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Une part importante des mines de fer du bassin lorrain a été exploitée par la méthode dite

« des chambres et piliers ». Elle consiste à extraire le minerai en laissant des piliers destinés à

maintenir le recouvrement (fig.8). Le domaine d’application de cette méthode concerne des

pendages de 0° à 15°.

Recouvrement

Couches

exploitées

Pilier

Intercalaire entre

les couches

exploitées Chambre

Figure 8 : Schéma d’une exploitation par chambres et piliers

Du point de vue du comportement à long terme des terrains, cette méthode d’exploitation peut

être classée en deux catégories en fonction du traitement des vides laissés par l’extraction :

− les exploitations partielles,

− les exploitations totales.

3.1- Les exploitations partielles

En dehors des considérations techniques et économiques, les exploitations partielles ont, en

général, été menées lorsqu’il fallait protéger la surface pendant l’exploitation aboutissant à la

création de stots de protection de villes, villages et d’infrastructures sensibles. En effet, pour

préserver les habitations, le service des mines du bassin lorrain avait imposé une extraction

partielle du minerai sous les villes et villages. La mise en œuvre de cette méthode d’exploitation

comporte généralement deux phases :

− un découpage de panneaux qui consiste à creuser, à partir de galeries

d’infrastructures, nommées « principales », des galeries « secondaires » et « tertiaires »

délimitant des panneaux plus ou moins rectangulaires. A ce stade, le taux de

défruitement est extrêmement faible, de l’ordre de 10% (fig.9a),

− ensuite on creuse, à l’intérieur d’un panneau, un faisceau de galeries parallèles : les

chambres, délimitant des massifs résiduels correspondant aux piliers (fig.9b).

Généralement à ce moment le taux de défruitement dépasse les 30%. Il dépasse même

les 50% pour les exploitations anciennes dans les mines de fer en Lorraine,

Piliers

Panneaux

(a) (b)

Figure 9 : Principales phases d’une exploitation partielle (Elshayeb, 2000)

Les piliers qui restent en place supportent ainsi l’ensemble du recouvrement jusqu’au jour et

protègent la surface. Dans ce cas, se pose le problème de la stabilité à long terme de ces

chambres et des conséquences éventuelles en surface de leur instabilité.

3.2- Les exploitations totales

Lorsque les piliers sont récupérés ou torpillés à la fin de l’exploitation (dépilage), on obtient une

exploitation dite totale. On pousse alors à l’extrême les creusements successifs de galeries

entrecroisées pour aboutir à l’abattage total du minerai en place, d’où l’appellation totale.

Cette phase de dépilage consiste à abattre progressivement le minerai des piliers résiduels en

opérant par tranches successives, en creusant des « recoupes », à l’abri de « rideaux » de

protection, lesquels sont ensuite « refendus ». Les derniers piliers résiduels encore appelés

« quilles », à cause de leur petite taille, sont alors « amaigris » puis « torpillés ». Ce torpillage

provoque alors l’effondrement total des terrains situés au dessus de la couche exploitée : c’est

le foudroyage (fig.10). A ce niveau final, le taux de défruitement atteint donc 100%, il n’y a plus

en théorie de piliers résiduels. En pratique, cette méthode a permis, à partir des années 1950,

de récupérer de 80 à 85% du minerai. Les 20 à 15% restants correspondent aux « quilles »

torpillées qui ne peuvent être récupérées.

Front de

dépilage

Figure 10 : Dépilage en vue de l’exploitation totale (Elshayeb, 2000)

Signalons enfin que cette méthode d’exploitation totale est propre aux gisements sédimentaires

à faible profondeur (moins de 300 m).

3.3- La fin des exploitations et état actuel

C’est au cours de l’année 1997 que les dernières exploitations de fer de la société Lormines

cessèrent. Bien avant cette fermeture, l’abandon de l’exploitation des mines s’accompagna de

nombreux problèmes à la fois environnementaux, techniques, juridiques et culturels. De plus

l’arrêt de ces exploitations impliqua l’arrêt des pompages d’exhaure entraînant l’ennoyage

progressif du réseau de galeries et de la base des calcaires aquifères du Dogger dans le

bassin centre et sud. Des affaissements miniers concomitants à l’ennoyage ont pu être

constatés. C’est le cas de l’affaissement d’Auboué (1996) où l’amplitude verticale de

l’affaissement du sol a atteint par endroit deux mètres. Les villes de Moutiers (1997) ainsi que

celles de Moyeuvre-Grande (1999) et de Roncourt (1998,1999) ont connu des désordres

analogues entraînant comme dégâts des maisons lézardées, des chaussées déformées ou

des ruptures de conduites enterrées.

Le déclenchement de ces phénomènes a coïncidé avec le moment où le niveau de l’eau, lors

de sa remontée, atteint le toit des anciennes galeries. Suite aux accidents observés, l’ennoyage

du bassin nord a fait l’objet d’un report. Initialement, l’ennoyage de quatorze concessions de la

société Arbed avait été autorisé par le préfet à partir du 1

er

Novembre 2002. Cependant une

expertise internationale mandatée en 2001, pour étudier l’avenir des exploitations minières,

souligne dans son rapport du 23 Novembre 2001 que :

« - Les conséquences de l’arrêt des travaux miniers du bassin nord impliqueront deux difficultés

majeures concernant la stabilité du sol dans certains secteurs et les impacts sur les systèmes

hydrologiques et hydrogéologiques environnants ;

il existe des problèmes de stabilité du sol, actuellement en cours d’étude, qui est

susceptibles de provoquer, d’une part, des effondrements brutaux ou rapides pouvant

induire des risques pour la sécurité des personnes et, d’autre part, des affaissements

pouvant menacer les biens ;

il en résulte que ces questions de sécurité portant sur la stabilité du sol, […] sont

prioritaires quelle que soit la solution retenue pour ce qui concerne l’exhaure et que le

début de l’ennoyage ne peut être envisagé qu’après qu’elles aient trouvé une solution. »

Des problèmes d’urbanisation se posent également concernant l’autorisation à la délivrance de

permis de construire. Le 5 mai 2003, le ministre délégué à l’industrie décide donc de « geler

l’urbanisation dans les secteurs affectés par les risques d’affaissements miniers. L’existence

d’un risque potentiel a en effet conduit l’Etat à émettre des avis défavorables lors de la délivrance

des permis de construire, par application de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme. »

Fermées ou abandonnées, les anciennes mines représentent donc un réel danger. Les enjeux

futurs et les questions majeures sont alors :

− Comment assurer la sécurité des personnes ?

− Comment gérer les effets potentiels sur l’occupation de la surface (bâti, routes, voies

ferrées, gazoducs, usines …) dans un souci de préservation de l’existant mais

également d’aménagement du territoire (constructibilité) ?

− Comment gérer l’impact environnemental ?

Pour répondre à ces attentes nouvelles, des investigations scientifiques sont nécessaires. Cela

a justifié la création du GISOS (Groupement d’intérêt scientifique sur l’Impact et la Sécurité des

Ouvrages Souterrains) en 1999. Il regroupe le Bureau de Recherches Géologiques et Minières

(BRGM), l’Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques (INERIS), l’Institut

National Polytechnique de Lorraine (INPL) et l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris

(ENSPM). Trois axes de recherche ont été définis dont les objectifs sont de mieux comprendre

et modéliser les phénomènes élémentaires en jeu. Les différents mécanismes, qui peuvent

intervenir et interagir, sont analysés afin de prédire et de prévenir les conséquences techniques,

socio-économiques et en terme de sécurité publique. Ces recherches mettent en oeuvre des

travaux de terrain, des essais en laboratoire, des rétroanalyses d’événements, de l’analyse de

données, des travaux de modélisation et des expérimentations in situ.

Le GISOS tente donc de répondre aux questions principales qui se posent actuellement dans

le bassin ferrifère lorrain :

− Quel est l’état actuel des anciennes exploitations minières ?

− Quel est le devenir à long terme de ces exploitations ?

− Quelles sont les conséquences en surface des effondrements au fond ?

− Quelle est l’évolution de la qualité de l’eau souterraine et quels sont les risques liés aux

gaz de mine, lors de l’ennoyage des exploitations ?

− Comment gérer le risque lié à l’après-mine de fer ?

Le travail de recherche, présenté dans ce mémoire, tente d’apporter des réponses à la

deuxième question et en particulier de comprendre le rôle que pourrait jouer la couverture et la

géomorphologie dans les affaissements et effondrements.