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AXE I THÉORIE ET ÉTAT DE L’ART

Chapitre 2 Propriétés physiques et chimiques des radioisotopes d’intérêt

2.1 Propriétés radioactives

2.1.3 Radioactivité naturelle et chaînes de désintégration

2.1.3 Radioactivité naturelle et chaînes de désintégration

La radioactivité est présente dans notre environnement, que ce soit naturel via les NORM (Naturally Occuring Radioacitive Material) ou artificiel suite aux retombées radioactives anthropogéniques telles que les bombes nucléaires ou les accidents (Fukushima ou Tchernobyl). Compte tenu de l’orientation du projet, nous aborderons uniquement les radionucléides d’origine naturelle (NORM) et les chaînes de désintégration.

2.1.3.1 Radioactivité naturelle

Tel que présenté sur la Figure 2.16, trois catégories de radionucléides naturels peuvent être définies. Tout d’abord les radionucléides d’origine cosmique, autrement dit, provenant de l’espace [32], [33]. Ces radionucléides ont généralement un temps de demi-vie inférieur à

l’âge de l’univers. Il en existe une multitude, mais seulement quelques-uns sont communément pris en compte (Tableau 2.2). Ainsi, le 14C, 3H, 22Na, et 7Be sont considérés

par le « National Council on Radiation Protection and Measurement » auxquels peuvent venir, entre autres, s’ajouter 32Si, 33P, 36Cl, 41Ca, 26Al, 46Sc, 48V, 51Cr, 53,54Mn, 56,57,58,60Co et 59Ni.

Tableau 2.2 : principaux radionucléides primordiaux et cosmogéniques.

Type Radionucléide Abondance isotopique (%) t1/2 (ans) Mode de désintégration Dose moyenne annuelle (mSv) D’origine cosmique 14C < 10-12 5700 - (100 %) 1,2·10-2 3H < 10-12 12,32 - (100 %) 1·10-5 22Na < 10-12 2,60 + (100 %) 1,5·10-4 7Be < 10-12 0,14 ε (100 %) 3·10-3 Primordiaux 40K 0,0117 1,2·109 - (11 %) ε (89 %) 3,3·10-1 87Rb 27,83 4,8·1010 - (100 %) 6·10-3

Les radionucléides primordiaux constituent la seconde catégorie. Il s’agit d’isotopes naturels instables qui se décomposent en un élément stable ou qui font partie d’une courte chaîne de désintégration. Leur temps de demi-vie est comparable ou supérieur aux radionucléides d’origine cosmique. Le 40K et 87Rb en sont les principaux contributeurs, avec une activité

dans la croûte terrestre de l’ordre de 105 mBq·kg-1 et de 102 à 105 mBq·L-1 dans l’eau de

mer [34]. Les autres radionucléides primordiaux dépassent rarement le mBq·kg-1 ou le

Figure 2.16 : distribution de la dose moyenne de la radioactivité naturelle, adapté [34]. La dernière catégorie correspond aux radionucléides présents dans les chaînes de désintégrations naturelles (cf. section 2.1.3.2). Ces derniers contribuent à plus de 80% de la dose naturelle annuelle, notamment par les chaînes de l’238U et du 232Th, tandis que les

radionucléides primordiaux représentent un peu plus de 16% contre seulement 0,7% pour les radionucléides d’origine cosmique (Figure 2.16).

2.1.3.2 Filières de désintégration

Lorsqu’un radionucléide se désintègre, il génère un nucléide fils qui peut notamment être instable. S’il s’agit d’un radionucléide, s’en suit alors une autre désintégration pouvant elle- même générer un isotope instable jusqu’à la production d’un isotope stable. L’ensemble de ces désintégrations constituent une chaîne, ou filière, de désintégration. Ainsi, nous pouvons définir quatre filières de désintégration, notées 4n, 4n+1, 4n+2 et 4n+3 correspondant à la désintégration respective du 232Th, 237Np, 238U et 235U. Le 237Np étant un

élément artificiel, sa chaîne de désintégration n’a pas d’intérêt dans le cadre du projet [32]. (Figure 2.17)

Figure 2.17 : filiation radioactive 4n+2, 4n+3 et 4n [35].

Ainsi l’activité du fils (indice 2) est reliée à celle du père (indice 1) par la loi de décroissance radioactive (Équations 2.11 et 2.14). L’activité du fils dépend de deux paramètres que sont son taux de formation, régi par la désintégration du père (−𝜆1∙ 𝑁1), et son taux de

décroissance (−𝜆2∙ 𝑁2). Ainsi dans le cas de N1  N2, on obtient :

−𝑑𝑁2 𝑑𝑡 = (−𝜆1∙ 𝑁1) − (−𝜆2∙ 𝑁2) ⇒ 𝑁2= 𝜆1 𝜆2− 𝜆1 𝑁1,0(𝑒−𝜆1∙𝑡− 𝑒−𝜆2∙𝑡) + 𝑁2,0𝑒−𝜆2∙𝑡 2.13 D'où 𝐴2= 𝜆2∙ 𝑁2 = 𝜆2 𝜆2− 𝜆1 𝐴1,0(𝑒−𝜆1∙𝑡− 𝑒−𝜆2∙𝑡) si N2,0 est nul 2.14

En appliquant cette équation à n désintégrations successives, il est ainsi possible de déterminer l’activité du nième élément à partir du 1er et inversement, à partir de l’équation de

Bateman généralisée (Équation 2.15) [36].

𝐴𝑛= 𝐴1,0∏ 𝜆𝑖 𝑛 𝑖=2 (∑ 1 ∏𝑖=1𝑛 (𝜆𝑖− 𝜆𝑗) 𝑖≠𝑗 𝑛 𝑗=1 𝑒−𝜆𝑗∙𝑡) si N 𝑖,0 est nul 2.15

2.1.3.3 Équilibres des chaînes de désintégration

Les chaînes de désintégration constituent un cas particulièrement intéressant de par la relation entre les différents composants, chacun ayant un impact sur ses descendants. La relation entre ces derniers est fonction du ratio des constantes de désintégration λ ou t1/2

menant à différents équilibres possibles à long ou moyen terme.

Ainsi, dans le cas où t1/2,1 est inférieur à t1/2,2, autrement dit si λ1 est supérieur à λ2, l’activité

du nucléide fils croit jusqu’à atteindre un maximum avant de décroître, car le nucléide père ne se désintègre pas suffisamment rapidement pour créer un état compensatoire (Figure 2.18). Cette configuration est retrouvée dans le cas du 218Po (t

1/2 = 3 min) et son descendant,

le 214Pb (t

1/2 = 27 min). Cependant, ces éléments faisant partie de la chaîne de

désintégration, le 214Pb est également en équilibre séculaire avec le chef de file (Figure

2.21).

Figure 2.18 : cas où λ1 > λ2, avec N2,0 nul.

Dans le cas où t1/2,1 est légèrement supérieur à t1/2,2, autrement dit si λ1 est légèrement

inférieur à λ2, le terme 𝑒−𝜆2∙𝑡 dans l’équation précédente devient négligeable par rapport à

𝑒−𝜆1∙𝑡, mais λ1 ne peut être négligé par rapport à λ2. Cette configuration pourrait être retrouvée dans le cas du 222Rn (t

1/2 = 3 j) et son descendant, le 218Po (t1/2 = 3 min), si

l’équilibre séculaire est rompu par volatilisation du radon. Ainsi, l’activité du descendant peut s’écrire, dans le cas où le nombre initial de nucléide fils est nul :

𝐴2 = 𝜆2∙ 𝑁2=

𝜆2∙ 𝐴1

𝜆2− 𝜆1

Tel que l’équation ci-dessus le décrit, l’activité du fils devient proportionnelle et supérieure à celle du père, créant ainsi un équilibre nommé équilibre transitoire (Figure 2.19) et le rapport des activités peut être écrit tel que :

𝐴2

𝐴1

= 𝜆2 𝜆2− 𝜆1

Figure 2.19 : cas où λ2 ≳ λ1, avec N2,0 nul.

Finalement, lorsque t1/2,1 est largement supérieur à t1/2,2, autrement dit si λ1 est inférieur à λ2,

d’au moins quatre ordres de grandeur, alors λ1 peut être négligé devant λ2 et l’équation de

la décroissance radioactive peut s’écrire :

𝐴2= 𝜆2∙ 𝑁2= 𝐴1⟺

𝐴2

𝐴1

= 1

Ces conditions permettent donc d’obtenir une activité égale pour un temps supérieur à environ sept fois le temps de demi-vie de l’isotope fils (Figure 2.20), créant un équilibre séculaire, tel que l’238U (t

Figure 2.20 : cas où λ2 >> λ1, avec N2,0 nul.

Dans le cas des chaînes naturelles à plusieurs radioisotopes, le temps de demi-vie du chef de file est toujours largement supérieur de quatre ordres de grandeur à l’ensemble des nucléides fils. Ainsi, l’activité de tous les radionucléides est identique (équilibre séculaire généralisé) dans le cas d’un système fermé. De plus, le temps de demi-vie du chef de file étant généralement supérieur à 108 ans, cette activité semble constante à l’échelle humaine.

(Figure 2.21)

Figure 2.21 : l’équilibre séculaire dans la chaîne de désintégration de l’238U.

En conclusion, l’approche de la physique statistique permet de fournir, pour une large population de noyaux, un modèle quantitatif relativement fiable. A partir de ce modèle et du cas particulier des chaînes de désintégration, il est possible de relier les activités des radioisotopes présents dans les filières de désintégration, notamment naturelles. Ces relations permettent ainsi de simplifier la mesure de la radioactivité en ne sélectionnant que certains radioisotopes.