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Les contraintes in situ en milieu à topographie complexe

2.1- Généralités sur les régimes de contraintes in situ

Contrairement aux matériaux artificiels comme le béton ou l’acier, les matériaux naturels

comme les sols ou les roches sont soumis à un état de contrainte naturel appelé aussi

contraintes in situ. La connaissance de cet état de contrainte est d’une importance capitale

dans tous les problèmes de distributions de contraintes que ce soit dans le domaine du génie

civil ou minier. En effet, la contrainte in situdétermine l’orientation et l’amplitude des contraintes

autour des excavations souterraines comme les tunnels ou les mines. Ainsi la connaissance de

cet état de contrainte est nécessaire à la modélisation et à l’exécution correcte des travaux.

En somme la connaissance de la répartition des contraintes dans un massif rocheux est un

problème complexe, comportant une variabilité spatiale forte, influencé par de nombreux

paramètres. Il est le résultat final d’une série d’évènements géologiques et anthropiques

comme décrit par Amadei & Stephanson (fig.1).

Contraintes dans le massif

Naturelles (in situ) Induites (excavation, extraction …)

Figure 1 : Origine des contraintes in situ dans un massif rocheux

Comme il est mentionné sur la figure 1, un des facteurs majeurs jouant sur la distribution des

contraintes dans un massif est la topographie. Les interrogations sont alors multiples :

− comment se comportent les contraintes à l’approche d’une montagne ou d’une vallée ?

− l’anisotropie des couches joue-t-elle un rôle dans ce type de situation ?

− que se passe-t-il lorsque le relief est symétrique ou asymétrique ?

− quelles sont les conséquences sur les contraintes lorsque ce relief est soumis à la fois à

une charge tectonique horizontale et à une charge gravitationnelle ?

De nombreux auteurs (Amadei, Savage, Swolfs, McTigue …) ont travaillé sur ces problèmes de

répartition de contraintes dans des milieux à topographie irrégulière et essentiellement à partir

d’élaboration de solutions analytiques.

2.2- Effet de la topographie sur les contraintes : solutions analytiques

L’hypothèse simpliste consistant à dire que les contraintes principales sont horizontales et

verticales suivant la profondeur n’est plus valable lorsque nous sommes en présence d’une

topographie non plane.

Considérons par exemple le cas d’un massif infini, isotrope et homogène présentant une

topographie complexe constituée de collines et de vallées (Amadei, 1997). La distribution et

l’orientation des contraintes, dans ce type de cas, sont présentées sur la figure 2.

Contraintes

gravitationnelles

(effet de la

topographie)

Contraintes

tectoniques

Contraintes terrestres

(variation saisonnière de

température, force de

Coriolis)

Contraintes

résiduelles

(diagenèse,

métamorphisme …)

Contraintes tectoniques actives

Contraintes tectoniques résiduelles

Figure 2 : Massif à topographie complexe présentant une succession de collines et vallées

La masse rocheuse est seulement soumise à l’effet de la gravité avec des déplacements

latéraux bloqués. Les conditions aux limites étant fixées comme une frontière libre, nous voyons

bien que les contraintes principales sont parallèles et normales à la surface. Avec la

profondeur, les contraintes principales prennent petit à petit la même direction que dans le cas

d’une surface extérieure horizontale.

Il est difficile de déterminer analytiquement les champs de contraintes in situ dans un massif

avec une topographie irrégulière en utilisant la théorie de l’élasticité. Ainsi de nombreuses

méthodes ont été développées afin de palier à ces difficultés.

Premièrement, Ling (1947) utilise la méthode des transformations conformes afin de déterminer

les contraintes dans un milieu continu, isotrope et élastique. Une deuxième méthode, dite de la

cartographie conforme, est proposée par Akhpatelov & Martirosyan (1971),

Ter-Martirosyan, Akhpatelov & Manvelyan (1974), Ter-Ter-Martirosyan, Akhpatelov (1972), Savage,

Swolfs & Powers (1985), Savage (1994) pour une charge gravitationnelle seulement, et par

Savage & Swolfs (1986) pour un chargement dû à la pesanteur et à la tectonique. Cette

méthode est restreinte au milieu isotrope bidimensionnel, et pour de faibles reliefs

topographiques pour lesquels la fonction de cartographie conforme peut être trouvée avec

exactitude. Une troisième approche, pour les milieux tri ou bidimensionnels isotropes, est la

méthode des perturbations, étudiée par McTigue & Mei (1981, 1987), McTigue & Stein (1984),

Srolovitz (1989), Gao (1991), et Liu & Zoback (1992). Liao, Savage & Amadei (1992) ont

développé la méthode des perturbations pour un problème à deux dimensions dans un cas

anisotrope. L’avantage de cette méthode est qu’elle peut s’adapter à n’importe quel type de

relief topographique. Cependant, la solution obtenue est restreinte aux reliefs topographiques

ayant une pente n’excédant pas 10%.

Ces trois méthodes montrent clairement que la topographie peut avoir un effet majeur sur la

magnitude et la distribution des contraintes in situ. Savage, Swolfs & Powers (1985) montrent

que l’expression des contraintes gravitationnelles, dans le cas de collines et vallées

symétriques et isotropes, dépend de la géométrie de la topographie et du coefficient de

Poisson de la roche. Il a été trouvé qu’une contrainte de compression horizontale non nulle

apparaît au niveau des collines et qu’une contrainte en traction se développe sous les vallées.

La contrainte en compression horizontale décroît au fur et à mesure que l’on se rapproche du

sommet de la colline. Les contraintes en traction sous les vallées deviennent compressives

avec l’augmentation du coefficient de Poisson. Par ailleurs, la région en traction sous la vallée

s’accroît latéralement quand la pente de la vallée est importante (fig.3). Savage, Swolfs &

Powers (1985) montrent également que lorsque la colline est assez étendue en surface, le

champ de contrainte est affecté beaucoup plus en profondeur.

Figure 3 : Contours de σ

1

/ρg|b| pour une pente de (a) 15°, (b) 30°, (c) 45° et (d) 90°. En rouge sont

figurées les limites de la zone en traction pour chaque cas (Savage, 1994).

De plus, comme il a été montré par Savage & Swolfs (1986), si l’on superpose l’effet d’une

contrainte en compression, équivalente à une contrainte tectonique horizontale, et d’une

contrainte gravitationnelle, on remarque une faible augmentation de la composante horizontale

de la contrainte en compression au niveau de la crête de la colline. Sous les vallées, cette

superposition engendre une diminution spatiale de la région en traction.

Enfin, McTigue & Mei (1981, 1987) et Liao, Savage & Amadei (1992) montrent que la

topographie affecte la distribution des contraintes gravitationnelles même dans des régions

ayant de faibles pentes. Liao, Savage & Amadei (1992) ont aussi déduit que la valeur de la

contrainte horizontale, dans les collines et les vallées orthotropes et isotropes transverses,

dépend fortement des propriétés élastiques de la roche et de l’orientation de ces éléments

constitutifs suivant la surface extérieure.

Le lecteur pourra se reporter à l’annexe C1 afin d’avoir le détail précis des calculs analytiques

menant à ces différents résultats.

L’ensemble des résultats obtenus à partir des raisonnements analytiques sont établis pour des

milieux à géométrie plus ou moins complexes. Les milieux sont considérés, dans tous les cas,

comme continus, élastiques et homogènes. Selon les auteurs, les propriétés mécaniques des

milieux peuvent être soit isotropes soit anisotropes. Ces calculs analytiques ne sont pas

appliqués à des milieux hétérogènes. Ils ne sont donc pas en mesure de nous renseigner sur la

répartition des contraintes dans un massif rocheux hétérogène constitué de n couches, aux

propriétés mécaniques différentes, et adoptant une loi de comportement élasto-plastique. Par

ailleurs, les milieux considérés sont continus. Ils ne prennent donc pas en compte et ne

reflètent pas le rôle des discontinuités interlits suite à la formation d’une vallée (plastification,

ouverture et/ou fermeture). Néanmoins, ils présentent l’avantage de ne pas être dépendants

des conditions aux limites et peuvent donc servir de référence pour nos futures modélisations

numériques, qui vont nous permettre de réaliser des calculs dans des conditions plus

complexes.