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2.2 Résistance du VIH aux molécules antirétrovirales

Chapitre 3. Charge virale et sang séché sur papier buvard

3.1 Présentation générale

3.2.2 Plateformes de charge virale « ouvertes »

Les plateformes « ouvertes » sont composées de divers systèmes d’extractions manuels et automatisés (Qiagen QIAmp® viral RNA minikit ou Qiacube®, Biomérieux NucliSENS miniMag® ou EasyMag®, Arrow…) et de différents thermocycleurs pour RT-qPCR (Bio-Rad CFX96, Applied biosystem 7500 et autres versions…), selon le choix des laboratoires. Malgré une technologie aussi complexe que les plateformes commerciales « fermées », elles présentent des avantages à être utilisées dans les laboratoires de référence des pays du Sud. Sur ces plateformes, il est effectivement possible de développer des tests de CV maisons adaptés à la diversité génétique du VIH-1 circulant dans chaque région du monde. Elles permettent aussi une flexibilité d’utilisation et d’amélioration des protocoles qui peut être intéressante dans le cadre de la recherche. Elles sont aussi qualifiées de « polyvalentes » car elles peuvent être aussi utilisées pour détecter et quantifier de nombreux autres micro-organismes que le VIH, en vue d’autres applications. Avec la tendance à la baisse des tests commerciaux, les tests de CV VIH « ouverts » ne représentent parfois plus d’avantage économique.

Dans ce chapitre, nous avons choisi de présenter brièvement deux tests de CV par RT- qPCR ouverts et polyvalents développés pour détecter une plus large diversité de variants du VIH circulant dans les pays du Sud : (1) Generic HIV CV (Biocentric, Bandol, France) commercialisé et mis en place dans certains pays du Sud ; (2) RT-qPCR VIH-1/

SIVcpz/SIVgor récemment développé au laboratoire et étudié au cours de cette thèse. Ces deux

tests ciblent une courte séquence (120 nt) dans la région hautement conservée des LTRs et utilisent une sonde TaqMan® (15 nt) marquée par le fluorophore FAMTM en 5’ et le quencher

MGB (minor groove binder en anglais) en 3’ (Applied Biosystem, CA, USA).

3.2.2.1 Generic HIV charge virale (Biocentric, Bandol, France)

En 2004, le test Generic HIV CV (Biocentric, Bandol, France), mis au point par le groupe AC11 de l’ANRS en France, a été transféré et évalué avec succès en Côte d’Ivoire où prédomine des CRF02_AG (Rouet et al., 2005). Toutefois, ce test de 1ère génération ne détectait

pas certaines souches circulant au Cameroun ou en Thaïlande. Il a donc été rapidement optimisé pour détecter aussi ces variants, en proposant : (1) nouvelle sonde plus courte possédant le quencher MGB, afin de limiter les mésappariements assez fréquents liés à la diversité génétique du VIH (Afonina et al., 1997), (2) séquence d’amorce sens raccourcie de quelques nucléotides, (3) modification de la composition du « mix » d’amplification.

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En 2007, le test de 2ème génération a été évalué sur presque 900 plasmas de 10 pays

différents (Argentine, Cambodge, Cameroun, Côte d’Ivoire, France, Madagascar, Maroc, RCA, Thaïlande et Zimbabwe), correspondant à environ 50% de VIH-1 non B parmi les 500 échantillons de sous-type connus (Rouet et al., 2007). Les résultats ont montré une meilleure quantification de la majorité des VIH-1 non B et des CRFs, ainsi que des VIH-1 B, comparé aux deux principaux tests commercialisés à cette époque mais qui ne sont désormais plus disponibles sur le marché, bDNA Versant 3.0 (Bayer) et Amplicor v1.5 (Roche). Le test a aussi été évalué avec succès sur des variants circulant dans d’autres pays (Allemagne, Brésil, Burkina-Faso, Kenya, Inde et Afrique du Sud) (Drosten et al., 2006; Rouet et al., 2010; Steegen et al., 2007). Finalement, ce test « ouvert » et polyvalent a été commercialisé en 2008 par Biocentric (Bandol, France) pour être utilisé dans le cadre du suivi virologique des patients sous TAR vivant notamment dans les pays du Sud où circule une large diversité génétique de VIH- 1 (Rouet et al., 2008).

Plus récemment, le test Generic HIV CV (Biocentric) a de nouveau montré de bonnes capacités de détection et de quantification des différents variants du VIH-1, en comparaison avec les versions actuelles des principaux tests commerciaux « fermés » (Abbott, Cobas et NucliSENS) (Mouinga-Ondémé et al., 2014; Ndiaye et al., 2015). De plus, ces deux études menées au Gabon et au Sénégal ont montré qu’il avait tendance à voir des valeurs de CV légèrement supérieures ou égales à Abbott, égales à Cobas et inférieures ou égales à NucliSENS. Enfin, le test Biocentric vient d’être amélioré en 2015, avec une nouvelle version disposant d’un contrôle interne, comme dans les tests commerciaux « fermés ».

Au final, le test Biocentric détecte le VIH-1 M (A-H), dont les CRF02_AG et CRF01_AE, dans un domaine de linéarité pouvant varier en fonction des plateformes utilisées. Avec le système d’extraction automatisé Arrow, le domaine de linéarité est compris entre 165 à 5.106 copies/mL, pour une prise d’essai de 250 µL extraite avec et un volume d’élution de 50

µL. Dans ces conditions, la limite de détection inférieure est d’environ 400 copies/mL. Le test Biocentric quantifie mal ou ne détecte pas les groupes divergents N, O et P du VIH-1. De plus, certains variants du VIH-1 M n’arrivent toujours pas à être détectés, ni avec Biocentric, ni avec Abbott (Mouinga-Ondémé et al., 2014).

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3.2.2.2 RT-qPCR VIH-1/SIVcpz/SIVgor

En 2013, le test ouvert et polyvalent universel RT-qPCR VIH-1/SIVcpz/SIVgor a été mis au point et évalué au laboratoire UMI233 TransVIH-MI de Montpellier en France (Etienne et al., 2013). La sonde et les amorces ont été élaborées à partir d’un alignement de séquences comprenant de nombreux sous-types et CRFs du VIH-1 M, ainsi que toutes les séquences disponibles des groupes divergents N, O et P, et aussi des séquences des virus divergents SIVcpz-Ptt et SIVcpz-Pts infectant les chimpanzés et SIVgor infectant les gorilles. Finalement, les amorces amplifient la même région LTRs (120 nt) que le test Biocentric, avec une amorce sens identique à l’exception des deux derniers nucléotides qui sont dégénérés en 5’ et une amorce antisens entièrement différente. Quant à la sonde TaqMan®, elle a une séquence et une position différente.

L’utilisation du master mix TaqMan Fast Virus 1-step 1X (Applied Biosystem, CA, USA) permet de réaliser l’amplification dans un délai plus court (~ 70 min, série de 96 échantillons) par rapport au test Biocentric (~ 130 min) et aux tests commerciaux « fermés » Abbott (~ 180 min) et Cobas (~ 120-180 min) (Tableau 1), dans les conditions suivantes : RT à 50°C pendant 5 min, inactivation de la RT et dénaturation à 95°C pendant 20 s, et amplification avec 50 cycles à 95°C pendant 3 s et 58°C pendant 30 s (durée totale ~ 70 min).

Dans cette étude, 190 plasmas de VIH-1 M détectés par Biocentric ont été testés avec le nouveau test RT-qPCR VIH-1/SIVcpz/SIVgor (Etienne et al., 2013). Ils représentaient 8 sous- types de VIH-1 M (A-J), 9 CRFs, dont une majorité de CRF02-AG, ainsi que des URFs. Mis à part 14 (7%) VIH-1 B venant de France, le reste des échantillons provenaient du Burundi, Cameroun, RDC, et du Togo. La sensibilité du nouveau test était de 97,4% (IC 95% : 94,0- 99,1), et 3/5 échantillons non détectés avaient des valeurs inférieures au seuil de détection de Biocentric (~300 copies/mL). La spécificité, mesurée à partir de 72 plasmas VIH négatifs provenant du Cameroun, était de 100% (IC 95% : 95,9-100). L’analyse de la concordance a montré qu’il n’y avait pas de différence de mesures entre le nouveau test et Biocentric (d= 0.02 log10 copies/mL, p= 0,37), avec une quantification constante des valeurs entre les CV faibles et

élevées. 95% des échantillons étaient dans les limites de concordance [d ± 1,96 ET (écart-type)]. De plus, 31 VIH-1 O (9 extraits ADN pour confirmer la détection et 22 plasmas pour confirmer la détection et la quantification par rapport à Abbott) ont aussi été analysés avec le test RT-qPCR VIH-1/SIVcpz/SIVgor. 10/10 des plasmas déjà détectés avec Abbott l’ont été avec aussi le nouveau test, dont 3 avec une différence supérieure à 0,5 log10 copies/mL en faveur

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du nouveau test. Avec celui-ci, 4 nouveaux échantillons ont été quantifiés dans des faibles CV (< 5 000 copies/mL), alors qu’ils n’avaient pas été détectés avec Abbott. Au final, le test a permis de détecter et de quantifier plus de VIH-1 O qu’Abbott avec une sensibilité de 64% vs 45 % (pour 22 échantillons). Enfin, ce nouveau test a amplifié des SIVcpz-Ptt et SIVcpz-Pts à partir de plasma, mais aussi des SIVcpz et SIVgor à partir de fèces.

Au final, le test RT-qPCR VIH-1/SIVcpz/SIVgor a donc été évalué avec succès pour la détection et la quantification des variants du VIH-1 M (A-J), dont CRF02_AG et d’autres CRFs/URFs, comparé à Biocentric, ainsi que VIH-1 O comparé à Abbott. La limite de détection inférieure est de 300 copies/mL pour une prise d’essai de 200 µL extraite avec le minikit QIAmp viral RNA (Qiagen, Courtaboeuf, France) et un volume d’élution de 60 µL.

3.3 Plateformes de charge virale simples : « Point of care »

Les plateformes simples (POC, point of care en anglais) sont destinées aux laboratoires ayant des infrastructures limitées, situés dans les zones rurales et semi-rurales (décentralisées) de certains pays du Sud. Actuellement, elles n’ont pas encore été mises en place en routine et plusieurs d’entre elles sont toujours en cours de développement (Figure 28). Dans cette partie, nous présenterons brièvement les deux plateformes POC de CV déjà évaluées et qui sont en cours de commercialisation : (1) SAMBA I Semi-Q VL (DDDU, Cambridge, Angleterre) ; (2)

GeneXpert® HIV-1 (Cepheid).

Dans l’idéal, les plateformes POC devraient répondre aux critères ASSURED (affordable, sensible, specific, user-friendly, rapide and robust, equipment-free,

deliverable, en anglais), définis par l’OMS (Mabey et al., 2004): (1) Abordable (< 500 $ par

appareil et < 10 $ par test) ; (2) Sensible (LDI = 500 copies/mL) ; (3) Spécifique ; (4) Facile à

utiliser (1-2 jours de formation du personnel soignant) ; (5) Rapide et robuste (< 90 min par

test, bonne capacité de rendement, peu de consommables, durée de vie de l’appareil > 1 an à température ambiante) ; (6) Sans équipement (appareil compacte, fonctionnement autonome grâce à des batteries rechargeables, analyses des données sur site) ; (7) Livrable (appareil portatif, ordinateur de poche).

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De plus, ce type de plateforme devrait utiliser des cartouches de réactifs jetables ne nécessitant pas d’eau. Contrairement aux plateformes de CV complexes, la préparation des échantillons ne devrait pas nécessiter de séparer le plasma du sang total. De plus, leur stockage ou transport éventuels ne devraient pas nécessiter de chaine de froid. Généralement, les plateformes POC réalisent un seul test de CV à la fois. Leur capacité de rendement est estimée entre 4 à plus de 20 échantillons par jour pour les plateformes ayant plusieurs modules.

Figure 28. Développement et commercialisation des plateformes simples (POC) et des plateformes complexes adaptées aux DBS.

Les traits verts indiquent les plateformes DBS, les plateformes bleues indiquent les plateformes DBS (d’après UNITAID, 2015).

Le cadre dans lequel serait réalisé le test POC est autant important que les critères techniques : « Technology as such does not define a POC test » (Pai et al., 2015). En effet, le test POC est destiné à être fait au sein même (ou à proximité) de la structure de soin qui réalise le suivi des patients et leur délivre le traitement antirétroviral (TAR). L’objectif est que le test POC et le résultat puissent être réalisés et rendus dans la même journée, afin de pouvoir guider au mieux le clinicien dans la prise en charge thérapeutique de ses patients.

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