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Dans le contexte des comorbidités de la chirurgie du creux axillaire, la procédure chirurgicale accompagnée par la technique du lymphonœud sentinelle (SLN) a parfois

été présentée comme le Graal qui rangera le lymphœdème secondaire au musée

pathologique.

Figure 36 : Dessin situant la projection des trois niveaux de Berg. Source:Saito 2007

L’ensemble des publications convergent et démontrent que cette procédure chirurgicale ciblée et plus respectueuse du creux axillaire, a très significativement réduit l’occurrence des BCRL.

(Sener et al., 2001) rapportent dans leur expérience clinique une incidence de 3% de BCRL après chirurgie par SNL.

A nouveau, comme déjà illustré dans le paragraphe concernant l’incidence du BCRL, les critères qui définissent la présence d’un œdème sont très variables selon les études, et les délais entre la chirurgie et l’évaluation de la présence du lymphœdème le sont tout autant.

Selon les équipes chirurgicales, le taux de BCRL diffère de 0,2 à 12% avec une augmentation à 15% si les patients sont évalués après 3 ans (Verry et al., 2012). Quels peuvent être les éléments qui concourent à la persistance de la survenue de BCRL malgré l’application de la technique du SNL ?

La technique du lymphonœud sentinelle a vu le jour il y a plus de vingt ans, diffusée par Morton et al. (1992) dans les cas de mélanomes et ensuite par Haigh et al. (2000) dans le cadre des tumeurs du sein.

Elle se base sur le postulat qu’un territoire anatomique donné se draine dans un premier lymphonœud : le lymphonœud sentinelle.

Ensuite, la lymphe quitte ce premier lymphonœud par son collecteur lymphatique

efférent qui rejoint les lymphonœuds suivants situés en cascades organisées en série et en parallèle.

Le lymphonœud sentinelle est donc celui qui théoriquement reçoit en premier la

lymphe et donc s’il échait, les métastases de la région tumorale.

La technique permet de minimiser l’adénectomie, et donc l’agression du creux axillaire. La chirurgie ne revêt plus un caractère curatif, mais seulement diagnostique, puisqu’un seul, ou au plus, trois lymphonœuds, sont prélevés du creux axillaire.

Ce concept diagnostique est devenu le gold standard en matière de repérage des lymphonœuds et de stadiation de la maladie oncologique, avec un taux de faux négatifs égal ou inférieur à 5,5% (Blanchard et al., 2003; Verry et al., 2012). Des recommandations actualisées indiquent aux chirurgiens les critères d’éligibilité (Lyman et al., 2014).

Des raisons techniques peropératoires impliquent parfois que le lymphonœud

partie inférieure de la lame cellulo-adipeuse. L’analyse histologique déterminera combien de lymphonœuds auront été prélevés et leur situation oncologique.

La technique du SNL est généralement réalisée à l’aide de traceur radioactif, mais certaines équipes travaillent encore avec un colorant vital appelé « Patent Blue ». Ce

colorant bleu qui marque les vaisseaux lymphatiques et les lymphonœuds peut

déclencher des fortes réactions allergiques (Mullan et al., 2001; Quiney et al., 2003) qui altèrent le creux axillaire.

La technique du SNL par lymphoscintigraphie isotopique s’opère par un médecin

nucléariste qui injecte la veille de l’intervention en péri-aréolaire ou en péri-tumoral un

radio-colloïde composé d’albumine humaine marquée avec un radio-isotope -

généralement du Te99m.

Les radio-colloïdes sont phagocytés par les macrophages, très nombreux dans les lymphonœuds, d’autant plus si des métastases y résident. Le lymphonœud devient

donc radioactif et repérable à l’aide d’une sonde Geiger durant le temps opératoire.

Son exérèse est suivie d’une analyse immédiate. Les modalités diffèrent, mais

généralement le lymphonœud est coupé en deux dans le sens du grand et du petit

diamètre, ensuite une coloration à l’hématoxyline et à l’éosine permet de mettre en

évidence les éventuelles métastases.

Ces deux dernières années, des équipes chirurgicales tentent de substituer le marqueur radioactif par un marqueur à fluorescences (Hirche et al., 2010). Ils injectent en lieu et place du radio-colloïde, du vert d’Indocyanine diluée dans de l’eau purifiée. Cette solution injectée en sous-cutané se lie rapidement à l’albumine locale contenue dans les tissus et pénètre dans les vaisseaux lymphatiques du site d’injection. Une caméra particulière équipée de diodes infrarouges excite le complexe Indocyanine-Albumine qui émet des photons dont la longueur d’onde les rend fluorescents et reste dans le spectre infrarouge proche. L’optique muni de filtres permet de visualiser en temps réel les vaisseaux lymphatiques sous-cutanés qui quittent le site d’injection ainsi que les lymphonœuds qu’ils rejoignent. Cette approche, encore en cours de validation par rapport au Gold standard que constitue la lymphoscintigraphie, ouvre des

perspectives encourageantes en matière de d’incidence de BCRL. En effet, les

structures lymphatiques sous-cutanées sont visibles sans inciser la peau, la position du SNL se voit au travers de la peau avant d’inciser. Cette information visuelle permet

au chirurgien de limiter l’incision cutanée et donc les altérations du creux axillaire au

strict minimum pour prélever le lymphonœud sentinelle.

Depuis quelques années, les chirurgiens soucieux de tout mettre en œuvre pour éviter les BCRL, procèdent au marquage préopératoire des vaisseaux lymphatiques du membre supérieur avec un traceur différent de celui utilisé pour le marquage du SNL.

Cette méthode permet de différencier en peropératoire les lymphonœuds partagés par le membre supérieur et le sein, ainsi que les lymphonœuds exclusifs du sein ou du membre supérieur. Elle est appelée « reverse mapping ».

Les équipes qui pratiquent le reverse mapping indiquent que les plus gros lymphonœuds qui se trouvent à la base de la pyramide axillaire reçoivent à la fois de nombreux collecteurs du bras et du sein (Ikeda et al., 2012),(Noguchi et al., 2010). Si l’un de ces gros lymphonœuds est le lymphonœud sentinelle, on peut comprendre pourquoi l’excision d’un seul lymphonœud peut induire à terme un lymphœdème. Dans ce cas l’axe axillaire n’est pas entrepris, mais le capital lymphatique peut être suffisamment entamé pour déséquilibrer la balance locale des fluides et générer un BCRL

La notion de micro-métastase est aussi un facteur qui explique pourquoi certaines équipes entament plus le creux axillaire que d’autres. Entre 0.2 et 2mm une métastase est considérée comme une micro-métastase, au-delà de ces dimensions le lymphonœud est considéré positif et entraîne le curage axillaire partiel.

Cette notion de micro-métastase n’est pas anodine. En effet, certaines équipes

considèrent le lymphonœud positif, même s’il n’y a été identifié que des

micro-métastases et procèdent dans ce cas à l’adénectomie du creux axillaire (curage partiel) (Kuijt, 2014). Bien que la patiente ait subi dans ce cas un curage partiel - si le lymphonœud micro-métastatique a été repéré à l’aide de la technique du SNL – certaines équipes la catégorisent malgré tout dans les séries « lymphonœud sentinelle ». Elle est donc considérée pour les études épidémiologiques comme ayant

bénéficié de la technique du lymphonœud sentinelle, alors qu’elle devrait être

catégorisée parmi les curages partiels du creux axillaire et donc à plus haut risque de développer un BCRL. Ce biais méthodologique peut expliquer les variations d’incidence de BCRL citées plus haut.

Le KCE recommande de ne pas procéder à l’adénectomie si seuls des

micro-métastases sont présentes dans le lymphonœud sentinelle (KCE, 2013). Il précise que le curage axillaire n’est pas recommandé en cas de cellules tumorales isolées ou si

moins de 3 ganglions sentinelles sont envahis par des micro-métastases (moins de

2mm). Dans ces cas, le risque que d’autres ganglions lymphatiques situés plus en aval

contiennent des cellules cancéreuses est très faible et un curage des ganglions lymphatiques axillaires n’augmenterait pas les chances de survie des patientes. La survenue de BCRL devrait à terme encore diminuer dans le groupe des patientes éligibles pour cette procédure.

Néanmoins, dans les situations où la malignité des lymphonœuds prélevés le requiert, le chirurgien enlève les lymphonœuds par paliers successifs pour atteindre, si besoin,

autour de laquelle se situe la chaîne lymphonodale axillaire la plus élevée dans la pyramide axillaire. Elle reçoit la quasi-totalité10 de la lymphe provenant du membre supérieur et de la paroi du tronc via les chaînes lymphonodales suivantes : mammaire externe, thoracique superficielle et sous-scapulaire.

L’exérèse de la chaîne lymphonodale axillaire complète l’adénectomie du creux axillaire, dans ce cas on parle de curage complet.

Notons que deux voies lymphatiques ne sont théoriquement pas lésées par la chirurgie, déjà citées en 1948 par le chirurgien Macdonald (Macdonald, 1948),elles seront décrites dans le chapitre consacré à l’anatomie descriptive.

En conclusion de cette section relative à la technique du SNL, nous pouvons comprendre que le terme lymphonœud « sentinelle » doit être mis en perspective avec l’ensemble de l’acte chirurgical, vu que…

• Plus d’un lymphonœud peut être prélevé.

• La largeur de l’incision peut léser des collecteurs superficiels du membre supérieur (fig.37).

• La courbe d’apprentissage du chirurgien détermine la précision de ses gestes et donc la préservation plus ou moins

importante des tissus ; parce qu’en

cours d’intervention, la situation

oncologique du/des lymphonœuds

prélevés impose parfois au chirurgien de

dépasser le seul prélèvement

diagnostique vers une curage parfois extensif.

Tous ces éléments concourent à ce qu’une patiente dont le dossier indique qu’elle a bénéficié d’une adénectomie par la technique du lymphonœud sentinelle, doit malgré tout être considérée à risque de développer un BCRL.

10 Deux voies lymphatiques issues du membre supérieur ne convergent pas vers le creux axillaire,

Figure 37 : Patiente ayant bénéficié d’une procédure par lymphonœud sentinelle. Un seul lymphonœud a été prélevé. La patiente a développé un lymphœdème et un web syndrome dans les semaines qui ont suivi l’intervention. Le trait d’incision a sectionné plusieurs collecteurs lymphatiques sous-cutanés qui

convergeaient exactement en regard du trait d’incision. Situation clinique objectivée par lymphofluoroscopie. Clinique de Lymphologie de Bruxelles. JP Belgrado, L. Vandermeeren.

Les examens relatifs à la recherche d’une implication de la veine axillaire dans la genèse du BCRL chez ces patientes sont justifiés.