwin et al. (2007) (N = 331 clients et 80 psychothérapeutes), certains psychothérapeutes seraient davantage capables d’établir une relation collaborative avec leurs clients alors que d’autres seraient moins

habiles et auraient ainsi de la difficulté à développer une telle relation. Par ailleurs, l’étude de Balwin et al. révèle aussi que certains psychothérapeutes peuvent être davantage habiles que leurs collègues pour gérer efficacement le maintien de la qualité de la relation au cours du processus thérapeutique, c’est-à-dire de façon à rétablir une meilleure qualité d’alliance lorsqu’elle diminue.

Pour sa part, dans un volume dédié à la psychiatrie culturelle, Tseng (2003) rapporte que la relation psychothérapeute-client est souvent examinée attentivement et gérée par le psychothérapeute, puisqu’elle joue un rôle significatif dans le processus thérapeutique. La relation thérapeutique et les interventions du psychothérapeute sont d’ailleurs des aspects interdépendants d’un même processus thérapeutique (Duncan & Moynihan, 1994; Norcross & Lambert, 2011). De façon générale, certaines stratégies s’avèrent favorables au développement d’une alliance de qualité significative. En effet, certaines stratégies adoptées par le psychothérapeute telles que l’exploration, le reflet, le soutien, la facilitation de l’expression de l’affect et l’interprétation appropriée contribuent positivement à l’alliance (Ackerman & Hilsenroth, 2003). De même, de façon spécifique, l’étude qualitative de Fuertes et al. (2002), menée auprès de neuf psychothérapeutes, révèle que l’utilisation d’habiletés fondamentales centrées sur le client (p. ex., écoute active, reflet de sentiment, reformulation, questions ouvertes) contribue favorablement à la formation et au maintien de l’alliance thérapeutique en contexte de psychothérapie interculturelle. Peuvent s’ajouter à ces stratégies le dévoilement de soi qui a été étudié en contexte de psychothérapie interculturelle par Burkard, Knox, Groen, Perez et Hess (2006) (N = 11), ou la capacité de parler avec le

client d’éléments culturels étudiée, entre autres, par Tsang, Bogo et Lee (2011) (N = 9). Par contre, Ackerman et Hilsenroth (2001) soulignent que des interventions telles que la structure inappropriée de la thérapie, le dévoilement de soi inapproprié, l’interprétation dysfonctionnelle et l’utilisation inappropriée du silence contribuent à l’alliance de manière négative. De plus, dans un volume sur l’alliance thérapeutique, Cungi (2006) souligne certaines interventions du psychothérapeute qui peuvent altérer négativement ou encore faire perdre le rapport de collaboration dans la dyade psychothérapeute- client : convaincre le client, débattre d’un sujet donné, effectuer un questionnement de type administratif, faire dire au client ce que le psychothérapeute attend qu’il dise, minimiser un problème ou une difficulté réaliste, travailler à la place du client, aller trop rapidement ou trop lentement.

Comme pour toute relation psychothérapeutique, en contexte interculturel l’alliance est donc facilitée par la pertinence des différentes interventions du psychothérapeute. Aussi, il s’avère que les interventions du psychothérapeute adaptées au client peuvent favoriser la qualité de la relation thérapeutique. Selon Duncan et Moynihan (1994) l’adoption fonctionnelle de la théorie informelle du client comme cadre de référence pourrait favoriser le développement d’une alliance thérapeutique significative. La théorie informelle du client englobe les notions spécifiques que celui-ci suggère en ce qui concerne la nature et les causes de ses problèmes et de ses situations particulières (Held, 1991). Dans un contexte d’intervention interculturelle, vu les particularités du cadre de référence culturel du client, la considération de la théorie informelle du client est donc un impératif.

L’établissement du cadre de travail. De façon spécifique, en début de psychothérapie interculturelle, l’établissement de l’alliance thérapeutique est facilité par la psychoéducation relative au cadre et au processus psychothérapeutique (Hill, 2005; Matthews & Peterman, 1998) ainsi que par la clarification des attentes du client quant à la thérapie (Tseng, 2003). L’instauration d’une telle structure par le psychothérapeute est essentielle afin d’éviter tout malentendu pouvant découler du manque de connaissances ou de conceptions erronées du client en ce qui concerne la relation et le processus thérapeutique (Patterson, 2004).

Frank et Frank (1991) avancent qu’une autre façon d’établir l’alliance thérapeutique consiste à encourager l’espoir d’un mieux-être tout en offrant des explications pertinentes aux problèmes du client, ainsi qu’un traitement et des objectifs appropriés aux besoins de ce dernier. Ceci permettrait au psychothérapeute d’acquérir une certaine crédibilité auprès du client tout en offrant à ce dernier la possibilité de percevoir un gain (p. ex., espoir, expérience émotionnelle légitimée) à travers l’interaction thérapeutique, comme l’avancent également Sue et Zane (1987/2009), qui portent un regard critique sur le rôle de la culture et des techniques culturelles en psychothérapie. Cette dernière façon d’établir l’alliance aiderait le client à se sentir compris et favoriserait sa collaboration quant aux tâches et aux objectifs de la thérapie, d’où l’augmentation des probabilités de succès dans le développement de l’alliance thérapeutique (Baldwin et al., 2007). Ainsi, la formulation d’une entente commune significative quant aux objectifs et rôles de chacun (client/psychothérapeute) (Matthews & Peterman, 1998), initiée de façon collaborative par le psychothérapeute, en fonction

du cadre de référence culturel du client, faciliterait la formation d’un lien affectif basé sur la confiance et le respect (Tsang & Bogo, 1997), ce qui favoriserait l’alliance thérapeutique.

L’empathie. Tel que pour tout type de relation d’aide, l’expression d’empathie, de respect et d’authenticité par le psychothérapeute au client, adaptée au cadre de référence de ce dernier, favorise particulièrement le développement et le maintien de l’alliance thérapeutique (Duncan & Moynihan, 1994; Feller & Cottone, 2003; Patterson, 2004; Rogers, 1957). En contexte psychothérapeutique, l’empathie est traditionnellement définie comme étant l’habileté du psychothérapeute à se mettre symboliquement à la place du client afin de sentir et comprendre le cadre de référence de ce dernier ainsi que lui communiquer efficacement cette compréhension (Rogers, 1957; Chung & Bernak, 2002). Cette compréhension empathique communiquée adéquatement au client, en fonction du contexte de vie de ce dernier, lui permet de se sentir compris tout en l’aidant lui-même à mieux se comprendre. L’empathie témoignée par le psychothérapeute implique donc la considération des particularités propres au client. Cette empathie se déploie dans le temps au cours du processus thérapeutique et elle contribue ainsi à la formation et à la consolidation d’une alliance thérapeutique positive (Pedersen, Crethar, & Carlson, 2008).

Brunel (1989) ainsi que Glauser et Bozarth (2001) ont porté une attention particulière à l’empathie en tant que concept fondamental à considérer en contexte d’intervention interculturelle. De son côté, à la lumière d’une recension d’écrits et de

modèles théoriques, Shonfeld-Ringel (2001) souligne également l’importance de l’empathie au regard de l’alliance thérapeutique en contexte d’intervention interculturelle. Aussi, l’étude qualitative de Fuertes et al. (2006) révèle que plus le niveau perçu de compétence culturelle1 du psychothérapeute par le client est élevé, plus ce dernier perçoit son psychothérapeute comme étant empathique.

La compétence culturelle. Selon Imel et al. (2011), l’efficacité du psychothérapeute peut varier selon le cadre de référence culturel du client, d’où la pertinence de distinguer la compétence culturelle du psychothérapeute de sa compétence générale en psychothérapie. Cette compétence culturelle se manifesterait par la compréhension de ses propres croyances, de ses attitudes ainsi que de ses biais culturels et personnels en tant que psychothérapeute, puis par la compréhension de la vision du monde propre au client et l’adoption d’une flexibilité dans le développement et la pratique de stratégies d’intervention adaptées à ce dernier (APA, 2003; Arredondo et al., 1996; Cohen-Emerique, 2000; Sue, 1998; Sue, 2001; Sue et al., 1992). Des résultats de recherche indiquent que les clients qui perçoivent un niveau plus élevé de compétence culturelle chez leur psychothérapeute rapportent aussi la perception d’un niveau de qualité plus élevé de l’alliance thérapeutique (Constantine, 2007; Fuertes et al., 2006; Li & Kim, 2004). L’étude de Jaouich (2007) menée dans le cadre d’une thèse doctorale auprès de 15 psychothérapeutes et de 41 de leurs clients de diverses origines culturelles,

1 La compétence culturelle réfère à l’ensemble des connaissances et habiletés nécessaires pour intervenir

efficacement auprès d’un individu issu d’une autre culture, en fonction du cadre culturel de ce dernier (Lo & Fung, 2003; Sue, 1998).

tous interrogés au moyen de questionnaires, révèle que lorsque les psychothérapeutes démontraient des compétences culturelles, les clients répondaient davantage avec franchise et développaient des alliances thérapeutiques de meilleure qualité. Selon Tsang, Bogo et George (2003), la plupart des praticiens reconnaissent vraisemblablement que les compétences d’intervention du praticien, incluant un niveau de compétence culturelle significatif, sont probablement une variable plus importante que ne l’est la similarité ethnique praticien-client au sein du processus psychothérapeutique. Aussi, malgré l’absence de résultats significatifs au regard de l’effet bénéfique de la compétence culturelle du psychothérapeute dans certaines études (p. ex., Owen, Leach, Wampold, & Rodolfa : cités dans Asnaani & Hofmann, 2012), à l’issue d’une recension d’écrits sur la psychothérapie interculturelle, Asnaani et Hofmann recommandent que les psychothérapeutes reçoivent une formation adéquate et efficace à l’intervention en contexte interculturel. En contrepartie, l’ignorance de sa propre culture et de ses biais culturels en tant que psychothérapeute ainsi que la méconnaissance des particularités culturelles du client d’origine ethnique différente constitueraient des obstacles à surmonter afin de maximiser la qualité de l’alliance thérapeutique (Adler, 1994; Cohen-Emerique, 1980, 2000). Cette notion de compétence culturelle sera à nouveau traitée dans la section intitulée Stratégies adaptatives du psychothérapeute.

1.1.3.3 Interaction des contributions du client et du psychothérapeute. Les