De nombreux mouvements de surface accidentels ont été observés dans le bassin ferrifère
Nord-Lorrain depuis le début du XX
èmesiècle à la suite de la ruine d’édifices souterrains. Ces
mouvements ont eu lieu pendant la phase de construction ou d’exploitation des mines mais
également pendant leur phase de post-exploitation. Ils peuvent se produire à très long terme,
sont mal connus et il est souvent impossible de dire actuellement s’ils sont susceptibles ou non
de se provoquer. Ils proviennent d’un mécanisme d’ensemble de pressions de terrain qui
concernent la quasi-totalité d’un secteur ou quartier d’exploitation.
Actuellement, on dénombre 16 mouvements de surface accidentels suffisamment documentés
et recensés historiquement, hors phénomène de fontis. On a distingué, après analyse de ces
mouvements, 8 affaissements progressifs et 8 effondrements brutaux :
Tableau 1 : Les principaux mouvements de surface accidentels
Affaissements progressifs Effondrements brutaux Fontis
Jarny 1949 Audun-le-Tiche 1902 Thil 1946
Auboué 1972 Escherange 1919 Thil 1957
Crusnes 1977 Sainte-Marie 1932 Moyeuvre-Grande 1998
Ville au Montois 1982 Moutiers 1940
Auboué (Coinville) 1996 Roncourt 1954
Auboué (rue de Metz) 1996 Roncourt 1959
Moutiers 1997 Rochonvillers 1973
Roncourt 1999 Rochonvillers 1974
Les mouvements de terrains observés sont donc de deux types : les affaissements progressifs
conduisant à plus ou moins brève échéance à des dégâts en surface, et les effondrements
brutaux entraînant instantanément des dégâts en surface sur plusieurs hectares et pouvant
causer des accidents mortels collectifs dus au souffle d’air expulsé des galeries.
de quelques mètres de rayon et quelques mètres de profondeur. Il fait suite à une dégradation
progressive de la voûte d’une galerie qui remonte peu à peu dans le recouvrement jusqu’à
percer au jour (fig. 11). Le fontis ne se produira pas si la galerie est suffisamment profonde car
le foisonnement des blocs du toit vient combler le vide avant qu’il n’atteigne la surface. Le
risque de fontis peut également être écarté si un banc épais et résistant arrête la dégradation
progressive.
Figure 11 : Illustration du phénomène de fontis
4.1- L’affaissement progressif
Il s’agit du tassement des terrains suite à la fermeture d’une cavité souterraine. L’affaissement
progressif (fig.12) se traduit par la formation en surface d’une cuvette de quelques dizaines à
quelques centaines de mètres de diamètre se mettant en place sur quelques heures voire
quelques mois. Au centre de la cuvette les terrains descendent verticalement. Sur les bords, les
terrains se mettent en pente avec un étirement sur les bords extérieurs (ouverture de fractures)
et un raccourcissement sur les bords intérieurs (apparition de bourrelets).
L’affaissement de surface est analogue à celui qui est volontairement produit par un dépilage
intégral. Il fait suite à la ruine de travaux miniers souterrains suffisamment étendus pour que les
effets remontent jusqu’en surface. Les abords de la cuvette d’affaissement débordent à la
verticale des travaux effondrés au fond. L’angle d’influence varie entre 10 et 35° selon
l’environnement de la zone au fond. Plus les travaux sont profonds, plus la cuvette
d’affaissement est étalée.
Figure 12 : (a) Illustration des mouvements de la surface des terrains et de la géométrie d’une cuvette
d’affaissement progressif (Deck, 2002) ; (b) Présentation de la cuvette d’affaissement de Roncourt
(GEODERIS) ; (c) Cuvette d’affaissement progressif (photo INERIS)
Les bâtiments en surface sont sensibles à la mise en pente des terrains ainsi qu’aux effets
d’extension dans la zone d’étirement et de compression dans la zone de raccourcissement.
Les effets sont d’autant plus élevés que l’amplitude de l’affaissement au centre de la cuvette
est grand et que la profondeur des travaux miniers est faible. Par ailleurs, les bâtiments sont
d’autant plus vulnérables qu’ils sont longs et élancés (Deck, 2002).
4.2- L’effondrement brutal
Dans certains cas, la ruine de l’édifice minier ne se fait pas progressivement. On observe
l’effondrement en bloc de l’ensemble des terrains compris entre le fond et la surface.
L’effondrement (fig.13) de la surface se produit alors de manière dynamique, en quelques
secondes provoquant un souffle d’air dévastateur dans les travaux du fond. Une forte secousse
sismique est ressentie. En surface, la cuvette présente un fond plat et des bords abrupts en
gradins. Des crevasses peuvent se former et atteignent, dans certains cas, 1 m d’ouverture.
Figure 13 : Représentation schématique d’un effondrement brutal
Plusieurs modèles relatifs au comportement du recouvrement ont été élaborés par divers
auteurs pour étudier les phénomènes ressentis à la surface et, plus particulièrement, ceux
consécutifs aux effondrements brutaux. Ces modèles ont permis à leurs auteurs d’énoncer un
certain nombre de mécanismes initiateurs conduisant, au stade final, à un effondrement brutal.
4.3- Mécanisme de rupture d’un effondrement brutal
Une analyse fine des huit effondrements brutaux historiques faite par Tincelin et Sinou (1962) a
montré qu’il existait des caractéristiques communes aux exploitations par chambres et piliers
ayant donné lieu à un effondrement brutal :
− Un taux de défruitement élevé
− Une ouverture d’exploitation importante ou multicouche avec intercalaire mince
− Des piliers petits et peu massifs
− Des sollicitations importantes dans les piliers
− Un toit immédiat « excellent et solide »
− La présence au voisinage du jour d’un banc dit « solide et raide »
De plus, ils signalent, qu’à l’aplomb de chacune des zones incriminées ou dans les environs
immédiats, la présence de carrières exploitant des pierres à bâtir, dans des bancs calcaires
épais (8 à 12 mètres) d’aspect massif et compact.
De même, Tincelin (1982) remarque que les cas d’effondrements brutaux se trouvaient, au jour,
en bordure ou au voisinage d’une vallée. En effet, à l’aplomb même du quartier effondré, on
avait ce qu’on pourrait appeler un plateau donnant une épaisseur de recouvrement. Mais au
voisinage immédiat de la zone effondrée, on notait l’existence de vallées qui parfois
permettaient d’accéder directement au gisement par les affleurements.
Il apparaît donc que la chute soudaine et brutale de l’ensemble du recouvrement, observée au
cours, des effondrements brutaux dans les mines de fer de Lorraine, ne peut avoir eu pour
origine l’écrasement de tous les piliers sur une grande surface à la fois.
Si l’on s’accorde pour dire que c’est effectivement ce qui doit se produire à la fin du processus
de rupture d’équilibre, il paraît néanmoins peu probable que ce soit la simple augmentation de
la charge sur les piliers qui, après avoir atteint leurs limites de rupture, provoque la chute du
toit. En effet, certains effondrements brutaux sont survenus dans des secteurs ayant subi des
surcharges dues notamment à des dépilages voisins, et on sait que dans ces cas, les piliers ne
sont pas tous chargés uniformément, donc qu’ils n’atteignent pas tous ensemble leur limite de
rupture.
En réalité, c’est donc le recouvrement lui-même qui a un rôle à jouer dans le mécanisme
d’effondrement brutal. La probabilité d’occurrence de tels accidents nécessite en fait
l’existence dans le recouvrement d’un ou plusieurs bancs résistants et rigides, suffisamment
épais qui déchargent les piliers en soutenant une part du poids des terrains qui les surmontent.
Tincelin (1962) et Maury (1979) envisagent alors deux types de mécanismes de rupture brutale
du recouvrement.
4.3.1- Rupture du recouvrement par délitage d’une dalle monolithique
Tincelin et Sinou (1962) supposent que le recouvrement ne subit quasiment aucunes
déformations tant que les piliers fournissent une réaction d’appui suffisante. Lorsque cette
réaction d’appui diminue, du fait du fluage ou du tassement des piliers, du toit immédiat ou du
mur, la flèche du recouvrement augmente, ainsi que les moments fléchissants dans celui-ci.
Les bancs du recouvrement participent alors à la solidité de l’édifice, et si les piliers lâchent, les
moments fléchissants et efforts tranchants compensent cette défaillance et viennent en aide
aux petits piliers.
Une telle zone peut alors apparaître comme parfaitement stable pendant de nombreuses
années, tant que le recouvrement se comporte comme une dalle monolithe.
Si l’on considère un frottement φ entre ces bancs, il n’y a pas de glissement tant que les
contraintes de cisaillement induites entres elles, au droit des appuis, sont inférieures à σ
ntg φ.
Une fois que ces cisaillements deviennent supérieurs à σ
ntg φ, la dalle est mise en flexion, elle
se désolidarise par glissement le long des joints de stratification et se délite. La rigidité du
recouvrement diminue en devenant celle d’un ensemble stratifié de banc. La capacité de
portance du recouvrement diminue et ce dernier vient subitement surcharger les piliers. La
brutalité du phénomène s’explique par le relâchement soudain du frottement entre dalles et de
l’énergie de déformation emmagasinée par la rigidité du toit.
De plus Tincelin, en 1995, s’est intéressé à l’influence de la présence de vallées. Il considère
que le voisinage de vallées profondes est un facteur aggravant vis-à-vis de l’effondrement, car
il favorise le cisaillement du recouvrement. Selon Tincelin, le banc qui joue le plus grand rôle
dans le processus de rupture en traction (fibres les plus tendues en surface) est le calcaire à
polypiers homogène qui est assez profond pour être protégé de l’érosion. Il indique, de plus,
qu’à proximité d’une vallée qui coupe les bancs durs du recouvrement, la contrainte de
compression horizontale disparaît et la rupture en cisaillement devient possible entraînant une
ouverture brutale de la fissuration verticale due à la dilatance (Tincelin,1995).
4.3.2- Mécanisme de rupture dû à une surcharge hydraulique
Maury (1979) émet, pour des carrières de faibles profondeurs, l’hypothèse d’un mécanisme de
rupture dû à la pression interstitielle. L’effondrement peut être provoqué par les charges de
nappes phréatiques elles mêmes, ou par surcharge de celles-ci. Si l’excavation draine
suffisamment le toit, soit accidentellement par la fissuration, soit par la matrice, celui-ci peut
supporter une partie de la charge hydraulique des nappes phréatiques, mais il peut très bien
ne plus supporter une surcharge de celle-ci, due en particulier à une pluviométrie importante.
Ce mécanisme suppose donc que sous l’effet d’un taux d’extraction important, il se produit un
déplacement d’ensemble du recouvrement maintenant le toit immédiat résistant continu et
empêchant ou freinant son drainage par les travaux miniers.
Lorsque l’extension de la zone devient suffisante, les déplacements induits dans le toit profond
provoquent le jeu et l’ouverture de la stratification et de la fissuration. L’alimentation des joints
ouverts dans le toit immédiat, par le poinçonnement des piliers, devient alors impossible.
Les nappes phréatiques de surface, statiques ou surchargées par la pluviométrie peuvent alors
mettre en charge tout le toit jusqu’à ce qu’en un point les dalles du toit immédiat cassent,
entraînant la rupture du point profond.
Le système de contraintes horizontales qui maintenait le toit immédiat en place est brutalement
relâché et la rupture du toit peut se propager sur de très grandes étendues.
4.3.3- Rupture du recouvrement par cisaillement d’un banc épais et résistant
Fairhurst et al. (2003) avancent que lorsque le recouvrement comporte un banc raide et
résistant suffisamment épais, et que les piliers, le toit ou le mur continuent à se déformer au
cours du temps (fluage), ces déformations se transmettent au haut-toit résistant et donc peu
déformable. A partir d’une certaine déformation, le toit raide a pris la flèche maximale de flexion
admissible, avec des effets tranchants très importants au niveau de ses appuis. La rupture peut
alors se manifester, de manière brutale, par cisaillement au niveau des appuis ou par
glissement le long des fissures verticales.
Dans le document
Effondrement et affaissement des mines de fer en Lorraine : rôle de la couverture et de la morphologie
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