eco-syst`emes
Le cadre dans lequel on se place pour ´etudier les ´emergences doit ˆetre d´efini
puisque finalement, une maladie va ˆetre consid´er´ee comme ´emergente selon ce cadre
et les cons´equences qu’elle va entrainer (Guiserix, 2009). Pour ce travail de th`ese, je
me suis donc plac´ee dans le cadre des ´emergences de nouvelles maladies bact´eriennes
ou de r´e´emergences sur plantes au sein des agro´ecosyst`emes.
Les agro´ecosyst`emes sont souvent sujets `a des ´emergences de maladies
bact´e-riennes. Ces environnements pr´esentent une diversit´e sp´ecifique tr`es faible pouvant
mˆeme aller jusqu’`a des parcelles monosp´ecifiques o`u la densit´e en individus
poten-tiellement hˆotes pour les bact´eries phytopathog`enes est tr`es importante (fig. I-8).
Ces milieux, ´etant contrˆol´es par l’homme ils sont moins variables que les milieux
na-turels. Ils sont donc plus sensibles que les milieux naturels `a de nouvelles ´emergences,
´etant donn´e que l’´equilibre hˆote-pathog`ene est en faveur de l’agent pathog`ene. En
effet, les milieux naturels sont des environnements hypervariables ce qui les rend
moins favorables au maintien et `a la diss´emination de souches fortement
agres-sives et tr`es sp´ecialis´ees sur leur hˆote (Stuckenbrock et McDonald, 2008). Dans les
agro´ecosyst`emes, on peut donc voir la mise en place de l’´emergence de complexes
clonaux, dont les souches sont fortement agressives. Ces derni`eres ann´ees, plusieurs
´epid´emies ont ´et´e dramatiques pour ces agro´ecosyst`emes. Par exemple, on peut
noter l’´epid´emie caus´ee par Xylella fastidiosa, qui a ´emerg´e en Italie sur olivier en
2013 (Saponari et al. 2013) et celle caus´ee parPseudomonas syringae pv. actinidiae
qui a ´emerg´e en France dans les vergers de kiwi en 2010 (Vanneste et al. 2013).
L’agent pathog`eneXylella fastidiosa est une bact´erie limit´ee au xyl`eme
trans-mise par des insectes. Elle est compos´ee de 6 sous-esp`eces,fastidiosa, sandyi,
multi-plex,morus,tashke etpauca(Jacques et al. 2016). Chaque sous-esp`ece pr´esente une
gamme d’hˆotes plus ou moins large et une aire d’origine sp´ecifique. Il a ´et´e montr´e
que cette bact´erie ´etait naturellement comp´etente, et donc qu’elle ´etait capable de
recevoir de l’ADN ext´erieur par transformation (Kung et al. 2011). La
recombinai-son homologue est une force ´evolutive importante dans l’´emergence de ces diff´erentes
sous-esp`eces et serait `a l’origine de l’´emergence de la sous-esp`ecemorus pour
laquel-le, un changement d’hˆote aurait ´et´e cons´ecutif aux ´ev`enements de recombinaison
entre les sous-esp`eces fastidiosa et multiplex (Nunney et al. 2014). Alors, que cet
agent pathog`ene ´etait connu pour ˆetre pr´esent uniquement en Am´erique, il a ´et´e
isol´e sur olivier dans la r´egion des Pouilles, au sud de l’Italie en 2013, provoquant
la mort de milliers d’oliviers (Saponari et al. 2013). La souche responsable de cette
´epid´emie est une souche de la sous-esp`ece pauca, appel´ee souche CoDiRO, et aurait
Figure I-9 : Cartographie du plasmide p-PATH de Pantoea agglomerans. L’ilot de pathogénie est
représenté par le bandeau noir, au sein duquel sont retrouvés les gènes du cluster hrp/hrc. Les
flèches rouges indiquent 6 effecteurs de type 3 fonctionnels, et les flèches vertes indiquent les
séquences d’insertions (Barash & Manulis-Sasson, 2007).
pour origine le Costa Rica (Loconsole et al. 2016). Il semblerait que cette ´emergence
dans la r´egion des Pouilles soit due `a l’introduction de plantes ornementales
con-tamin´ees provenant du Costa Rica (Martelli et al. 2016). L’histoire ´evolutive de
cette esp`ece est donc marqu´ee `a la fois par l’´emergence d’un nouvel agent pathog`ene
suite `a la recombinaison homologue, et par son introduction dans une nouvelle aire
g´eographique. Les outils de g´en´etique des populations ont permis de retracer cette
histoire ´evolutive et de mettre en ´evidence les m´ecanismes mol´eculaires impliqu´es
dans cette ´emergence.
L’agent pathog`ene Pseudomonas syringae pv. actinidiae, quant `a lui, est
responsable de la bact´eriose du kiwi. Ce pathovar
4(pv.) est divis´e en 4
bio-vars (Vanneste et al. 2013), qui regroupent les souches ayant des caract´eristiques
biochimiques ou physiologiques communes (Lepage et al. 1992). L’un de ces 4
bio-vars, le biovar 3 est responsable d’une ´epid´emie `a l’´echelle mondiale, causant des
pertes ´economiques importantes (Scortichini et al. 2012). Il a ´et´e observ´e pour la
premi`ere fois dans le Latium en 2008, une r´egion situ´ee au centre de l’Italie.
En-suite, ce biovar a ´et´e d´etect´e en Nouvelle-Z´elande, le principal pays producteur de
Kiwi, puis en Espagne, au Portugal et en France. L’analyse de l’origine de ce biovar
en France a montr´e qu’il avait la mˆeme origine que l’´emergence observ´ee en Italie
(Cunty et al. 2015). En effet, plusieurs haplotypes identiques ont ´et´e retrouv´es
dans ces deux pays. L’origine de l’´emergence de cet agent pathog`ene est donc due `a
l’introduction dans une nouvelle aire g´eographique d’un agent pathog`ene sans doute
pr´e-existant, mais non encore d´ecouvert depuis l’aire d’origine du kiwi qui se trouve
en Chine (Mazzaglia et al. 2012). De plus, son ´etude ´epid´emiologique a permis de
mettre en ´evidence que cette ´epid´emie ´etait caus´ee par un complexe clonal et donc
de d´evelopper des outils de d´etection sp´ecifique `a cet agent pathog`ene.
Les agents phytopathog`enes appartenant `a l’esp`ece Pantoea agglomerans
au-raient ´emerg´e `a partir d’une souche commensale grˆace `a l’acquisition d’un plasmide,
p-PATH, porteur d’un ilot de pathog´enie (Manulis & Barash, 2003 ; Barash &
Manulis-Sasson, 2007). Cette esp`ece a un mode de vie ´epiphyte et commensal et est
associ´ee `a un grand nombre d’esp`eces v´eg´etales. Cependant, les agents pathog`enes
ayant ´emerg´e `a partir de souches commensales pr´esentent une forte sp´ecificit´e d’hˆote.
En effet, deux pathovars existent au sein de cette esp`ece, le pathovar gypsophilae,
responsable de la galle sur gypsophile, une herbac´ee, et le pathovar betae capable
d’infecter la betterave, mais ´egalement le gypsophile (Manulis & Barash, 2003). De
plus, il a ´et´e montr´e que la pathog´enie de ces deux pathovars ´etait due au
plas-mide p-PATH qui porte un cluster Hrp (fig. I-9) (Nizan et al. 1997), codant le
complexe prot´eique du syst`eme de s´ecr´etion de type III, principal facteur de
viru-4
Un pathovar correspond `a un rang taxonomique infra-subsp´ecifique qui rassemble l’ensemble
Figure I-10 : Représentation du cycle infectieux des bactéries épiphytes pathogènes sur plantes. La première étape correspond à l’attraction et fait intervenir le chimiotactisme, qui permet la détection de sites favorables grâce aux MCP (Methyl-accepting chemotaxis protein). La plante reconnait des PAMP via ses protéines RLK tels que la flagelline et déclenche son premier niveau de défense, la PTI. L’agent pathogène peut échapper à ces défenses et entrer dans la phase d’installation, qui va se traduire par la formation de biofilms à la surface des tissus et dans les sites du mésophylle qu’elle a pu atteindre. Ensuite lors de son installation, la bactérie contourne le deuxième niveau de défenses de la plante (ETI) grâce aux effecteurs de type 3 (ET3), sécrétés via le système de sécrétion de type 3 (SST3) et grâce à ses autres facteurs de virulence va entrainer le développement de symptômes de la maladie. Lors de cette phase la bactérie se multiplie activement et se disperse dans la plante. Enfin, la dernière phase du cycle correspond à la dispersion à plus grande distance qui se fait grâce au vent, à l’eau ou aux semences et plants contaminés.