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Activation de la synthèse des transcrits viraux par Tat

L’activation de la transcription du VIH-1 par Tat est dépendante de son interaction avec de multiples facteurs de transcription, qui œuvrent ensemble dans l’élongation de la transcription. En absence de Tat, le provirus n’est pas, efficacement, transcrit et produit des transcrits courts correspondant aux 50 premiers nucléotides. Cependant, en présence de Tat, la transcription augmente de plusieurs centaines de fois, ce qui indique son rôle critique dans l’activation de la transcription. La fonction de Tat est régulée par diverses modifications post-traductionnelles telles que la méthylation, l’acétylation, la phosphorylation et l’ubiquitination. Comme les modifications post-traductionnelles sont souvent transitoires et réversibles, elles permettent une régulation fine de la fonction Tat pendant la transcription du VIH. De façon intéressante, de nombreuses enzymes, qui modifient Tat, modifient, également, les histones, liant ainsi l'activité transcriptionnelle de Tat au statut transcriptionnel du provirus intégré.

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4.1- Activation de la transcription par Tat au travers de son interaction avec P-TEFb

Tat est l’unique facteur de transcription qui se lie à la séquence 23UCU25, située à 4 nucléotides de la structure en tige boucle du TAR RNA, pour augmenter la transcription virale et favoriser l’élongation. L’uracile en 23 est indispensable pour la liaison de Tat, les deux autres résidus voisins C24 et U25 peuvent être remplacés par d'autres nucléotides, sans affecter la liaison Tat-TAR (Weeks and Crothers, 1991). Comme mentionné au chapitre précédent, Tat s'associe à P-TEFb inactif, et le recrute aux transcrits naissants du génome viral. P-P-TEFb est, ensuite, déplacé du complexe 7SK snRNP au profit de son interaction avec TAR (D’Orso and Frankel, 2010b; D’Orso et al., 2012). Sinon, Tat est capable de libérer P-TEFb à partir du 7SK snRNP par compétition avec HEXIM1 via son domaine riche en cystéine, avant assemblage au promoteur (Barboric et al., 2007; Schulte et al., 2005b). Tous les mécanismes conduisant au recrutement de P-TEFb au promoteur viral par Tat, sont détaillés dans le chapitre précédent. Une fois liée, la CDK9 phosphoryle le domaine CTD de la RNA Pol II et favorise l'élongation de la transcription (Zhou et al., 2012). Outre le CTD, CDK9 phosphoryle, également, les facteurs négatifs DSIF et NELF pour antagoniser leurs actions inhibitrices d’élongation et déclencher la libération de la Pol II (Fujinaga et al., 2004; Ivanov et al., 2000). P-TEFb peut, également, phosphoryler l’histone H1, et représente ainsi un processus supplémentaire qui favorise la transcription cellulaire et Tat dépendante du VIH-1 (O’Brien et al., 2010). Tat recrute le SEC avec ses différents facteurs (ELL1/2, AFF1/4, ENL et AF9) et travaillent en synergie avec P-TEFb pour augmenter l’efficacité de la RNA Pol II (He et al., 2010), (figure 14).

4.2- Autres rôles de Tat dans la synthèse des transcrits viraux 4.2.1- Interaction de Tat avec les histones acétyltransférase (HATs)

Il a été démontré que Tat cible au moins cinq différentes HATs dans les cellules infectées par le VIH-1 : CBP/p300, PCAF, GCN5, Tip60 et TAFII250. CBP et p300 sont des homologues et agissent comme activateurs transcriptionnels par interaction avec des facteurs de transcription liant le promoteur tel que CREB et PCAF. CBP/p300 peut acétyler tous les résidus lysine, mais préférentiellement les lysines 14 et 18 de l'histone H3 et les lysines 5 et 8 de l'histone H4. PCAF est, étroitement, liée à GCN5 (70-80% d'homologie de séquence) et acétyle la lysine 14 de l'histone H3 ou la lysine 8 de l'histone H4. Tat forme un complexe, à la fois, avec CBP/p300 et PCAF et les oriente au promoteur viral, afin de conduire à un remodelage de la chromatine et créer un environnement favorable à l’activation de la transcription par acétylation des histones H3 et H4. Tat interagit avec TAFII250, un composant du facteur de transcription TFIID et

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inhibe son activité HAT nécessaire à la transcription d’autres gènes cellulaires tels que le promoteur MHC de classe I. Initialement, il a été démontré que Tip60 n'influence pas de manière significative l'activation transcriptionnelle Tat-dépendante sur le LTR du VIH. En revanche, en ciblant Tip60, Tat entrave l'expression de gènes cellulaires, qui, normalement, interfèrent avec la réplication et la propagation du virus (pour revue (Easley et al., 2010)). De plus, outre les histones, un certain nombre de facteurs de transcription cellulaire se sont révélés être les substrats des acétyltransférases. Pour exemple, l’acétylation Tat dépendante de de la sous-unité p50 de NF-κB par p300/CBP aide à sa translocation nucléaire et augmente sa capacité de liaison au DNA et au LTR, avec pour résultat un accroissement de l’activité du promoteur (Furia et al., 2002).

4.2.2- Interaction de Tat avec d’autres protéines impliquées dans la transcription du VIH-1

Tat améliore, également, l’activité transcriptionnelle grâce à son interaction avec Sp1. Les résidus 30-55 de Tat lient Sp1 et l’activent, en induisant sa phosphorylation par l'enzyme de réparation du DNA (DNA-PK : DNA-dependent protein kinase catalytic subunit), ce qui augmente l'expression génique induite par le LTR (Chun et al., 1998a).

Le facteur de transcription TFIIH s'est avéré capable de lier le domaine de transactivation de Tat. La capacité de TFIIH à phosphoryler la RNA Pol II s'est révélée, significativement, augmentée après sa liaison à Tat. De même, la capacité de transactivation de Tat est renforcée en présence de TFIIH (García-Martínez et al., 1997).

L’extrémité N-terminale de Tat (résidus 1-26) se lie, également, au domaine de transactivation de NFAT1 et améliore son activité transcriptionnelle dans les cellules T Jurkat (Macián and Rao, 1999).

L'interaction de Tat avec Vpr améliore l'activité transcriptionnelle du LTR. Des études de co-transfections, utilisant le plasmide rapporteur LTR Luciférase du VIH-1 et le vecteur d'expression de Tat plus Vpr indiquent une super activation du promoteur par Tat et P-TEFb en présence de Vpr. Ces résultats sont liés aux interactions protéiques où Vpr est associé à Tat et à la cycline T1 (Sawaya et al., 2000).

Tat recrute le complexe de remodelage des nucléosomes SWI/SNF au LTR, pour améliorer la transcription du VIH-1. L'interaction Tat-SWI/SNF est régulée par l'acétylation de Tat et la liaison au domaine Bromo des sous-unités BAF180 et BRG1 de ce complexe. En cas d’activation transcriptionnelle, Tat acétylée par p300 va pouvoir recruter le complexe PBAF

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avec sa sous-unité BRG1, qui va repositionner les nucléosomes formés en aval du TSS, ce qui permet une élongation efficace de la transcription (Rafati et al., 2011).

Enfin, par un crible double hybride, il a été démontré que Tat interagit avec un facteur NUCKS1 (Nuclear Ubiquitous Casein and cyclin-dependent Kinase Substrate 1) de liaison au DNA et qui semble être important pour le cycle cellulaire, mais dont le rôle exact n'a pas été clarifié. NUCKS1 augmente de manière significative la transcription virale médiée par Tat, améliore l’association Tat/TAR, et contribue à la réactivation du VIH-1 dans les cellules infectées latentes (Kim et al., 2014).

5- Les modifications post-traductionnelles de Tat régulant son activité

transcriptionnelle

La plupart des modifications sont trouvées dans la région riche en Arginine de Tat. Ces modifications peuvent conduire à une activation ou une inhibition de Tat. Les enzymes responsables de ces modifications sur Tat ont, également, des effets sur les histones, liant ainsi l'activité transcriptionnelle de Tat au statut transcriptionnel du provirus intégré, (figure 19).

5.1- Les modifications qui inhibent l’activité de Tat

Les modifications inhibitrices comprennent la méthylation de l’arginine par la méthyltransférase PRMT6 (Protein Arginine Methyltransferase 6) et la méthylation de la lysine par SETDB1. PRMT6 est une arginine méthyltransférase nucléaire, qui conduit à une mono ou diméthylation des arginines 52 et 53 (Boulanger et al., 2005; Frankel et al., 2002). Cette méthylation interfère avec la formation du complexe Tat/TAR/P-TEFb, inhibant la fonction de Tat (Xie et al., 2007). Des analyses de fluorescence ont montré que l’accumulation nucléolaire de Tat est empêchée par PRMT6, qui constitue un mécanisme supplémentaire de blocage de l’activité transcriptionnelle de Tat (Fulcher et al., 2016). SETDB1, inhibe la transactivation du promoteur du VIH-1 par méthylation des lysine 50 et 51 de Tat (Van Duyne et al., 2008).

5.2- Les modifications activatrices de Tat

Les modifications activatrices de Tat comprennent la phosphorylation, l'acétylation, la monométhylation et la polyubiquitination.

La phosphorylation de Tat médiée par CDK2 sur les Sérines 16 et 42, est importante pour la transcription du VIH-1 (Ammosova et al., 2006). Tat est aussi phosphorylée aux résidus sérines 62 et 68 et thréonine 64 par la protéine kinase R (PKR). PKR joue un rôle régulateur clé dans la réponse antivirale, en bloquant la traduction dans la cellule infectée par phosphorylation de

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la sous-unité alpha du facteur d'élongation eIF2. Le VIH-1 échappe à cette réponse antivirale par la liaison de Tat à PKR. Tat agit comme un substrat de PKR, entre en compétition avec eIF2α, inhibant ainsi le blocage traductionnel (Endo-Munoz et al., 2005).

L’acétylation de la lysine (K) 28 de Tat est essentielle à sa liaison de haute affinité à TAR et P-TEFb. La K28 est acétylée par l'acétyltransférase PCAF (Brès et al., 2002). L'acétylation de K28 est inhibée par l'histone désacétylase 6 (HDAC6), connue pour déacétyler la tubuline dans les cellules. De plus, l’acétylation de la K28 favorise la stabilisation et la polymérisation du réseau de microtubules par Tat, conduisant à une augmentation de l’apoptose dans les lymphocytes T, par translocation de facteurs pro-apoptotique vers la mitochondrie (Huo et al., 2011).

L’acétylation de Tat sur K50 et 51 par p300/CBP et GCN5, respectivement, (Col et al., 2001; Kiernan et al., 1999; Ott et al., 1999), dissocie le complexe Tat-CyclinT1 de la TAR RNA et contribue à transférer Tat sur la RNA polymérase II en phase d’élongation (Kaehlcke et al., 2003). De plus, l’acétylation de Tat sur ces résidus déclenche l’interaction avec le complexes de remodelage de la chromatine SWI-SNF, qui, comme décrit précédemment, sert à déstabiliser les nucléosomes en aval de la RNA Pol II (Mahmoudi et al., 2006; Rafati et al., 2011). La déacétylation de K50 et 51 de Tat est effectuée par l’histone déacétylase de classe III SIRT1 (Sirtuin 1), (Pagans et al., 2005). Il a été suggéré que la désacétylation de Tat par SIRT1 se produit à la fin du cycle de transcription, et sert à recycler Tat sous sa forme non acétylée pour les prochaines phases de transcription (Pagans et al., 2005).

La 3ème marque d’activation de Tat est la monométhylation de K51 par la monométhyltransférase KMT7 (lysine methyltransferase 7). Cette marque renforce la formation du complexe Tat, TAR et Cycline T1 (Pagans et al., 2010). La K51 est déméthylée par LSD1 (lysine-specific demethylase 1) et renforce l’activité transcriptionnelle de Tat sur le promoteur (Sakane et al., 2011).

Il est surprenant que la mono et la déméthylation de Tat soient toutes deux requises à son activité transcriptionnelle. Ce phénomène s’expliquerait par le fait que la transactivation de Tat semble être un processus à plusieurs phases, où les premières étapes d'activation dépendantes de TAR sont suivies par des étapes tardives indépendantes de TAR. (Ott et al., 2011).

La polyubiquitination de Tat est médiée par la proto-oncoprotéine Hdm2 (Human double minute 2). La K71 de Tat sert de site majeur d'ubiquitination, augmente la transactivation du promoteur viral et soutient l’idée selon laquelle cette ubiquitination ne possède pas de fonction protéolytique sur Tat (Brès et al., 2003). D'autre part, l’ubiquitination de Tat en K48 cible Tat

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vers une dégradation par le protéasome, et réduit le potentiel de transactivation de Tat (Zhang et al., 2014).

Figure 19 : Régulation de la fonction Tat par modifications post-traductionnelles. Les

modifications post-traductionnelles inhibitrices et activatrices de Tat régulent son association avec TAR et P-TEFb au cours des différentes étapes du cycle de transactivation (Ott et al., 2011).