III. Le genre Xanthomonas 32
2. Taxonomie et phylog´enie du genre
Ce genre appartient `a la famille des Xanthomonadaceae et `a la classe des
gamma-Proteobacteria. La taxonomie des esp`eces au sein du genreXanthomonas a
´evolu´e en mˆeme temps que les m´ethodes permettant de d´efinir une esp`ece bact´erienne
(voir encadr´e III). En effet, la premi`ere bact´erie appartenant au genreXanthomonas
a ´et´e isol´ee en 1883 et ´etait un agent pathog`ene des jacinthes (Wakker, 1883). Elle
portait initialement le nom de Bacterium hyacinthi. Puis le genre Xanthomonas a
´et´e cr´e´e en 1939 par Dowson pour regrouper les souches pr´esentant un unique flagelle
polaire, des colonies jaunes, et le fait que la majorit´e des souches sont amylolitiques
et produisent de l’acide `a partir du lactose (Dowson, 1943). Lors de sa description
initiale, le genre est divis´e en 19 esp`eces dont par exemple,Xanthomonas juglandis.
Puis jusque dans les ann´ees 70, on a assist´e `a la description de tr`es nombreuses
nouvelles esp`eces dans ce genre sur la base du principe qu’`a chaque nouvel
hˆote-correspondait une nouvelle esp`ece. Cette strat´egie “ nouvel hˆote – nouvelle esp`ece
” a ainsi conduit `a la description d’une centaine d’esp`eces dans ce genre sur la base
pratiquement exclusive du caract`ere pathog`ene sur un nouvel hˆote. La publication
Figure I-23 : Reclassification des espèces au sein du genre Xanthomonas proposée par Vauterin
et al. 1995 et validation par rep-PCR (Vauterin et al. 2000). A droite, est représentée la
classification avant cette étude et à gauche celle proposée par les auteurs suite aux hybridations
ADN:ADN effectuées sur 183 souches dans le genre et l’apport des analyses du polymorphisme
d’éléments répétés (PCR). Le nombre d’espèces proposées est de 20. Dans la colonne
rep-PCR, les « √ » indiquent que la proposition est validée, tandis que les « * » indiquent qu’il existe
une hétérogénéité génétique dans l’espèce. Le nombre de « * » indique le nombre de groupes
observés au sein de l’espèce (Vauterin et al. 2000).
de l’Approved List (1980) a mis fin `a cette pratique et seuls 5 noms d’esp`ece sont
retenus : l’esp`ece type X. campestris et les esp`eces X. albilineans, X. ampelina,
X. axonopodis et X. fragariae. Pour pr´eparer cette r´evolution de la nomenclature
bact´erienne et ´eviter de perdre les noms de nombreux agents phytopathog`enes, au
cours des ann´ees 70, Dye et collaborateurs ont propos´e de regrouper dans un niveau
infra-sous-sp´ecifique (pathovar) ces variants pathologiques (Dye & Lelliot, 1974 ;
Young et al. 1978). C’est ainsi que l’esp`ece X. campestris s’est retrouv´ee
subdi-vis´ee en 140 pathovars (Young et al. 1978). Il est ´egalement `a noter que l’esp`ece
X. ampelinaavait ´et´e sortie de ce genre d`es 1987 par Willems et collaborateurs pour
former l’unique esp`ece d’un genre nouveau : Xylophilus ampelinus.
En 1995, sur la base d’un ´enorme travail de taxonomie formelle, Vauterin et
collaborateurs (1995) ont reclass´e une grande partie des pathovars et des esp`eces
anciennement d´ecrites au sein de ce genre Xanthomonas en 20 esp`eces (fig.
I-23). Cette identification ´etait bas´ee sur l’hybridation ADN-ADN, m´ethode
offi-cielle permettant d’affilier `a une mˆeme esp`ece l’ensemble des souches pr´esentant
des hybrides (>70%) stables (∆ Tm<5
◦C) (Wayne et al. 1987). Parmi ces 20
esp`eces, seulement 6 correspondent `a des esp`eces d´ej`a existantes, il s’agit de X.
al-bilineans, X. axonopodis, X. campestris, X. fragariae, X. populi, et X. oryzae. Les
14 esp`eces nouvellement propos´ees correspondent au red´eploiement de pathovars
pr´ec´edemment class´es dans l’esp`ece X. campestris. Sept pathovars ont ´et´e ´elev´es
au rang d’esp`ece, il s’agit de X. cassavae, X. cucurbitae, X. pisi, X. vesicatoria,
X. hyacinthi, X. melonis et X. theicola et de nouvelles esp`eces ont ´et´e cr´e´ees pour
regrouper un ensemble de pathovars, c’est le cas des esp`ecesX. arboricola,X.
horto-rum,X. vasicolaetX. transluscens (Vauterin et al. 1995 ; Vauterin et al. 2000) (fig.
I-23). Des pathovars ont ´et´e subdivis´es et ainsi trois esp`eces ont ´et´e cr´e´eesde novo,
il s’agit de X. bromi,X. codiaei et X. sacchari. Enfin, les contours de l’esp`ece type
X. campestris ont ´et´e red´efinis au cours de cette ´etude puisqu’elle comportait un
grand nombre de pathovars dont le positionnement phylog´en´etique a ´et´e revu. Sur
une base phylog´en´etique, les auteurs proposent de ne conserver dans cette esp`ece
qu’un petit nombre de pathovars (aberrans, armoraciae, barbarae, campestris,
in-canae, et raphani) qui s’av`erent tous ˆetre pathog`enes de Brassicaceae. Cependant,
cette ´etude n’´etait pas totalement exhaustive puisque 66 pathovars, pr´ec´edemment
d´ecrits, n’avaient pas ´et´e pris en compte. Leur positionnement taxonomique n’´etait
donc pas pr´ecis´e, et leur nomenclature restait ambig¨ue puisque, formellement, ils
appartenaient encore `aX. campestris. En 2015, une nouvelle esp`ece a ´et´e d´ecrite au
sein du genreXanthomonas, il s’agit de l’esp`ece X. maliensis (Triplett et al. 2015).
Actuellement le nombre d’esp`eces valides dans le genre Xanthomonas s’´el`eve
`a 28, d’autres esp`eces non valid´ees d’un point de vue nomenclatural ont r´ecemment
´et´e propos´ees. En 2005, Schaad et collaborateurs ont propos´e la cr´eation de trois
Figure I-24 : Représentations des relations phylogénétiques entre les différentes espèces du genre Xanthomonas. L’outgroup pour ces trois phylogénies correspond à une souche du genre
Stenotrophomonas. a : phylogénie reconstruite en neighbor-joining en utilisant les séquences ADN du 16S (Hauden et al. 1997). b : Arbre UPGMA obtenu à partir d’une matrice de distance basée sur des profils génomiques obtenus en rep-PCR (couplant les éléments REP (Repetitive extragenic palindromic), ERIC (enterobacterial repetitive intergenic consensus) et BOX) (Rademaker et al. 2005). c : Phylogénie obtenue en neighbor-joining en utilisant les séquences partielles de 4 gènes de ménage (dnaK, fyuA, gyrB et rpoD) (Young et al. 2008)
esp`eces : X. fuscans, X. alfalfae et X. citri (initialement appel´ee X. smithii).
Sur la base du polymorphisme des ´el´ements r´ep´et´es, Rademaker et collaborateurs
(2005) ont propos´e la division de l’esp`ece X. axonopodis en 6 groupes (9.1 `a 9.6).
R´ecemment, une proposition visant `a remanier et ´elever la plupart de ces groupes
d´efinis au sein de l’esp`ece X. axonopodis au rang d’esp`ece a ´et´e publi´ee, mais ces
nouvelles propositions ne sont pas encore valides du point de vue du Code
interna-tional de la nomenclature (Constantin et al. 2016). Ainsi, les groupes 9.1 et 9.4
formeraient l’esp`ece X. phaseoli, le groupe 9.2, l’esp`ece X. euvesicatoria, le groupe
9.3, l’esp`ece X. axonopodis et les groupes 9.5 et 9.6 formeraient l’esp`ece X. citri.
Bien que les esp`eces X. cynarae et X. gardneri seraient synonymes (Young et al.
2008), leur fusion n’a pas encore ´et´e formellement propos´ee. “X. cannabis ” esp`ece
dont le nom n’est pas encore valid´e, a ´et´e propos´ee pour regrouper les souches du
pathovar cannabis (Jacobs et al. 2015) et la souche r´ecemment d´ecrite isol´ee de
haricot (Xanthomonas sp. Strain Nyagatare, Aritua et al. 2015).
Les relations phylog´en´etiques entre les esp`eces du genreXanthomonas ont
en-suite ´et´e mises en ´evidence en utilisant diff´erentes m´ethodologies. L’analyse bas´ee
sur une reconstruction en neighbor-joining des s´equences nucl´eiques du g`ene codant
l’ARNr16S (Hauben et al. 1997) divise le genre en trois groupes (fig. I-24), le
groupe 1 est constitu´e de 15 esp`eces dont l’esp`ece type X. campestris, le groupe 2
constitu´e de l’esp`eceX. sacchari et le groupe 3 rassembleX. albilineans,X.
translu-cens, X. theicola et X. hyacinthi. La taxonomie du genre a ensuite ´et´e revisit´ee en
utilisant le polymorphisme des ´el´ements r´ep´et´es (analyse rep-PCR, Rademaker et al.
2005). L`a encore on retrouve trois groupes dont la composition est diff´erente de ceux
obtenus avec l’ARNr16S (fig. I-24 b). Le premier `a avoir diverg´e aurait ´et´e celui
re-groupantX. albilineans,X. hyacinthi,X. theicola, etX. translucens, mais ´egalement
X. oryzae etX. populi ; puis un groupe comprenantX. sacchari, X. bromi etX.
cu-curbitae aurait diverg´e laissant ensemble les esp`eces X. campestris, X. cassavae,
X. melonis, X. codiaei, X. axonopodis, X. vesicatoria, X. pisi, X. fragariae, X.
ar-boricola, X. vasicola etX. hortorum. Les liens phylog´en´etiques entre ces diff´erentes
esp`eces ont ensuite ´et´e analys´es sur la base des g`enes de m´enage (Parkinson et al.
2007 ; Young et al. 2008 ; Parkinson et al. 2009). Ainsi, Parkinson et al. (2007)
divisent le genre en deux groupes, l’un correspond aux 5 esp`eces qui divergent le
plus tˆot dans la phylog´enie (X. theicola, X. translucens, X. hyacinthi, X. sacchari
et X. albilineans), et le second rassemble les autres esp`eces, il est lui-mˆeme
subdi-vis´e en 3 sous-groupes. Une ´etude bas´ee sur quatre g`enes de m´enage (dnaK, fyuA,
gyrB etrpoD) confirme la divergence entre ces deux groupes, qui sont alors nomm´es
groupe 1 pour celui qui regroupe les 5 esp`eces qui divergent tr`es tˆot, et groupe 2
pour l’ensemble des autres esp`eces du genre (Young et al. 2008). La divergence
en-tre les deux groupes est si importante que les auteurs sugg`erent qu’il pourrait s’agir
Encadré III : Méthode de délimitation de l’espèce bactérienne
Graphique représentant la correspondance entre les pourcentages d’hybridation ADN-ADN (en ordonnée) et les ANI (identités nucléotidiques moyennes) (en abscisse). La zone grise représente le seuil au-dessus duquel les souches comparées appartiennent à la même espèce (Konstantinidis & Tiedje, 2005).