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Tat est une protéine multifonctionnelle

En plus de son rôle clé dans l’infectivité du virus et l’expression du génome viral, Tat peut, également, participer à des processus cellulaires non liés au cycle de réplication du VIH-1 et contribuerait à la physiopathologie de l’infection. Ces phénomènes sont détaillés ci-dessous.

a- Sécrétion et internalisation de Tat

Il a été décrit que la protéine Tat est libérée par des cellules T infectées, et que des quantités d’environ 40 ng/ml ont été détectées dans certains sérums de patients VIH-1 positifs (Westendorp et al., 1995). Le mécanisme de sécrétion de Tat reste encore mal défini et semble dépendre d’une voie sécrétoire non conventionnelle indépendante du réticulum endoplasmique et de l'appareil de Golgi (Nickel and Rabouille, 2009).

• Sécrétion de Tat

Des études récentes ont montré qu’avant sa sécrétion, Tat s'accumule à la membrane cellulaire à la fois des cellules infectées par le VIH-1 ou des lymphocytes T CD4+ transfectées par Tat. La sécrétion de Tat est dépendante de la liaison du PI (4,5) P2, qui est essentielle au recrutement de Tat à la membrane cellulaire. Par sa région basique, Tat peut lier PI (4,5) P2, avec une grande affinité. L’insertion membranaire du tryptophane unique de Tat, en position 11, permet de stabiliser l’interaction Tat-PI (4,5) P2 et de favoriser sa sécrétion (Rayne et al., 2010).

Tat est décrit comme un facteur de virulence du VIH-1, jouant le rôle d’une toxine virale, une fois sécrétée par les cellules infectées. Il est rapporté que Tat extracellulaire peut conduire à la production d’anticorps, qui peuvent être corrélés à une réduction de la progression de la maladie (Ensoli et al., 2016). Cependant, il est à préciser que dans cette étude, la quantité vaccinale de Tat, qui a mené à la production de ces anticorps, était de 30 µg (Ensoli et al., 2016).

• Entrée de Tat

Tat peut entrer par endocytose dans divers types cellulaires tels que les lymphocytes, monocytes, macrophages, les cellules dendritiques et endothéliales et les neurones (Fanales-Belasio et al., 2002). Tat se lie à diverses protéines de la membrane cellulaire, tels que CD26, le LRP (lipoprotein Receptor-related Protein), CXCR4, les intégrines, les protéoglycanes de l’héparane sulfate (HSPG) et le facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF) (Albini et al., 1996; Ghezzi et al., 2000; Gutheil et al., 1994; Liu et al., 2000).

b- Modulation de l’expression des gènes cellulaires et dérégulation immunitaire

Tat régule positivement l'expression des gènes des récepteurs cellulaires comme le récepteur IL-2 (CD25), les corécepteurs CXCR4, CCR5 dans les cellules mononuclées du sang périphérique (PBMC), ce qui est corrélé à une infectivité accrue. En outre, Tat a un effet

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inhibiteur sur l'expression du gène codant pour le MHC I, modulant de façon importante l’activation associée aux lymphocytes T CD8+ et la réponse immunitaire à l'infection par le VIH-1 (Matsui et al., 1996; Mayol et al., 2007; Secchiero et al., 1999). Plusieurs études ont démontré que Tat affecte, également, l'expression de diverses cytokines. En effet, elle augmente l'expression des cytokines pro-inflammatoires tels que l’IL-6 et le TNFα ainsi que l'expression des facteurs de croissance α et β (Transforming Growth Factor). L’augmentation de TGF-β a entrainé une diminution des protéines anti-apoptotiques, ce qui rend les cellules immunitaires plus sensibles à l'apoptose et à l'immunosuppression (Gandhi et al., 2009). Grâce à sa capacité à activer l'interféron α (IFN-α), Tat peut induire des effets antiprolifératifs et d’immunosuppression des cellules T non infectées (Zagury et al., 1998).

En outre, Tat induit la croissance et la différenciation des cellules T par augmentation des niveaux d'IL-2, favorisant ainsi la propagation du virus (Ehret et al., 2001). Tat augmente, également, l'expression des cytokines anti-inflammatoires IL-4, IL-8 et IL-10, suggérant un mécanisme potentiel de Tat dans la suppression de la réponse immunitaire (Gandhi et al., 2009). Enfin, la génération de la cartographie de liaison de Tat au génome humain dans les cellules T Jurkat, a montré qu’environ 53% des régions cibles de Tat sont dans des séquences répétées de DNA, dont plus de la moitié sont des séquences Alu. Les régions cibles restantes sont situées dans les introns et les régions intergéniques distales. Seulement, 7% des régions liées par Tat sont des sites d'initiation de la transcription (TSS), proches des promoteurs de gènes. De façon intéressante, Tat lie les promoteurs des gènes associés au facteur de transcription ETS1, à l’acétyltransférase CBP et aux régions enrichies en marques d’histone H3 tri-méthylées sur K4 (H3K4me3) ou K27 (H3K27me3) (Marban et al., 2011).

c- Tat module l’expression de gènes viraux autres que le VIH-1

Tat est une puissante protéine transactivatrice dont l'activité n'est pas uniquement limitée aux gènes du VIH-1. Tat régule positivement la transcription de virus oncogènes, tels que le papillomavirus humain (HPV) et le virus du sarcome de Kaposi (KSHV) (Aoki and Tosato, 2004; Nyagol et al., 2006). Tat est capable de transactiver la région LCR (Long Control Region), qui régule l’expression des protéines oncogènes E6 et E7 d’HPV, favorisant ainsi la carcinogenèse cervicale du virus (Nyagol et al., 2006). Tat agit, aussi, en synergie avec le FGFβ (Fibroblast Growth Factor β) pour induire l'angiogenèse, la perméabilité vasculaire et l'œdème, qui caractérisent la progression du sarcome de Kaposi (Ensoli et al., 1994).

d- Régulation de l’apoptose

Des études, in vitro, ont montré, qu’au cours de l’infection, Tat est capable d'induire l'apoptose dans un certain nombre de lignées cellulaires humaines. Tat, extracellulaire, a des effets

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neurotoxiques par induction d’une mort neuronale, en se liant au récepteur LRP à la surface des neurones (Wong et al., 2005). Tat est capable de se lier aux microtubules polymérisés, avec, pour conséquences, leur stabilisation, la prévention de leur dépolymérisation et l'induction de la libération du cytochrome C par les mitochondries, qui déclenche l'apoptose (Mareuil et al., 2005). De plus, Tat augmente l’expression des facteurs clés de la voie apoptotique, comme la caspase 3 et 8, TRIAL (Tumor Necrosis Factor-Related Apoptosis-Induced Ligand), Fas et Fas ligand (FasL/CD95L) et le TNF-α (Tumour necrosis factor α) (Romani et al., 2010).

e- Rôle de Tat dans la neurotoxicité et la démence associée au VIH-1

Le VIH peut pénétrer et infecter le système nerveux central (SNC), causant ainsi une variété de troubles neurologiques, dénommés troubles neurocognitifs associés au VIH (HAND : HIV-Associated Neurocognitive Disorder) (Mocchetti et al., 2012). Ces troubles sont causés par des lésions dans le tissu nerveux, dues, à la fois, aux effets cytopathiques et à la réponse inflammatoire de l'infection (Marcondes et al., 2001). Tat est présent à un niveau, relativement, élevé dans le SNC des patients et joue un rôle critique dans l’effraction de la barrière hémato-encéphalique (BBB : Blood–Brain Barrier). Tat peut traverser la BBB, en diminuant l'expression des protéines des jonctions serrées et de la matrice extracellulaire (András and Toborek, 2011). Après passage au travers de la BBB, Tat est, efficacement, prise en charge par les neurones, ce qui entraîne la libération de plusieurs facteurs solubles, qui favorisent la neuroinflammation. Tat augmente l'expression du facteur de croissance dérivé des plaquettes (PDGF : Platelet-Derived Growth Factor), un puissant inducteur de la protéine chimiotactique des monocytes MCP-1 (Monocyte Chemoattractant Protein 1) (Bethel-Brown et al., 2012). L'induction de MCP-1 déclenche un afflux de monocytes infectés par le VIH, ce qui conduit à l’expression d’IL-1β dans les astrocytes et amplifie les réponses toxiques dans le SNC (Bethel-Brown et al., 2011). De plus, Tat peut augmenter les niveaux des dérivés réactifs de l'oxygène (ROS : reactive oxygen species) et l’activation des caspases, qui entraînent l’apoptose des neurones et favorisent les maladies neurodégénératives (Pocernich et al., 2005).

f- Coordination de l’expression génique

L'interactome nucléaire de Tat a mis en évidence ses propriétés et a, particulièrement, permis sa classification fonctionnelle en tant que protéine polyvalente, impliquée dans des processus biologiques, qui comprennent (Gautier et al., 2009) :

• La régulation de l'expression des gènes, reflétée par son interaction avec des activateurs transcriptionnels tels que le complexe SET1 de méthylation de l’H3K4, le complexe FACT, qui permet la processivité de la RNA Pol II et des complexes de remodelage de la chromatine BAF53, TRRAP/p400, SWI2/SNF2 et WICH. Tat est, également, retrouvée

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parmi des complexes répresseurs transcriptionnels SIN3/HDAC, NuRD, MeCP1 et les complexes polycombes PRC2 (Polycomb Repressive Complex 2).

• La réplication et l’organisation des chromosomes, représentées par son interaction avec : les Condensin/Cohesin et le TOPOSOME, impliqués dans la condensation et la cohésion des chromosomes, l'appariement des chromatides et la ségrégation des chromosomes lors de la mitose ; les MCM (Minichromosome Maintenance) et ORC (Origin of Replication Complex) importantes à la réplication du DNA.

• L’architecture nucléaire, par interaction avec les composants du NPC et la LAMINA nucléaire.