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2.2 Résistance du VIH aux molécules antirétrovirales

Chapitre 3. Charge virale et sang séché sur papier buvard

3.1 Présentation générale

3.4.3 Limites d’utilisation du DBS pour le suivi virologique

3.4.3.1 Sensibilité inférieure au plasma

La prise d’essai sur DBS varie entre 100 et 150 µL de sang total (2 spots de 50 ou 75 µL), ce qui est inférieur ou égal au volume minimum (140 µL) utilisé pour les tests de CV réalisés à partir de plasma et 7 à 10 fois inférieur à leur volume maximum (1 mL). Comme le DBS est composé de sang total, cette prise d’essai correspond finalement à 55 et 83 µL de plasma, en estimant l’hématocrite à 45%. En outre, la présence de substances interférentes, comme l’hémoglobine, peut inhiber la détection et la quantification sur DBS (Al-Soud et Rådström, 2001).

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L’efficacité de l’extraction des acides nucléiques à partir de papier buvard est un facteur important pour la sensibilité de la quantification sur DBS. Par exemple, le kit d’extraction QIAmp viral RNA (Qiagen, Courtaboeuf, France) n’est pas bien adapté au papier buvard (Monleau et al., 2009). Dans cette étude comparative visant à sélectionner une technique d’extraction efficace, 3/4 des plasmas séchés sur papier buvard (DPS) avec des CV plasmatiques < 3.5 log10 copies/mL n’avaient pas été détectés avec ce kit et une sous-

quantification > 1.4 log10 copies/mL avait été observée parmi les autres DPS de CV plasmatique

plus élevées. Cette étude a aussi montré que le kit mSample Preparation System (Abbott, IL, USA) sur DBS sous-quantifiait de 0,35 log10 copies/mL par rapport au plasma, du fait de

l’absorption du plasma sur papier buvard et du protocole d’extraction. Par contre, l’extraction NucliSENS (Biomérieux) avait obtenu des performances comparables entre les deux prélèvements. Enfin, il existe des variations en fonction du papier buvard utilisé. Comparé au papier Whatman 903, les papiers Munktell TFN et Ahlstrom Grade 226 ont montré des résultats un peu divergents, avec une sensibilité inférieure ou comparable pour détecter les échec virologiques au seuil de 1 000 copies/mL (Rottinghaus et al., 2013, 2014).

En partant d’une prise d’essai de sang total égale au plasma, on observe généralement une sous-quantification d’environ 0,50 log10 copies/mL sur DBS, avec les tests NucliSENS et

Biocentric (Monleau et al., 2014). Pour la faire diminuer, il est possible de corriger la valeur de CV DBS en tenant compte de l’hématocrite calculé pour chaque patient ou estimé par exemple à 50% (+0,3 log10 copies/mL) (Fajardo et al., 2014; Leelawiwat et al., 2009; Viljoen et al.,

2010). Le test Abbott a intégré automatiquement un facteur correctif de +1,96 log10 copies/mL

dans son logiciel d’analyse et de rendus des résulats de CV DBS (protocole « open-mode »), tenant compte de l’ensemble des facteurs participant à la sous-quantification (hématocrite mais aussi d’autres facteurs tels que l’absorption du plasma et au protocole d’extraction qui n’utilise pas tout le volume lysat) (Marconi et al., 2009). Ainsi, les CV DBS et CV plasmatique sont souvent comparables dans les CV plasmatiques > 3000 copies/mL avec le test Abbott (Erba et al., 2015; Marconi et al., 2009; Rutstein et al., 2014). Toutefois, le seuil de détection sur DBS reste inférieure au plasma et il varie entre 550 et 2000 copies/mL environ, avec respectivement les tests Abbott et Biocentric (Arredondo et al., 2012; Viljoen et al., 2010). La sensibilité sur DBS reste inférieure au plasma, surtout avec les faibles CV plasmatiques ≤ 1 000 copies/mL, où elle varie entre 40-60% contre plus de 95% avec les CV plasmatiques > 3 000 ou 5000 copies/mL, avec Abbott par exemple (Fajardo et al., 2014; Neogi et al., 2012; Vidya et al., 2012).

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3.4.3.2 Impact des acides nucléiques et de l’ADN proviral

Dans le sang total, en plus de l’ARN plasmastique éventuel, on peut trouver les différentes formes des acides nucléiques présents dans les cellules infectées par le VIH : ADNc, ADN non intégré, ADN proviral et ARNm (Figure 6, partie 1.2.3). L’ADN proviral est une structure stable qui peut persister très longtemps, même en l’absence de réplication active. En l’absence de suppression virale, il est aussi possible de trouver de l’ARN VIH extracellulaire sous forme attachée aux plaquettes. En fonction de la quantité relative des acides nucléiques totaux présents dans les compartiments (par rapport à la quantité d’ARN plasmatique) et de la technique de CV utilisée (extraction et/ou amplification), les valeurs mesurées sur DBS peuvent être supérieures au plasma. Cela dépend de nombreux facteurs tels que: (1) hématocrite, qui varie en fonction des individus (âge, sexe) et de la clinique (anémie ou polyglobulie) ; (2) prise d’un TAR ; (3) nombre de cellules CD4 et proportion de cellules CD4 infectées ; (4) réplication active des cellules CD4 infectées en cas de prise de TAR ; (5) variabilité inter-individuelle de l’ADN et de l’ARN du VIH (Parkin, 2014).

En cas de TAR efficace, les cellules CD4 sont la principale source d’ARNm et d’ADN VIH cellulaire. Leur proportion normale est égale à 40% des cellules mononuclées du sang périphérique (PBMCs) mais elle diminue lorsque le nombre de CD4 est bas. La quantité d’ADN VIH varie entre 100 et 100 000 copies/106 PBMCs chez les patients naïfs de TAR. Elle décroit

jusqu’entre 100 et 2 000 copies/106 PBMCs chez les patients ayant une CV plasmatique

indétectable sous TAR (Parkin, 2014). Récemment, la quantité d’ADN impactant sur la mesure de la CV DBS a été estimé à 1 000 copies/106 PBMCs, sur un petit nombre d’échantillons ayant

une CV DBS > 1 000 copies/mL alors que la CV plasmatique était indétectable (Zida et al., 2016). Concernant l’ARNm, sa quantité produite est significative lorsque les CD4 infectées sont activés. Dans le cas contraire, on en trouve une petite quantité dans les cellules latentes, allant de 10 à quelques centaines de copies/106 PBMCs.

Une modélisation de l’ensemble des facteurs précédemment cités a montré l’impact des acides nucléiques présents dans les cellules, notamment l’ADN proviral, est le plus important dans les faibles CV plasmatiques ≤ 5 000 copies/mL (Figure 31) (Parkin, 2014). Ainsi, les CV DBS peuvent être entre 1,4 et 70 fois supérieure aux CV plasmatiques, respectivement égales à 5 000 et 10 copies/mL. Alors que cela améliore la sensibilité du diagnostic précoce des nouveau-nés, cela peut diminuer la spécificité de la CV sur DBS, comparé au plasma. En fonction des plateformes de CV complexe utilisées (partie 3.2.2), un nombre plus ou moins important de résultats faux-positifs sur DBS est ainsi observé.

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Figure 31. Estimation du nombre de copies initiales d’acides nucléiques totaux présents sur DBS (ARN plasmatique, ARN et ADN cellulaires) en fonction de la CV plasmatique (Parkin, 2014).

3.4.3.3 Comparaison des plateformes de CV au seuil de 1 000 copies/mL

Avec les techniques d’amplification basée sur la RT-qPCR (Abbott, Biocentric, Cobas), tous les acides nucléiques sont amplifiés (Figure 32). Dans ce cas, seule une stratégie d’extraction permettant de réduire ou d’éliminer l’ADN des DBS permet d’obtenir une bonne spécificité (Rouet et al., 2014). Par contre, avec la technique NASBA (Nuclisens) qui amplifie seulement l’ARN, une technique extrayant tous les acides nucléiques des DBS peut être utilisée (Mercier-Delarue et al., 2014).

L’évaluation de l’utilisation du DBS a d’abord été réalisée au seuil de 5 000 copies/mL, ce qui correspondait au seuil plasmatique d’échec virologique utilisé à cette période (Lofgren et al., 2009). En 2013, l’OMS a diminué le seuil plasmatique à 1 000 copies/mL et recommandé l’utilisation de la CV sur DBS au seuil de 5 000 copies/mL. Afin d’améliorer la sensibilité du suivi virologique sur DBS, l’OMS vient récemment de proposer d’abaisser aussi le seuil de 1 000 copies/mL sur DBS, si la spécificité de la plateforme de CV utilisée le permet (WHO, 2016a). Dans cette partie, nous présentons brièvement les performances de chaque plateforme, en termes de sensibilité et de spécificité au seuil de 1 000 copies/mL, en comparaison au plasma.

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La plateforme Nuclisens, qui utilise la technique NASBA, possède la meilleure spécificité (96-100%), avec toutefois, une sensibilité généralement ≤ 90%, qui aurait tendance à diminuer si on augmente le seuil d’échec virologique à 5 000 copies/mL (van Deursen et al., 2010; Fajardo et al., 2014; Mercier-Delarue et al., 2014; Monleau et al., 2014; Napierala Mavedzenge et al., 2015). Pour ces raisons, le seuil d’échec virologique à 1 000 copies/mL semble bien adapté à cette technique qui est moins sensible car elle cible la région gag p24 et elle ne surquantifie pas les valeurs en amplifiant l’ADN des faibles CV.

Figure 32. Schéma représentant l’impact des techniques d’extractions et d’amplifications utilisées par les plateformes de CV complexe dans la mesure des acides nucléiques présents sur les DBS (Parkin, 2014).

Concernant les techniques de RT-qPCR, une surquantification dans les faibles CV < 5 000 copies/mL à l’origine de résultats DBS faux-positifs, qui est liée à l’amplification de l’ADN proviral est systématiquement décrite, avec Abbott (Arredondo et al., 2012; Erba et al., 2015; Lofgren et al., 2009; Marconi et al., 2009; Monleau et al., 2009; Rutstein et al., 2014; Vidya et al., 2012), Cobas (Mercier-Delarue et al., 2014; Sawadogo et al., 2014; Waters et al., 2007) et Biocentric (Monleau et al., 2009; Viljoen et al., 2010). Cela entraine une baisse de la spécificité au seuil de 1 000 copies/mL, alors que la sensibilité est généralement très bonne (>90%) (Mbida et al., 2009; Mercier-Delarue et al., 2014; Monleau et al., 2014; Reigadas et al., 2009; Rutstein et al., 2014; Viljoen et al., 2010).

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Actuellement, Abbott représente la seule plateforme à conserver une bonne spécificité (83-100%). Toutefois, beaucoup d’études ont été réalisées chez des patients ayant des CV élevées et il manque des données concernant le suivi virologique des patients sous TAR ayant des faibles CV ou des CV indétectables (Parkin, 2014). Pour Cobas et Biocentric, on estime que la spécificité varie respectivement entre 26-83% et 19-61%. Afin d’améliorer la spécificité, Cobas et Biocentric proposent chacun une stratégie consistant respectivement à éluer les particules virales des DBS dans un tampon de phosphate salin (Wu et al., 2015) ou de traiter les extraits avec de la DNase (Rouet et al., 2014). Toutefois, il manque aussi des données concernant le suivi virologique des patients sous TAR ayant des faibles CV ou des CV indétectable

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Chapitre 4. Contexte de la prise en charge et du suivi dans les