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1. Contexte théorique

1.2 Obstacles à l’alliance thérapeutique liés à la diversité culturelle

1.2.1 Cadre de référence culturel

1.2.1.4 Styles de communication verbale et non verbale

et son client, que ce soit au niveau de la communication verbale ou non verbale (Leman & Gailly, 1991; Matthews & Peterman, 1998; Sue, 1990; Tseng, 2003). Selon Sterlin et Dutheuil (2000), les difficultés à établir et maintenir une communication satisfaisante sont particulièrement présentes en contexte d’intervention interculturelle. Au-delà de la différence culturelle au niveau de la langue utilisée pour s’exprimer, la perception et la présentation de la réalité à autrui varient aussi, entres autres, selon la culture (Leman & Gailly). Ceci peut nuire à la compréhension et au dévoilement de l’information communiquée. À ce sujet, il peut être inacceptable pour certaines cultures traditionnelles d’origine asiatique, par exemple, de révéler des informations personnelles ou des problèmes relationnels à une personne inconnue, parce que ces informations et ces difficultés concernent non seulement l’individu, mais aussi toute sa famille (Sue & Sue, 1977). De plus, les clients d’orientation collectiviste ont tendance à adopter une attitude d’ouverture au processus thérapeutique non pas en dévoilant des informations personnelles, mais plutôt en écoutant et considérant attentivement les informations provenant du psychothérapeute, ce qui s’avère être en accord avec leurs valeurs accordées au respect et à l’avis des personnes ayant un statut hiérarchique élevé (Fitzpatrick et al., 2006). Un tel style de communication, empreint de restrictions, pourrait engendrer une difficulté pour le psychothérapeute à bien saisir le cadre de référence particulier du client ainsi que des malaises sur le plan relationnel. Cela peut en venir à affecter négativement la qualité de l’alliance thérapeutique, dans un cadre

psychothérapeutique occidental où le dévoilement de soi du client fait partie intégrante du processus psychothérapeutique.

De façon particulière, Hall (1976, p. 79) a proposé que le style de communication adopté dans diverses cultures se situerait sur un continuum allant du « contexte élevé » (c.-à-d., « contexte riche ») au « contexte faible » (c.-à-d., « contexte pauvre ») selon le niveau d’importance accordé au contexte par la culture. Les personnes issues de sociétés plutôt collectivistes, par exemple dans des pays comme le Japon ou la Corée, accordent davantage d’attention au contexte (p. ex., expressions émotionnelles, distance corporelle, ton de voix, cadre environnemental) entourant le message communiqué qu’à son contenu exprimé de façon explicite par des mots, comparativement aux membres de sociétés plutôt individualistes, par exemple aux États-Unis ou au Canada (Hall, 1976; Triandis, 1994). L’individu de culture collectiviste utilisera un style de communication implicite, indirecte ou à contexte riche, qui est principalement basé sur le savoir commun significatif détenu par les interlocuteurs (p. ex., connaissance de l’autre, indices contextuels de l’environnement physique et social) (Leman & Gailly, 1991; Pedersen et al., 2008; Triandis, 1994). Par opposition, l’individu de culture individualiste préfère utiliser un style de communication de façon à être explicite, direct et clair, bien qu’il accorde ainsi peu d’importance au contexte (c.-à-d., contexte pauvre) (Pedersen et al., 2008; Triandis, 1994). Il est donc vraisemblable de penser qu’un client de culture collectiviste, qui tend à porter attention surtout au contexte en négligeant l’attention portée aux mots, pourrait facilement comprendre de façon erronée le message verbal d’un psychothérapeute de culture individualiste. De même, ce dernier pourrait

facilement mal interpréter le message de son client en accordant davantage d’importance au contenu verbal qu’à tout le contexte entourant celui-ci.

Les styles de communication non verbale peuvent aussi varier d’une culture à l’autre (Legault, 2000c). En effet, le contact visuel peut avoir différentes significations en fonction des cultures. Par exemple, le contact visuel indique aux individus d’origine américaine que la personne écoute ou est attentive, alors que pour une personne d’origine africaine, le contact visuel n’est pas nécessaire pour manifester son attention, la présence physique d’autrui dans la même pièce étant suffisante à cet égard (Sue & Sue, 1977). Pour des individus d’autres cultures, comme la culture japonaise, l’évitement du contact visuel peut représenter un signe de respect ou de déférence envers autrui (Sue & Sue). De même, les expressions gestuelles de salutation et de bienséance varient selon les cultures; pour certains, un contact physique est nécessaire, alors que pour d’autres, il ne l’est pas (Sue & Sue).

Aussi, la production ainsi que la perception des expressions faciales exprimant les émotions seraient influencées par la culture au-delà du caractère universel inhérent à leurs natures respectives (Matsumoto, 2001). Ayant fait une recension exhaustive des écrits sur le sujet, Matsamuto avance qu’au cours des 40 dernières années environ, la recherche réalisée dans le domaine de la diversité culturelle a été centrale pour démontrer l’universalité et la spécificité culturelle de l’expression et de la perception des émotions. Notamment, le caractère universel de la manifestation et de la reconnaissance de l’expression faciale de chacune des six émotions de base – colère, dégoût, peur, joie,

tristesse, surprise – à travers les cultures est reconnu. Néanmoins, la production des expressions faciales exprimant les émotions serait influencée par des « règles de manifestation culturelles », selon Ekman (1972) et Friesen (1972) (cités dans Matsumoto, 2001, p. 173). Ces règles, prescrites culturellement depuis l’enfance, dictent la modification et la gestion des expressions des émotions à caractère universel, tout dépendamment des contextes sociaux. Notamment, dans certaines cultures, montrer ses émotions à autrui n’est pas bien vu, et ce, particulièrement si celles-ci sont négatives (Vallerand, 1994). Par exemple, afin d’éviter de perdre la face, les individus de culture japonaise ont appris à contrôler leurs expressions émotionnelles et à supprimer leurs sentiments émergeant de façon naturelle et spontanée (Argyle, Henderson, Bond, Iizuka, & Contarello, 1986). En présence d’autrui, les Japonais masqueraient davantage l’expression de leurs émotions que les Américains, et ce, en exprimant un semblant de sourire (Triandis, 1994). Ainsi, des normes sociales guident l’application des règles de manifestation des émotions du visage qui favorisent ou interdisent leurs expressions selon les contextes sociaux (Ekman, Sorenson, & Friesen, 1969).

Par ailleurs, Matsumoto (2001) souligne que la qualité de la perception des expressions faciales exprimant les émotions serait influencée par des « règles de décodage culturelles » (p. 182). D’après cet auteur, ces règles de décodage culturelles, indiquant comment les émotions peuvent être reconnues, sont apprises socialement. Par exemple, certaines cultures peuvent ne pas encourager la reconnaissance et l’identification des émotions en ne discutant pas de ce sujet, ce qui peut influencer négativement la qualité de la perception des émotions des membres appartenant à ces

cultures (Matsumoto, 1992). De plus, selon l’étude de Matsumoto (1992), les différences au niveau de la perception des émotions sembleraient aussi liées aux différences quant aux règles culturelles de manifestation des émotions. Par exemple, une personne issue de culture japonaise veillerait à ne pas démontrer des émotions négatives de façon à préserver l’harmonie du groupe et pourrait ainsi avoir tendance à ne pas reconnaître ces expressions d’émotions négatives chez autrui (Matsumoto, 1992). À la lumière de ce qui précède, il paraît évident que le contexte de psychothérapie interculturelle représente un cadre propice aux incompréhensions du langage non verbal déployé par l’autre au sein de la dyade psychothérapeute-client, notamment en ce qui a trait à l’expression et au décodage des émotions.

1.2.1.5 Rapport au temps et à l’espace. Le temps peut être perçu différemment