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Encadré 7. Synthèse de la Partie IV – Chapitre 4 Exposition du cas « JCDecaux Moyen Orient » Exposition du cas « JCDecaux Moyen Orient »

1.2 Techniques et méthodes d’analyse du contenu

Après avoir présenté de manière succincte ce qu’est l’analyse de contenu, nous exposerons en détail successivement les trois phases qui constituent le processus d’analyse à savoir la préanalyse, la codification et l’analyse qualitative des données en tant que telle.

1.2.1 Une analyse thématique de contenu

D’après Bardin (1977), « l’analyse de contenu est un ensemble de techniques d’analyse des

communications visant, par des procédures systématiques et objectives de description des messages, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant l’inférence de connaissances relatives aux conditions de production/réception de ces messages » (Cité par Evrard, Pras et Roux,

2000 ; p.116). Ainsi, ce type d’analyse consiste à réduire les informations pour les catégoriser, et les mettre en relation avant d’aboutir à une description, une explication ou une configuration (Wacheux, 1996). Ceci rejoint d’ailleurs les propos de Bardin (1977) lorsqu’il avance, à propos de la double fonction de l’analyse de contenu, « la première est une fonction heuristique qui enrichit

une approche de découverte exploratoire : c’est l’analyse de contenu pour ‘‘voir ou comprendre’’ ; la seconde est une fonction d’administration de preuve empirique, ou d’inférence à partir d’hypothèses de travail que l’on cherche à valider » (Cité par Evrard, Pras et Roux, 2000, pp.116).

Etant donné que la principale ambition derrière notre étude exploratoire à partir de dix entretiens semi-directifs est essentiellement d’étudier et de comprendre l’imbrication du social et du matériel et leur contribution aux fonctions du SI dans l’organisation, notre recours à l’analyse de contenu trouve donc une explication judicieuse dans sa première fonction d’enrichissement d’une approche de découverte exploratoire servant à tester nos propositions de recherche sur le terrain.

Ainsi, comme le souligne Caumont (1998), pour mener une analyse de contenu, le chercheur dispose d’un grand nombre de techniques et méthodes d’analyse dont les plus souvent utilisées sont illustrées par le tableau suivant :

Technique d’analyse Description Logique

Analyse lexicale Est généralement utilisée dans le

traitement des questions ouvertes, étudie de manière statistique le vocabulaire présent dans un discours, en considérant les mots de façon isolée

Logique de réduction du contenu étudié en un certain

Analyse thématique Est généralement utilisée dans le

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réorganiser les données recueillies pour

fournir un condensé exact de

l’information initiale (dimension

énonciative) et en trouver la signification

(dimension compréhensive et

interprétative)

nombre de catégories

Analyse sémiotique38 Etudie à partir d’une analyse structurale,

la façon dont le mode d’organisation de signes dans un document engendre une

signification déterminée (le carré

sémiotique ou le schéma narratif sont des exemples de modèles d’analyses)

Logique structurale

Tableau 24. Les différentes techniques d’analyse (adapté de Caumont, 1998)

Selon Wacheux (1996, p.236), qu’elles soient manuelles ou informatisées, ces techniques ne peuvent pas être considérées comme des instruments d’une connaissance objective : « aucune

technique ne pourra produire une connaissance positive sur une réalité construite à partir d’un discours spécifique et d’une logique propre aux acteurs. L’analyse de contenu ne conduit qu’à la recherche du sens que les acteurs spécifient par leurs mots et leurs actes ». C’est ce que soutient

Allix-Desfautaux (1995) lorsqu’il avance que la validité des recherches qualitatives dépend avant tout de la valeur des chercheurs plus que de la technique au sens étroit du terme.

De façon générale, et après avoir retranscrit intégralement les contenus des discours, l’analyse de contenu revient à découper le texte en unités d’analyse de base, à regrouper ces unités en catégories homogènes et exhaustives, puis à comptabiliser selon des règles préétablies leurs fréquences d’apparition (Evrard, Pras et Roux, 2000). L’analyse se déroule donc en trois phases : la préanalyse, la codification, l’inférence et l’interprétation des résultats (Bardin, 1977 ; Wacheux, 1996 ; Allard-Poesi, Drucker-Godard et Ehlinger, 1999, Caumont, 1998 ; Miles et Huberman, 2003 ; Hlady-Rispal, 2002).

Pour terminer, il convient de préciser que le traitement des données de nos entretiens semi-directifs, menés auprès de personnes au siège JCDecaux en France, à la région Moyen Orient et en filiales, est réalisé essentiellement par une « analyse de contenu thématique » sous le logiciel Nvivo 11.

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1.2.2 Préanalyse

La constitution du corpus des données qualitatives, qui servira de base pour l’analyse de contenu, a été menée comme suit : une fois les données brutes du terrain fidèlement et intégralement retranscrites, nous passons à leur codage à l’aide du logiciel Nvivo 11.

Selon Miles et Huberman (2003), la transcription est un produit intelligible par tous, pas seulement par l’enquêteur ; elle peut être lue, codée et analysée suivant n’importe laquelle des méthodes d’analyse. Pour ce faire, il est préconisé au chercheur de s’atteler seul à cette tâche puisque lors de la phase de frappe, de nouvelles intuitions se font jour et peu d’erreurs d’écoute ou de retranscription sont observées (Hlady-Rispal, 2002).

Lors de la retranscription, nous avons veillé à ce que les notes prises pendant l’entrevue soient soigneusement restituées et que les contenus des discours enregistrés soient fidèlement retranscrits en intégrant les silences, les hésitations, les confirmations, les interventions de l’interviewer, les pauses, les sourires, les exclamations (« euh », « ben », « eee… »), etc. Pour ce qui concerne le seul entretien non enregistré, la retranscription s’est limitée aux notes manuscrites prises au cours de l’entretien.

Au terme de cette retranscription, les enregistrements de 5 heures et 36 minutes nous ont pris une semaine pour faire ressortir des verbatims d’environ 75 pages.

Ainsi et après nous être assuré des principes d’exhaustivité (tous les verbatims ont été pris en compte pour l’analyse de contenu sans exception), d’homogénéité (les verbatims ont été répartis par profil d’interviewé : Direction générale, Direction IT, autres directions) et de représentativité (les verbatims ont été classés selon leur degré d’importance au regard de justification de notre problématique et propositions de recherche), nous sommes passé à l’élaboration des fiches de synthèses au sens de Miles et Huberman (2003).

1.2.3 Codification sous Nvivo

D’après Allard-Poesi, Drucker-Godard et Ehlinger (1999, p.455), « le processus de codage

consiste à découper le contenu d’un discours ou d’un texte en unités d’analyses (mots, phrases, thèmes…) et à les intégrer au sein des catégories sélectionnées en fonction de l’objet de la recherche (l’étape de la catégorisation) ».

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Comme le soulignent Miles et Huberman (2003), dès que le chercheur commence à compiler les données, les défis se font jour, dont un des principaux émane du fait que la recherche qualitative fonctionne principalement avec des mots qui sont plus denses que les chiffres et possèdent généralement de nombreux sens. D’où, la clé pour sortir de cette impasse est de coder les divers discours retranscrits à travers la définition des unités d’analyse. Autrement dit, il s’agit de transformer les données textuelles brutes en éléments condensés résumant les caractéristiques pertinentes du contenu analysé (Caumont, 1998). C’est dans ce sens que la codification, d’après Miles et Huberman (2003, p.112), relève de l’analyse. Il s’agit « d’examiner une série de notes de

terrain, transcrites ou synthétisées, et les disséquer avec intelligence, tout en préservant intactes les relations entre les segments de données, constituent le cœur de l’analyse. Cette partie de l’analyse comprend la façon dont vous différenciez et combinez les données extraites et les réflexions que vous avez sur cette information ».

Les codes, qui prennent la forme des étiquettes désignant ces unités de signification (Miles et Huberman, 2003), sont habituellement attachés à des mots, au sens d’un mot ou d’un groupe de mots, à une phrase entière, à des morceaux de phrase de type « sujet/verbe/objet », ou encore à un ou des paragraphes (Weber, 1990). De façon générale, à partir de ces diverses unités d’analyse, le chercheur peut définir des unités syntaxiques (centrées sur les caractéristiques grammaticales), des unités lexicales (centrées sur le vocabulaire) ou encore des unités thématiques (centrées sur le sens) (Caumont, 1998).

Une fois les unités de significations repérées dans les textes des discours retranscrits, le chercheur passe à la seconde étape essentielle à l’analyse de contenu à savoir « la catégorisation ». D’après Hlady-Rispal (2002, p.146), une catégorie est « un mot ou une expression qui désigne, à un niveau

relativement élevé d’abstraction, un phénomène culturel, social ou psychologique tel que perceptible dans un corpus de données (Mucchielli et al., 1996) ». En ce sens, la catégorisation

permet de regrouper des unités d’analyse ayant des significations proches (synonymes ou à connotations équivalentes) ou des caractéristiques de forme commune (comme par exemple une catégorie « phrases affirmatives », une catégorie « verbe à la forme active », une catégorie « silence », etc.) (Allard-Poesi, Drucker-Godard et Ehlinger, 1999) au sein de rubriques d’importance différente (Hlady-Rispal, 2002).

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En ce qui nous concerne, la démarche de codification que nous avons adoptée se base totalement sur Nvivo. Le choix de Nvivo dans sa version 11 s’est imposé du fait de sa simplicité d’utilisation et de ses fonctionnalités particulièrement intuitives et adaptées à la recherche qualitative. Notons tout de même que l’utilisation d’un logiciel d’analyse des données n’exonère pas le chercheur de travailler sur ses données et ne garantit pas de fait la fiabilité de l’analyse.

Afin de profiter pleinement des possibilités graphiques et d’analyse sous Nvivo, notre démarche de codification s’est déroulée en cinq étapes :

- Etape 1_Création des sources : après retranscription sous Word des dix entretiens réalisés lors de la première phase exploratoire, ces entretiens ont été importés et enregistrés dans Nvivo et plus exactement dans la fonctionnalité « Sources ». En effet, ces entretiens constituent notre source principale d’informations.

- Etape 2_Création des cas et des caractéristiques du cas : nous avions construit sous Excel un tableau qui contient la liste des interviewés (une ligne par interviewé désigné par ses initiales). Les colonnes de ce tableau donnent un certain nombre d’informations concernant chaque interviewé : Niveau de l’organisation, Organisation (pour spécifier si l’interviewé est rattaché au Siege JCDecaux, à la Région Moyen Orient ou bien à une des filiales de la Région), Direction (dont l’interviewé fait partie), Statut (fonction occupée par l’interviewé), Age (pour connaitre la tranche d’Age de l’interviewé) et son sexe (Femme ou Homme). Ce tableau a été ensuite importé dans Nvivo permettant ainsi de disposer des cas (un cas = une interview) et des caractéristiques de cas (Niveau de l’organisation, statut…).

- Etape 3_Création des attributs : pour chaque cas (interviewé) dans Nvivo, des attributs ont été affectés selon la caractéristique en question. Exemple : Cas « A.K », Caractéristique « Direction », Attribut « Direction des ventes ».

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Figure 46. Cas, caractéristiques de cas et attributs sous Nvivo 11

- Etape 4_Encodage des entretiens avec les cas : Lors de cette phase, nous avions encodé chaque entretien importé dans « Sources » avec le « cas » qui lui correspond, ce qui nous a permis au final de disposer dans Nvivo d’une représentation en « cas » de nos 10 interviewés avec leurs caractéristiques et leurs discours qui constitueront par la suite la base de notre analyse.

Figure 47. Liaison Source - Cas sous Nvivo 11

- Etape 5_Encodage des entretiens en nœuds : Treize nœuds ont été créés sous Nvivo afin de réaliser une codification des verbatims. Onze nœuds (3 nœuds principaux et 8 nœuds secondaires) ont servi notre phase exploratoire.

Le choix des nœuds est fait suite à nos réflexions sur la manière optimale de traitement des verbatims avec deux objectifs indispensables :

o Arriver à affiner nos propositions de recherche et à avoir une première clé de compréhension de ces propositions.

Cas

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o En se basant sur les réponses collectées dans cette première phase d’entretiens, arriver à concevoir un guide d’entretien pertinent pour mieux servir notre analyse processuelle qui se déroulera en Phase 2 de notre étude.

Figure 48. Nœuds crées sous Nvivo 11 pour traiter les verbatims des 10 entretiens semi-directifs

Pendant cette première phase d’entretiens exploratoires, la création de nœuds sous Nvivo a été faite de façon à ce que chaque nœud apporte des premiers éléments de réponse à au moins une de nos quatre propositions de recherche identifiées dans la Partie II de cette thèse.

De ce fait chaque nœud répond majoritairement à une proposition (X dans le tableau 25) et contribue à la réponse aux autres propositions (X dans le tableau 25).

Tableau 25. Croisement entre nœuds et propositions de recherche – Phase 1

Noeuds principaux et secondaires Sources Références Proposition 1 Proposition 2 Proposition 3 Proposition 4

1. Influence mutuelle Propriétés structurelles de l'organisation – SI 10 10 X

1.1 Situation avant le SI Odex 2 3 X

2. Ajustement des fonctions du SI dans l'organisation 10 45 X X X

2.1 Fonction de Pilotage 10 11 X X X

2.2 Fonction de Coordination 10 11 X X X

2.3 Fonction de Contrôle 10 10 X X X

2.4 Fonction prédominante 8 9 X X

2.5 Autres fonctions du SI 4 4 X

3. La matérialité du SI et des pratiques des acteurs 10 24 X X

3.1 Interprétation de la technologie par l'homme 9 11 X X

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La proposition 1 « Les propriétés structurelles d’une organisation nécessitent une configuration singulière du SI » trouve des éléments de réponse dans le nœud principal 1 et dans le nœud secondaire 1.1 qui répondent à la perception des interviewés de l’interaction Organisation et SI, en prenant également le cas particulier du SI Odex qui a été le plus cité pendant les entretiens. La proposition 2 « Les trois fonctions du SI déterminent le design des organisations et ses évolutions possibles » trouve des éléments de réponse dans le nœud principal 2 et dans les nœuds secondaires 2.1 à 2.5 qui traitent des fonctions du SI, de leur prédominance et des éventuelles fonctions manquantes dans la littérature mais que nous retrouvons dans le monde professionnel. La proposition 3 « Les propriétés de la matérialité d’un SI agissent sur les pratiques des acteurs et sur leurs perceptions des fonctions contrôle, coordination et pilotage dans l’organisation » trouve des éléments de réponse dans les nœuds principaux 2 et 3 et dans les nœuds secondaires 2.1, 2.2, 2.3, 3.1 et 3.2 qui mettent en avant les pratiques des interviewés en termes de SI, les SI qu’ils utilisent ainsi que leurs interprétations des 3 principales fonctions du SI.

La proposition 4 « L’aspect de performativité renforce les fonctions de contrôle, pilotage et coordination du SI dans une organisation, en agissant sur les pratiques organisationnelles » trouve quelques éléments de réponse dans les nœuds principaux 2 et 3 et dans les nœuds secondaires 2.1, 2.2, 2.3, 2.4, 3.1 et 3.2 qui mettent en avant les pratiques et utilisations des SI par les interviewés et la dominance des fonctions de contrôle, pilotage et coordination.

1.2.4 Analyse qualitative du contenu

« Dans les méthodes qualitatives, l’analyse de contenu ne conduit qu’à la recherche du sens que

les acteurs spécifient par leurs mots et leurs actes. […] Les techniques (d’analyse) permettent de repérer les ‘‘bulles de sens’’, de les comprendre et de proposer une structure explicative d’ensemble […] L’analyse de sens procède donc, dans la pratique, d’un double processus, apparemment contradictoires. D’une part, le repérage des bulles réduit les données à des signifiants. Le discours est codé pour être catégorisé. D’autre part, l’inférence l’enrichit par une explication. Ce deuxième mouvement est une extension » (Wacheux, 1996 ; p.236). Comme le

décrit si bien Wacheux, une fois les textes de discours codés et catégorisés, le chercheur passe à l’analyse de « sens » que les professionnels donnent à leurs actes. L’idée est que chaque texte, dans sa singularité, est porteur de thèmes empiriques (Hlady-Rispal, 2002) à partir desquels le chercheur pourra inférer un ensemble d’interprétations susceptibles de nourrir aussi bien la compréhension du phénomène étudié que sa construction explicative.

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Il importe de préciser que l’ensemble d’interprétations que nous avons pu inférer à partir de notre corpus empirique était le résultat d’une analyse de contenu essentiellement « qualitative ». Selon Allard-Poesi, Drucker-Godard et Ehlinger (1999), l’objectif d’une analyse qualitative du contenu est alors d’apprécier l’importance des thèmes dans le discours plutôt que de la mesurer.

En fait, l’analyse qualitative permet au chercheur d’interpréter la présence ou l’absence d’une catégorie donnée en tenant compte du contexte où le discours a été tenu, d’étudier les unités d’analyse dans leur contexte afin de comprendre comment celles-ci sont utilisées ainsi que de formaliser les relations entre les différents thèmes contenus dans un discours afin d’en déduire la structure (Allard-Poesi, Drucker-Godard et Ehlinger, 1999).

Afin de mener à bien notre analyse et rendre facile la lecture et l’interprétation des textes de discours, nous nous sommes aidés de « matrices » de présentation croisant les thèmes avec les points de vue des interviewés (Métier, Informatique et Direction Générale).

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