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a- Les cellules T CD4+ mémoires

Les cellules T CD4+ quiescentes sont considérées comme le plus grand réservoir du VIH-1, (figure 29). Les membres de cette population cellulaire hétérogène se distinguent par leur état de différenciation en cellules T naïves et mémoires. Le premier stade de différenciation des

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cellules mémoires se fait à partir des cellules T CD4+ naïves (TNA), produites dans la moelle osseuse, et qui subissent une sélection dans le thymus. Les TNA sont peu permissives à l'infection VIH-1 comparé aux CD4+ mémoires. Les TNA se différencient en cellules effectrices à courte durée de vie, lorsque leur récepteur est stimulé par les cellules présentatrices d’antigènes. Un petit sous-ensemble de ces cellules effectrices se différencie, ensuite, en cellules T mémoires à longue durée de vie, qui portent le VIH-1 latent. Les cellules T mémoires peuvent être divisées en deux principales sous-populations, les lymphocytes T à mémoire centrale (TCM) et les cellules T mémoires effectrices (TEM), en fonction de l'expression des récepteurs de chimiokines impliquées, respectivement, dans le trafic vers des organes lymphoïdes secondaires ou vers des sites périphériques (Barton et al., 2016; Murray et al., 2016).

Les TCM (CD45RA-, CCR7+, CD27+) et un autre sous-groupe de cellules T mémoires, intermédiaires entre les TCM et TEM (CD45RA-, CCR7-, CD27-), il s’agit des cellules T à mémoire transitoire (TTM) (CD45RA-, CCR7-, CD27+), sont identifiés comme les principales cellules infectées, qui persistent chez les patients sous HAART. Ces deux principaux sous-groupes constituent un réservoir plus stable pour le VIH-1 que les TEM, qui ont un indice prolifératif plus élevé, et sont plus sensibles à la mort cellulaire programmée (Chomont et al., 2009). Cependant, il a été démontré que le DNA viral est moins fréquent dans les TTM que dans les TCM, en raison d’un excès de virus défectueux, qui s’est développé à travers la prolifération (Soriano-Sarabia et al., 2014).

Récemment, une autre sous population de cellules T CD4+ mémoires, les TSCM (stem cell-like memory T cell) ont été définies pour leur capacité à contribuer à la persistance du VIH-1. Les TSCM sont considérés comme le stade le moins différencié des cellules T mémoire. Elles comprennent 2 à 4% des lymphocytes circulants, ont une longue durée de vie avec la capacité de se différencier en TCM et TEM. Les TSCM sont permissives à l'infection par le VIH-1 et la proportion de DNA viral, associée à ces cellules, est plus élevée que dans les TCM. Bien que les TSCM soient infectée de façon latente, elles ne représentent qu'une petite fraction du réservoir total (Buzon et al., 2014).

En résumé, l'analyse des sous-groupes de cellules T mémoires révèle que le génome du VIH-1 se répartit avec des fréquences plus élevées dans les cellules ayant un plus grand potentiel de survie. Cependant, selon l'introduction de la HAART, il existe, entre les patients, une importante variabilité de distribution des génomes viraux dans ces sous-groupes de cellules T mémoires (Murray et al., 2016). Il existe deux principales théories sur la façon dont la latence s’établit dans les cellules T CD4+ quiescentes. La première, est que les cellules T CD4+

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infectées, latentes, sont issues de la survie d'une cellule T CD4+ activée, infectée, qui revient à l’état de quiescence. L'autre théorie suggère que la latence s’établit à la suite d’une infection directe des lymphocytes T CD4+ au repos, en l'absence de toute activation des lymphocytes T. Dernièrement, l'expression de CD32a a été rapportée comme un marqueur potentiel des cellules T CD4+ abritant un réservoir de VIH-1 à réplication compétente, chez les patients avirémiques sous HAART (Descours et al., 2017). Cependant, cette étude n’a pas défini l’état de quiescence (CD69-, CD25-, HLA-DR-) ou d’activation des cellules T CD4+ et l’enrichissement de CD32a sur les cellules T CD4+ infectées, latentes, n’était pas clair. D’autres travaux ont permis de préciser que CD32a n'est pas un marqueur des cellules T CD4+ quiescente ou infectées latentes. CD32a est, principalement, exprimé sur un sous-ensemble de cellules T CD4+, activées, enrichies en VIH-1 transcriptionnellement actif (Abdel-Mohsen et al., 2018).

Plusieurs facteurs ont été décrits pour contribuer à la persistance des cellules infectées, tels que l’expression de régulateur négatifs de l’activation des lymphocytes T (PD-1, CTLA-4) (McGary et al., 2017). La demi-vie du réservoir latent a été, initialement, estimée à 44 mois. Sur la base d'une étude numérique, en présence d’un nombre constant de cellules non infectées sous HAART, il faudrait en moyenne 31 ans pour éradiquer ce réservoir (Viswanath, 2016).

Figure 29 : Etablissement et maintien des cellules T infectées latentes. (A) La latence s’établit de

deux façons. Suite à l'infection productive des lymphocytes T CD4+, la plupart meurt, seules certaines survivent et reviennent à un état de quiescence, sous forme de cellules T mémoires infectées latentes. En outre, la latence peut s’établir par infection directe des cellules T CD4+ quiescentes, en présence de chimiokines telles que le ligand de CCR7, le CCL19. (B) Une fois la latence établie dans ces cellules elles peuvent 1) survivre pendant un temps extrêmement long, 2) subir une prolifération homéostatique, en présence de cytokines comme l'IL-7, 3) subir une activation, conduisant à une infection productive, ou 4) subir une différenciation cellulaire pour aboutir à des TEM infectées de manière productive (Smith et al., 2012).

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b- Les monocytes et macrophages

Bien que les lymphocytes T CD4+ mémoires soient un réservoir cellulaire à long terme pour le VIH-1, ils ne constituent pas la seule source de rebond de la charge virale à l’arrêt de la thérapie. Comme mentionné précédemment, et en dépit de leur résistance à l’infection, la détection du VIH-1 dans les monocytes-macrophages de patients sous HAART en fait un réservoir potentiel (Araínga et al., 2017; Kumar et al., 2014). Des mécanismes ont été mis en évidence pour confirmer cet état de latence dans les macrophages résidents du SNC. Marban et al., ont identifié la nature de la latence dans ce réservoir cellulaire et ont constaté que la réplication virale était supprimée au niveau transcriptionnel, par recrutement du facteur CTIP2 sur le promoteur viral (Marban et al., 2007).

c- Les cellules dendritiques

Comme expliqué dans la partie cibles cellulaires du virus, les cellules dendritiques sont impliquées dans la propagation du VIH-1, par la capture de celui-ci par le récepteur DC-SIGN ainsi que par la formation de synapses virologiques. Les cellules dendritiques folliculaires (fDC) dans les tissus lymphoïdes sont spécialisées dans le piégeage et la conservation d’antigènes sous forme de complexes immuns à leur surface, y compris les virions du VIH-1, qui peuvent servir de potentiel réservoir viral. Ces fDC peuvent ainsi transférer le virus aux cellules T présentes dans les follicules des organes lymphoïdes secondaires (Miles and Connick, 2016). En outre, les mDC situées dans les ganglions lymphatiques, peuvent soutenir un très faible niveau de réplication virale et auraient un rôle potentiel dans la latence du VIH-1. Cependant, le mécanisme de persistance viral dans ces cellules n'est pas, encore, clairement compris (Kandathil et al., 2016).

d- Les précurseurs hématopoïétiques

La littérature, concernant l’infection des cellules progénitrices hématopoïétiques (HPC), est controversée. Des études menées sur l'infection des HPC très primitives n'ont pas démontré d'infection de ces cellules. Cependant, plusieurs chercheurs ont montré que les sous-populations HPC CD34+ expriment CD4, CCR5 et/ou CXCR4, rendant ces cellules susceptibles au VIH-1. Le DNA viral a été détecté dans les HPC de patients sous HAART, ce qui pourrait démontrer l’implication de ces progéniteurs dans la persistance du VIH-1. Malgré l'infection limitée des HPC, leur rôle en tant que réservoir viral peut être crucial, en raison de leur potentiel prolifératif et de génération de lignées cellulaires infectées telles que les monocytes qui peuvent propager le virus (McNamara and Collins, 2011).

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e- Les astrocytes

Comme décrit dans la partie cibles cellulaires du VIH-1, la détection de DNA proviral et des RNA des produits géniques précoces et non tardifs dans les astrocytes, in vivo et in vitro, indique que ces cellules sont susceptibles, de manière restreinte, à l'infection VIH. Il a été démontré que, contrairement, à l’infection par un virus libre, le contact cellulaire entre les astrocytes et les lymphocytes T CD4 infectés, conduit à une infection robuste des astrocytes, mais avec conservation de la restriction de l’expression des gènes viraux (Luo and He, 2015). Le virus maintient, ainsi, un niveau extrêmement faible de réplication dans les astrocytes, mais qui peut être renforcé par des signaux inflammatoires, tels que l’IFN-γ (Carroll-Anzinger and Al-Harthi, 2006). En outre, il a été démontré que la bryostatine, décrite pour réactiver l’infection virale latente, induit l’expression du VIH-1 latent dans les astrocytes (Díaz et al., 2015). Une étude récente a montré, in vitro, que la réduction de la production virale dans les astrocytes est liée à leur faible capacité proliférative. Cependant, une faible fraction de ces cellules présentait des provirus silencieux non réactivables. Ces résultats sous-entendent que les astrocytes ne constituent pas un réservoirs latent (Barat et al., 2018). Enfin, malgré la détection de DNA proviral dans les astrocytes de patients infectés, pour mettre en avant le rôle de ces cellules en tant que réservoir, il serait souhaitable de les étudier chez des patients en interruption de HAART (Smith et al., 2012).