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2.2 Résistance du VIH aux molécules antirétrovirales

Chapitre 3. Charge virale et sang séché sur papier buvard

3.1 Présentation générale

3.1.3 Techniques moléculaires et enjeux de développement

3.1.3.1 Développement des techniques moléculaires

Les techniques moléculaires de CV mesurant les acides nucléiques sont apparues au milieu des années 1990. Elles étaient basées sur l’amplification de séquences ARN ou ADN, réalisée respectivement grâce aux méthodes de RT-PCR (transcription inverse et réaction de polymérisation en chaine) et NASBA (nucleic acid sequence-based amplification en anglais), avec une quantification « en point final » (fin de réaction) par ELISA ou chimiluminescence (van Gemen et al., 1993; Mulder et al., 1994). D’autres techniques étaient basées sur l’amplification du signal, comme celle de l’ADN branché (bDNA, branched DNA signal

amplification en anglais) (Coste et al., 1996; Pachl et al., 1995).

A partir de 2005, les méthodes de quantification « en temps réel » sont apparues, améliorant de façon importante la sensibilité des tests de CV. Leur principe est basé sur la détection continue d’une fluorescence émise tout au long de l’amplification, et de la quantification lors de la phase exponentielle de la réaction. Ces nouvelles méthodes ont aussi réduit les risques de contamination en phase de post-amplification qui existaient avec les méthodes de quantification « en point final ». De plus, l’augmentation des volumes de prise d’essai a permis d’améliorer la capacité de détection aux seuils actuels de 20-50 copies/ml. Au cours de ce développement, les fournisseurs des principaux tests commercialisés (Abbott, BioMérieux, Roche et Siemens) ont aussi automatisé les techniques, avec la possibilité d’inclure l’étape d’extraction, en vue d’augmenter les capacités de rendement (de Mendoza et al., 2005; Ruelle et al., 2009; Schumacher et al., 2007; Tang et al., 2007).

Une plateforme de CV est composée d’un système d’extraction des acides nucléiques et des systèmes d’amplification et de détection. Le développement de la polyvalence de certaines d’entre elles, permet désormais la détection et le suivi des co-infections à VIH et aussi des infections de patients non VIH, comme la tuberculose (Mycobacterium tuberculosis, MTB), les hépatites B et C (VHB et VHC) et les infections sexuellement transmissibles (IST) liées à

Chlamydia trachomatis/ Neisseria gonorrhoeae (CT/NG). Enfin, le développement de

protocoles adaptés à l’utilisation de DBS représente désormais un enjeu important, en particulier dans les pays du Sud.

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La PCR digitale est une autre méthode, plus précise et plus sensible que la PCR quantitative « en temps réel » (qPCR). Son principe est basé sur la partition de l’échantillon dans des milliers de micro-réacteurs distincts dans lesquels se déroulent ou non l’amplification et sur la quantification estimée avec la loi de Poisson (Vogelstein et Kinzler, 1999). Même si elle est de plus en plus utilisée dans les pays du Nord pour mesurer de très faibles valeurs de CV ARN et ADN, elle ne l’est pas en routine car elle est chère et difficile à mettre en application.

3.1.3.2 Techniques moléculaires et diversité génétique du VIH

La grande diversité génétique du VIH (partie 1.3) a représenté un enjeu majeur dans le développement des techniques moléculaires. Les premiers tests de CV ont été conçus pour détecter et quantifier le VIH-1 M groupe B qui, bien qu’il soit majoritaire dans les pays du Nord, représente seulement 10% environ des virus circulant dans le Monde (Hemelaar et al., 2011). Par conséquent, la détection et la quantification des VIH-1 non B n’étaient pas toujours correctes, engendrant une sous-estimation des valeurs de CV et même des résultats faussement négatifs (Amendola et al., 2002; Loussert-Ajaka et al., 1995; Swanson et al., 2005).

L’optimisation des sondes et des amorces, en ciblant des régions très conservées et partagées entre différents variants, permet désormais de détecter une plus large diversité de variants du VIH-1 M (A-J) et les groupes divergents N, O et P pour certains tests (Peeters et al., 2010). Des approches proposant des méthodes de « double-amplification » ciblant deux régions différentes des génomes des VIH ont aussi été développées (Avettand-Fenoel et al., 2014; Sizmann et al., 2010). Cependant, aucun test de CV commercialisé n’est parfait et il y a toujours quelques échantillons non détectés ou mal quantifiés qui peuvent engendrer des conséquences cliniques pour les patients (Mourez et al., 2015). Idéalement, chaque laboratoire devrait d’abord pouvoir comparer différentes plateformes de CV ou bien connaître la diversité génétique des VIH-1 circulant dans sa région afin de choisir celle qui est la plus adaptée. Il faudrait aussi pouvoir mettre en évidence d’éventuels problèmes de quantification en réalisant la CV sur deux plateformes différentes, surtout quand des différences sont observées entre les valeurs de CV et la clinique, voire parfois les CD4.

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3.1.3.3 Techniques moléculaires et tests de CV « ouverts »

Parallèlement aux tests commerciaux, plus d’une quinzaine de tests maison dit « ouvert » de RT-PCR quantitative « en temps réel » (RT-qPCR) ont été mis au point. Leurs objectifs de développement étaient à la fois de s’adapter à la diversité génétique du VIH-1 mais également aux conditions programmatiques des pays du Sud, avec des coûts d’équipements et de réactifs qui étaient avantageux à cette période (Rouet et al., 2008). Parmi eux, le test Generic HIV Charge virale (Biocentric, Bandol, France), développé par l’ANRS (Agence Nationale de Recherche sur le SIDA), est commercialisé depuis 2008 (Rouet et al., 2005, 2007). Il est actuellement utilisé dans plusieurs pays du Sud et mis en place dans quatre pays d’Afrique sub- saharienne (Burundi, Cameroun, Côte d’Ivoire et Guinée) avec le programme OPP-ERA (Open Polyvalent Platforms - Era) d’UNITAID, dont l’un des objectifs est de renforcer et décentraliser l’accès à la CV dans ces pays. Actuellement, de nouveaux tests maison continuent d’être mis au point et développés par différentes équipes de recherches à travers le monde puisque la diversité génétique du VIH continue de poser des problèmes de sous-quantification (Aitken et al., 2013b; Kaur et al., 2014). Au laboratoire, un test ouvert et polyvalent a été développé. Il possède la caractéristique de détecter une large diversité de variants du VIH-1 et ces ancêtres, des SIVs de chimpanzés et de gorilles, à l’origine des 4 transmissions inter-espèces de VIH-1 M, N, O et P (Etienne et al., 2013).

Concernant la quantification du VIH-2, il existait uniquement des tests maison jusqu’à la commercialisation récente d’un test « ouvert » par Biocentric, en collaboration avec l’ANRS. Il se caractérise par une très faible limite de détection inférieure (LDI) : 10 copies/mL, avec une prise d’essai d’1mL de plasma (Avettand-Fenoel et al., 2014; Delarue et al., 2013; Ekouévi et al., 2015). Leur développement a dû tenir compte de la plus faible capacité réplicative du VIH- 2 par rapport au VIH-1 : les patients infectés par le VIH-2 ont très fréquemment une CV < 1 000 copies/mL, même en l’absence de TAR. Il a dû aussi prendre en compte la plus grande diversité génétique des VIH-2, en palliant notamment les problèmes liés à la mauvaise détection et quantification du VIH-2 B. Certains SIVsmm de mangabés enfumés, à l’origine de la transmission inter-espèce du VIH-2, peuvent également être détectés avec ces tests maisons (Styer et al., 2013).

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3.2 Plateformes de charge virale complexes

Les caractéristiques techniques de chaque système sont à l’origine de différences entre les plateformes de CV : volume de la prise d’essai, seuil de détection, domaine de linéarité, gène(s) cible(s), capacité de détection des types et sous-types viraux. Dans le cadre du suivi virologique, il est recommandé d’utiliser la même plateforme afin de pouvoir interpréter correctement les résultats de CV d’un même patient (Sollis et al., 2014).