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Les mécanismes d’action, tant physiologiques que mécaniques des BMC, qui

conduisent à la réduction du lymphœdème, restent mal compris (Bergan et al., 2014). La seule notion de pression sous le bandage est tellement complexe qu’un congrès annuel y est consacré par l’International Compression Club. L’Union Internationale de Phlébologie publie régulièrement un document consensuel dans lequel les bonnes pratiques des BMC sont discutées (Lee et al., 2013; Lee et al., 2016).

Les auteurs dont le chef de file, H. Partsch, s’accordent pour attribuer aux BMC la propriété de limiter la filtration des régions couvertes par le bandage, affirment que la pose d’un BMC sur les membres inférieurs, augmente la pression hydrostatique interstitielle, rapproche les parois veineuses, limitant à la fois la filtration et augmentant la vitesse de déplacement du sang dans le réseau restant disponible. Il indique que le diamètre de la veine fémorale est augmenté (Partsch, 2014)

Les deux études préliminaires que nous avons conduites sur le port du bandage multi-composants du membre supérieur, nous ont confirmé que le diamètre de la veine axillaire augmente significativement lorsque qu’un BMC est placé. La différence des diamètres avant et pendant le port du bandage est majeure chez les patientes atteintes d’un BCRL.

Ceci nous a conforté dans le fait qu’il ne s’agit chez ces patientes, ni de thrombose

occulte, ni d’un épaississement tel des parois veineuses que le diamètre en est

définitivement réduit.

Le fait de mettre en évidence que le diamètre de la veine axillaire de ces patientes augmente sous BMC, nous donne deux informations précieuses : la première, étant qu’un potentiel d’augmentation du diamètre, et donc d’amélioration de l’hémodynamique existe ; la deuxième étant que, vu que la différence de diamètre est plus grande chez les patientes, cela suggère que le diamètre de la veine axillaire diminue chez ces patientes. Cette observation conforte notre thèse d’une modification de la géométrie de veine axillaire portant à la réduction du diamètre dans la position bras ballant.

Nous constatons aussi que les patientes, qui présentent les signes cliniques du lymphœdème à composante veineuse, comme nous les avons décrits, voient leur œdème se réduire de manière très rapide lorsqu’elles portent un BMC. Alors que les patientes qui ont un œdème très dense sans les signes cliniques veineux, réagissent beaucoup plus lentement au BMC.

Par ailleurs, comme nous l’avons montré dans une étude chez des patientes, la température cutanée sous le BMC augmente de l’ordre de 4°C.(Belgrado et al., 2006). Nous pensons que cette augmentation de température agit vraisemblablement sur les

propriétés physico-chimiques des composantes de l’œdème, en hydrolysant

partiellement le collagène de la matrice extracellulaire qui piège l’eau de l’œdème. L’eau et le collagène libérés peuvent être évacués de l’œdème, soit par les parties du réseau lymphatique encore fonctionnel, soit par remontée au travers de l’interstitium jusqu’à atteindre une région où le système lymphatique est suffisamment fonctionnel. Nous avons régulièrement été intrigués par l’imagerie lymphoscintigraphique de ces

lymphonœuds radioactifs dans le creux axillaire et l’espace rétro-claviculaire. L’anatomie des collecteurs lymphatiques que nous avons détaillée dans l’état de l’art, nous donne une partie de la réponse, à savoir que la voie de Ciucci, et de Mascagni drainent la main et les fluides qui accèdent directement vers des lymphonœuds rétro-claviculaires et les chaînes cervicales. Des lymphonœuds axillaires peuvent aussi ne pas avoir été enlevés durant le curage, particulièrement ceux qui sont situés derrière et au-dessus de la gaine axillaire.

En tout état de cause, ces examens démontrent que ces patientes ont une insuffisance relative du drainage lymphatique. Etant donné la visualisation de quelques lymphonœuds, on peut conclure qu’il leur reste un potentiel de transport lymphatique. L’œdème étant présent, les nucléaristes concluent que ce potentiel n’est pas suffisant pour drainer la lymphe produite, ce qui justifie la présence de l’œdème.

En prenant ces conclusions au pied de la lettre, nous pourrions baisser les bras face à l’œdème, puisque nous savons que le système lymphatique ne se régénère pas ad integrum.

Si nous constatons, grâce à la lymphoscintigraphie, qu’il reste des lymphonœuds

fonctionnels et que le BCRL de la patiente est en partie la conséquence d’une

hyperfiltration due à une réduction de l’hémodynamique de la veine axillaire, alors, compte tenu des propriétés des BMC, il est justifié de proposer aux patientes de porter régulièrement un BMC. D’une part, en limitant la filtration, la production de lymphe est réduite (Scallan et al., 2010; Van der Linden, 1996), d’autre part, comme le BMC est placé de manière à créer un gradient de pression entre la distalité et la racine du membre, la vitesse du sang veineux est augmentée et la pression augmente aussi dans la veine axillaire (d’autant plus si elle est rétrécie par le collabement partiel lié à son l’affaissement relatif ), la pression transmurale augmente ce qui tend à corriger la géométrie par une augmentation du diamètre et donc à faciliter le passage du sang.

Nous pouvons supputer que la sollicitation régulière de la veine en augmente progressivement le diamètre par les phénomènes liés à la production des facteurs de croissance vasculaire. Si le débit de la veine axillaire est malgré tout insuffisant mais que des collatérales se sont développées, la sollicitation importante de ces veines suppléantes peut progressivement en améliorer le débit et par conséquent réduire à terme l’hyperfiltration aux distalités. Ici nous dépassons le cadre du vérifiable à court

Les fluides de l’interstitium retournent à la circulation exclusivement par le système lymphatique (Woodcock et al., 2012). Si le potentiel lymphatique restant suffit à évacuer la lymphe produite en moindre quantité par la présence du BMC, alors l’œdème peut régresser et se stabiliser.

Nous pensons que ce raisonnement peut expliquer pourquoi certaines patientes qui ont un BCRL qualifié de lymphatique, mais qui montrent les signes cliniques d’une composante veineuse, voient leur œdème se réduire sous BMC, parfois en quelques heures.

La lymphe étant produite en permanence et chaque situation d’équilibre étant

différente tant d’un point de vue physiopathologique que social et psychologique, il est nécessaire de trouver la bonne durée de traitement pour chaque patiente.

Seul un bandage réglable pourvu de capteurs de pressions à l’interface

peau/bandage14 permettra de calibrer individuellement les traitements et de ne pas imposer le port des BMC 24h/24h, comme enseigné dans la plupart des formations.

Le port permanent d’un BMC dans la phase de réduction d’un œdème constitue une épreuve d’inconfort important. Sachant que la pression à l’interface peau/bandage chute de 50% après une demi-heure et de 100% après 4 heures, il nous paraît éthiquement incorrect d’imposer le port d’un BMC plus que 24H sans le réarmer ou le

changer, étant donné qu’après 4 heures de port de bandage, l’œdème ne se réduit

plus.

Pour toutes les argumentations discutées ci-dessus, nous conseillons aux patientes dont le lymphœdème a une composante veineuse significative, de suivre une éducation thérapeutique leur permettant de placer elle-même le bandage le plus

14 Note : Grâce à des fonds d’INNOVIRIS, le soutien des collègues, l’aide de l’Université et surtout de la collaboration étroite avec JB Valsamis , Ingénieur PhD, un tel bandage connecté est actuellement à l’essai dans la Clinique de Lymphologie de Bruxelles et constitue le produit d’une Start-Up issue de

fréquemment possible, dans la mesure du socialement et psychologiquement acceptable.

Cette implication personnelle dans le traitement permettra de pouvoir maintenir une qualité de vie par autonomisation tout en maintenant l’œdème au plus bas volume. Entre les sessions de BMC, comme préconisé dans les consensus Internationaux (International, 2009; Lee et al., 2016; Lymphoedema-Framework), une contention élastique portée aussi souvent que possible, devrait pouvoir réduire, mais dans une moindre mesure, la production de lymphe. L’expérience clinique nous montre que ces contentions élastiques sont souvent mal vécues par les patientes et sont parfois difficile à adapter à la géométrie spécifique du membre.

Pour clore ce paragraphe de discussion autour du BMC chez les patientes affectées d’un BCRL avec une composante veineuse axillaire, nous voudrions relever que : sachant que l’activité physique augmente la production de lymphe, il paraîtrait logique de déconseiller à ces patientes de pratiquer une activité physique qui sollicite le membre affecté. Il existe peu de littérature à ce propos et elle est controversée. Les études pêchent souvent par l’imprécision de la méthode et des appareils de mesure. D’une part, il existe une école ancienne qui argumente, parfois de manière démesurée, l’abstinence d’activité physique et d’autre part une école qui, au contraire, prône une activité physique régulière soutenant qu’elle réduirait l’œdème et l’inconfort qu’il produit. Pour notre part, nous constatons en routine clinique que les patientes actives se portent mieux que les sédentaires. Nous pourrions penser que l’activité physique par ses plus grandes variations d’amplitude thoracique favorise le retour veineux du bras améliorant ainsi l’hémodynamique dans la veine axillaire.

Nous nous chercherons dans les prochains travaux de répondre à la question s’il est utile de porter un BMC durant les activités physiques qui sollicitent les membres supérieurs.

Nous savons à présent que la position d’adduction statique du bras est défavorable.

Une activité physique qui se déroule, les bras en adduction, comme le jogging ou en abduction comme dans la marche nordique, ont elle une influence différente sur l’œdème.

ORGANISATION GEOMETRIQUE DE L’ARBRE VEINEUX DANS LE