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PREMIERE PARTIE

Chapitre 1. Le Virus de l’Immunodéficience Humaine

2.1 Principales molécules

2.1.1 Inhibiteurs de la transcriptase inverse

2.1.1.1 Inhibiteurs nucléos(t)idiques de la transcriptase inverse

Les Inhibiteurs Nucléos(t)idiques de la Trancriptase Inverse (INTIs) sont : Abacavir (ABC), Didanosine (ddI), Emtricitabine (FTC), Lamivudine (3TC), Stavudine (d4T), Ténofovir disoproxil fumarate (TDF) et Ténofovir alafénamide fumarate (TAF), ainsi que Zidovudine (AZT). Leur structure chimique représente des 2’, 3’-didéoxynucléotides (ddN) : c’est-à-dire des analogues des bases pyrimidiques (cytosine et thymine) et puriques (adénine et guanine) constitutives des acides nucléiques, qui sont liés à un résidu osidique dépourvu de groupement hyrdoxy (OH) en 2’ et 3’ (Figure 14) (Menéndez-Arias, 2013). Ce sont tous des pro-drogues : elles doivent être nécessairement bi-phosphorylées (pour les analogues nucléotidiques, TDF et TAF) ou tri-phosphorylées (pour les autres analogues nucléosidiques) par les kinases cellulaires, afin d’être pharmacologiquement actives.

Figure 14. Structures chimiques des principaux INTIs, analogues des dNTPs naturels.

Le TDF, encadré en gris, est recommandé dans le TAR de 1ère ligne dans les pays du Sud depuis 2013. Le TAF

est une autre pro-drogue du ténofovir (TFV) qui a été récemment approuvée. Ce sont des analogues nucléotidiques (avec un groupement phosphate) de l’adénosine. De plus, 3TC et FTC (gauche) sont des analogues nucléosidiques de la cytidine. AZT (centre) est un analogue de la thymidine, comme le d4T qui n’est plus recommandé. Enfin, l’ABC (droite) est un analogue nucléosidique de la Guanosine (modifié et mis à jour d’après Menéndez-Arias, 2013).

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Au cours de la transcription inverse de l’ARN viral, ces inhibiteurs compétitifs des déoxynucléosides triphosphates (dNTPs) naturels vont être ajoutés au brin d’ADN par la RT. L’absence de groupement OH en 3’ empêche l’ajout du dNTP suivant, bloquant alors prématurément l’élongation de l’ADN viral. La RT ne peut corriger cette incorporation défective, en l’absence d’activité exonucléasique 3’-5’, et ainsi, les INTIs sont parfois appelés « terminateurs de chaine ».

Avec les INTIs, les interactions médicamenteuses sont rares. Cependant, ils exercent aussi une action inhibitrice sur l’ADN polymérase γ mitochondriale, capable d’induire, à des degrés divers, une toxicité sur plusieurs organes (myopathies, lipoatrophies, neuropathies périphériques, pancréatites…). Du fait de cette toxicité, les INTIs de «1ère génération » (AZT,

d4T et ddI) ne sont plus recommandés dans les pays du Nord. Par contre, l’AZT reste utilisée dans les pays du Sud, où elle est recommandée dans les TAR de 1ère ligne (en remplacement du

TDF) et de 2ème ligne (en première intention, en cas d’échec sous TDF).

Le TAF vient d’être mis sur le marché en formulations combinées avec soit Emtricitabine (FTC) (Descovy®), soit Elvitégravir/c/FTC (Genvoya®). Comme le TDF, c’est une pro-drogue du Ténofovir dont l’avantage réside en de meilleures propriétés pharmacologiques avec des concentrations intracellulaires plus élevées et des concentrations plasmatiques plus faibles (10 ou 25 mg de TAF vs 200 ou 300 mg de TDF) (Ray et al., 2016). Il en résulte une moindre toxicité rénale et osseuse, ainsi qu’une barrière génétique qui pourrait être plus élevée (Gallant et al., 2016; Margot et al., 2016; Sax et al., 2015). La barrière génétique d’une molécule ARV correspond à sa capacité à ne pas sélectionner des souches résistantes lorsqu’une faible virémie persiste (paragraphe 2.2.1.2).

2.1.1.2 Inhibiteurs non-nucléosidiques de la transcriptase inverse

Les principaux inhibiteurs non-nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTIs) sont : Efavirenz (EFV) et Névirapine (NVP) comme molécules de 1ère génération; Etravirine

(ETR) et Rilpivirine (RPV) comme molécules de 2ère génération. Ils sont structurellement et

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Figure 15. Structures chimiques des principaux INNTIs, analogues non-nucléosidiques des dNTPs naturels. (a) molécules de 1ère génération, généralementrecommandées dans le TAR de 1ère ligne dans les pays du Sud

(gris), (b) molécules de 2ème génération : diarylpyimidine (DAPY) (modifié d’après Menéndez-Arias, 2013).

La transcriptase inverse (RT) est un hétérodimère formé par la sous-unité p51 (stabilisatrice) et p66 (active). La structure cristallographique de cette dernière s’illustre par une « main droite ouverte», constituée des cinq domaines suivants : doigts, paume, pouce, région de connexion et RNase H (figure 16) (Das and Arnold, 2013; Menéndez-Arias, 2013). Le site actif de polymérisation de l’ADN proviral, formé d’un motif des quatre acides aminés « YMDD » (Tyrosine, Méthionine, Acide aspartique, Acide aspartique), est situé dans l’espace situé entre la « paume », le « pouce » et les autres « doigts ». Les INNTIs agissent de façon non-compétitive, en créant une liaison forte et spécifique avec un site allostérique situé à proximité (~ 10 Å) de ce site catalytique, au sein d’une poche hydrophobe. Il en résulte une perte de la flexibilité de la RT du VIH-1 qui altère sa capacité de synthèse de l’ADN viral. Les VIH-2 ainsi que plus de 60% des VIH-1 groupe O sont naturellement résistants aux INNTIs (Ren et al., 2002; Tebit et al., 2016).

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Figure 16. Structure tridimensionnelle de la RT du VIH-1 (modifié d’après Das et Arnold, 2013).

Du fait de leur métabolisation hépatique, les interactions médicamenteuses sont nombreuses avec les INNTIs, avec des effets inducteurs ou inhibiteurs sur le système du cytochrome P450 (CYP). En début de TAR, les INNTIs de 1ère génération induisent souvent

des effets secondaires tels que des troubles neuropsychiatriques (avec EFV) ou une hypersensibilité à l’origine d’exanthèmes et d’hépatites aiguës exceptionnellement fulminantes (avec NVP). Pour cette raison, la NVP n’est plus prescrite dans les pays du Nord, alors qu’elle reste recommandée en TAR de 1ère ligne dans les pays du Sud (en alternative à l’EFV qui semble

mieux toléré) (Ford et al., 2015a; Shubber et al., 2013). La diminution du dosage de l’EFV de 600 à 400 mg a montré une non-infériorité de l’efficacité et un risque plus faible d’effets indésirables après 96 semaines de TAR (ENCORE1 Study Group et al., 2015). Faisant partie des nouvelles stratégies alternatives de TAR proposées par l’OMS, elle est actuellement testée dans les pays du Sud (ex. projet NAMSAL/ANRS 12313, au Cameroun) (WHO, 2016a).

Une meilleure tolérance est également observée avec les molécules de 2ème génération

(ETR et RPV), non recommandées par l’OMS dans les pays du Sud (Nelson et al., 2013). Concernant RPV, une nanoformulation injectable à durée longue d’action est en cours de développement clinique : en association avec un nouvel inhibiteur d’intégrase (Cabotégravir, GSK1265744) en TAR de 1ère ligne, mais aussi seule (TMC278LA) en PReP (prophylaxie pré-

exposition) (Margolis et al., 2015; Penrose et al., 2016). Dans cette dernière indication, l’émergence d’une souche résistante (K101EK) vient d’être décrite, avec la séroconversion d’un virus sauvage «sensible» 40 jour après l’administration par voie intra-musculaire de la plus faible dose testée (300 mg) (Penrose et al., 2016).

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