• Aucun résultat trouvé

AXE I THÉORIE ET ÉTAT DE L’ART

Chapitre 3 Méthodologies

3.2 Techniques de mise en solution

Il existe plusieurs techniques de mise en solution, soit totale, soit portant sur la digestion des analytes d’intérêt [63], [64]. La digestion permet de mettre en solution uniquement les analytes d’intérêt sans dissoudre l’ensemble de la matrice, et donc les potentiels interférents. Cependant, la digestion, lorsqu’appliquée à des échantillons inconnus, ne garantit pas la mise en solution totale des analytes ciblés. Cette mise en solution partielle peut donc induire une sous-estimation lors de la quantification. [65]

Les méthodes présentées ci-dessous permettent d’atteindre une dissolution totale de l’échantillon lorsque les conditions sont optimisées. Seule la mise en solution acide sera présentée dans l’intérêt du projet, cependant des attaques alcalines existent pour chacune des méthodes ci-dessous.

3.2.1 Minéralisation acide

Cette méthode empirique est la plus employée de par sa simplicité et sa large efficacité. L’ajout d’un acide ou d’un mélange d’acides, souvent concentrés, à l’échantillon permet sa solubilisation. Afin d’obtenir une meilleure solubilisation, il est possible de chauffer ou de varier les acides. [66]

Parmi les acides couramment utilisés, l’acide chlorhydrique, HCl, permet la dissolution des sels de carbonates, de phosphates, de quelques oxydes voire même de sulfates. Cependant, étant un acide fort, mais un réducteur faible, l’acide chlorhydrique ne permet pas une bonne dissolution de la matière organique. L’acide nitrique, HNO3, permet une

attaque oxydante, et ainsi la bonne dissolution de la matière organique, mais également des métaux et des alliages. La combinaison de ces deux acides permet souvent une bonne dissolution d’un échantillon, notamment par le célèbre mélange molaire 1:3 HNO3:HCl, l’eau

régale.

L’acide sulfurique, H2SO4, possède des propriétés oxydantes intéressantes permettant la

dissolution de minerais, métaux, alliages, oxydes et hydroxydes. Cet acide est souvent combiné à l’acide nitrique. Cependant, son utilisation dans de la verrerie en téflon est limitée étant donné que son point d’ébullition (338°C) est plus élevé que le point de transition vitreuse du téflon (260°C), menant à l’altération de la verrerie. L’acide perchlorique, HClO4,

est idéal pour dissoudre la silice souvent présente dans les minerais, par la formation de l’ion SiF62-. Par contre, la dangerosité de cet acide lorsqu’en contact avec la peau limite ses

possibilités d’utilisation dans des laboratoires de contrôle ou d’industrie [66]. L’acide phosphorique n’est pas préconisé pour la dissolution de matière inorganique, étant donné la formation d’espèces insolubles tels que les phosphates de fer, de plomb et de métaux alcalino-terreux [67].

Cependant, compte tenu des différents acides disponibles, la minéralisation acide sur plaque chauffante ne permet pas indubitablement la mise en solution totale. Ces limitations peuvent provenir de l’incapacité des acides à dissoudre certains éléments tels que les oxydes réfractaires, malgré un chauffage élevé, ou bien des limitations d’ordre sécuritaire.

3.2.2 Digestions micro-onde et infrarouge

La digestion par micro-onde permet d’opérer en système fermé et ainsi limiter les pertes des produits volatils. La digestion acide par micro-onde est similaire à la minéralisation acide concernant la force des acides et leur utilité. Cependant dû aux changements des conditions opératoires (pression), la dissolution des échantillons en est améliorée. De plus, cette méthode permet de lancer jusque 40 échantillons simultanément, répondant aux mêmes conditions expérimentales, permettant ainsi une bonne répétabilité des résultats et une analyse plus rapide.

Le chauffage par micro-onde diffère de celui par convection sur une plaque chauffante. En effet, les micro-ondes permettent de chauffer l’ensemble du solvant, résultant en un chauffage plus homogène et donc plus performant (Figure 3.9 a et b). Les micro-ondes permettent par rotation dipolaire et conduction ionique de chauffer les liquides : les molécules polaires (telles que l’eau) vont tendre à aligner leur moment dipolaire avec le champ électrique. Étant donné que le champ électrique change constamment, les molécules et les ions se heurtent entre eux, permettant la décomposition de l’échantillon (Figure 3.9c).

(c)

Figure 3.9 : comparaison entre la digestion micro-onde et le chauffage par bain d’huile avec (a) le profil de température et (b) le comportement thermique dans l’échantillon. (c) représente le principe du chauffage par micro-onde [68].

Dans le cas d’un chauffage par infrarouge, les radiations sont transmises à la surface des particules à une plus grande énergie (Figure 3.10a). Ainsi, l’augmentation de leur énergie cinétique rend possible leur dissolution par collision et conduction (tout comme les micro- ondes). Par conséquent le solvant n’est chauffé que par convection (la chaleur des particules se diffuse dans l’environnement proche), permettant ainsi une mise en solution des solides en réduisant les problèmes de volatilisation [69]. C’est pourquoi le système de digestion infrarouge commercial, ColdblockTM, s’opère en système ouvert tandis que le

digesteur à micro-onde est plus efficace en système fermé (Figure 3.10b). Cependant, l’utilisation de quartz en lieu et place du téflon pour ses propriétés optiques réduit la gamme d’acides utilisables.

(a) (b)

Figure 3.10 : (a) spectre électromagnétique et (b) principe de fonctionnement du digesteur par infrarouge [70], [71].

L’utilisation de ces techniques permet d’atteindre de bonnes performances analytiques sur une variété d’échantillons environnementaux. Cependant, certains matériaux réfractaires nécessitent également l’utilisation d’acides à risque tels que l’acide fluorhydrique afin de

permettre une dissolution totale. Ainsi, il n’existe aucune méthode universelle et les méthodes doivent être adaptées à la nature de l’échantillon. [72]

3.2.3 Fusion alcaline

La fusion permet la dissolution de matériaux difficiles à dissoudre dans de l’acide tels que les silicates, certains oxydes et alliages. Le fondant, un sel de métal alcalin, permet de briser les liaisons avec un oxygène pour former une liaison oxygène-alcalin. Bien que cette réaction soit défavorable (O-U = 761 kJ·mol-1, B-O = 806 kJ·mol-1 [73] et Li-O = 400 kJ·mol- 1 [74]), l’excès de réactif ainsi que la très haute température viennent déplacer l’équilibre en

faveur de l’oxyde d’alcalin. Ainsi, des métaux ou des sulfites ne pourront être correctement mis en solution sans une étape d’oxydation préalable. Le complexe formé avec l’analyte d’intérêt peut alors être mis facilement en solution par une attaque acide, dans le cas d’une fusion boratée, tel que :

UO2(s) + 4LiBO2(s) Δ

↔ U(BO2)4(s) + 2Li2O(s)

U(BO2)4(s)+4H2O HNO3

↔ UO22+(aq)+ 3H3O+(aq)+2H2(g)

Ce mécanisme est également applicable à d’autres fondants tels que les carbonates (Na2CO3, K2CO3, Na2O2, CaCO3), les disulfates (K2S2O7), les borates (LiBO2, B2O3 et

Li2B4O7) ou tout autre sels ou mélange de sels d’alcalin.

Selon la nature des fondants utilisés, la température nécessaire pour favoriser la réaction peut varier de 500 à 1100°C. À de hautes températures, les creusets de platine sont favorisés tandis que certains fondants tels que NaOH permettent d’utiliser des creusets de zirconium plus abordables. Cependant l’avantage d’une fusion dans un creuset de platine reste le faible temps de roulement des échantillons à travers la fusion automatisée, développée par la compagnie Claisse. (Tableau 3.1)

De manière générale, tous les solides peuvent être dissous par cette méthode, cependant ceux présentant une forte charge organique doivent subir une calcination préalable. De plus, certains produits ne peuvent pas être utilisés avec certains creusets, à cause des interactions pouvant mener à la dissolution de ces derniers. Il est à noter que l’utilisation de températures élevées peut induire des pertes en éléments ayant une température d’évaporation moindre ou une volatilité élevée tels que le mercure ou le polonium.

Tableau 3.1 : caractéristiques des différentes méthodes de fusion [66], [75]. Fondant Type de

creuset

Température de

fusion (°C) Type d'échantillon dissous

Na2CO3 Pt 851 Silicates

LiBO2 Pt 1000-1100 Tout sauf sulfures et métaux

Li2B4O7 Pt 1000-1100 Tout sauf sulfures et métaux

Na2O2 Zr, Ni ou Fe 600 Tout (Zr plus résistant)

B2O3 Pt 1000-1100 Silicates, oxydes et minerais réfractaires

CaCO3 NH4Cl Ni Variable Silicates

KHF2 Pt 900 Oxydes formant des complexes fluorés

K2S2O7 Pt Incandescence Oxydes insolubles