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Limites et perspectives de la thérapie anti-VIH-1

a- Les limites

Au cours des 25 dernières années, les chercheurs se sont, principalement, intéressés au développement de traitements supprimant la réplication du VIH-1. La thérapie antivirale, actuellement utilisée, a ses limites. En plus de devoir être pris tout au long de la vie des patients, ces médicaments peuvent provoquer un effet toxique cumulatif et causer l’émergence de nouvelles formes mutantes du virus. En outre, ces antirétroviraux ne sont pas curatifs. Ils bloquent le VIH-1, uniquement dans les cellules à réplication virale active, et restent sans effets sur les virus latents, qui s'intègrent dans le génome des cellules et restent invisibles au système immunitaire. La formation de ces réservoirs de virus latents constitue un obstacle majeur à son éradication. La définition de ces réservoirs viraux, les facteurs impliqués dans leur formation ainsi que les stratégies thérapeutiques développées pour la guérison, seront abordés dans le chapitre suivant.

b- Les perspectives

b.1- Inhibition de l’entrée et de l’assemblage

Plusieurs nouveaux traitements antirétroviraux, avec de meilleurs profils de résistances aux mutations virales et moins d’effets secondaires, sont, actuellement, en phase avancées de développement. Un nouvel inhibiteur d’entrée, qui empêche l’infection des cellules CD4 par liaison à la gp120, s’opposant au changement conformationnel nécessaire à la liaison au corécepteur, est, actuellement, en phase 3 d’essai clinique (Cihlar and Fordyce, 2016).

De nombreux inhibiteurs, bloquant les interactions entre les sous-unités de capsides, afin d’interrompre l'assemblage des particules, ont été identifiés. Cependant, ces inhibiteurs n’ont, à ce jour, pas encore été exploités avec succès dans des traitements antiviraux, cliniquement approuvés (Zhang et al., 2016a).

b.2- Inhibition de la transcription des provirus intégrés

L'une des cibles thérapeutiques potentielles est la protéine Tat et le complexe Tat/TAR/P-TEFb. Actuellement, des inhibiteurs de faible poids moléculaire, affectant la protéine Tat ou la TAR, sont en développement. Les quinolones sont des inhibiteurs efficaces de la transcription dépendante de Tat. Par exemple, la 6-aminoquinolone WM5 inhibe l'interaction entre Tat et TAR, par liaison spécifique à TAR (Tabarrini et al., 2004). Un inhibiteur de Tat le triptolide a

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été démontré pour favoriser la dégradation rapide de Tat dans les cellules, inhibant ainsi la transcription (Wan and Chen, 2014).

b.3- Le génome editing

Les chercheurs ont employé différentes stratégies d’édition du gène. La nucléase ZFN (Zinc Finger Nuclease) a été utilisée dans des essais expérimentaux, pour cibler le CCR5 dans les cellules T CD4+. Ce procédé peut retarder la progression de la maladie, mais ne permet pas la guérison (Tebas et al., 2014). La technique d'édition du génome CRISPR/Cas9 peut cibler et retirer des cellules T CD4+ humaines infectées de manière latente, la totalité du génome du 1 intégré de son extrémité 5’ à 3’ du LTR. CRISPR/Cas9, a diminué la réplication du VIH-1 dans des cultures cellulaire T CD4+ primaires infectées. Un séquençage génomique complet des cellules, dont le virus a été éradiqué, n’a démontré aucun effet compromettant du système CRISPR/Cas9 sur l'intégrité du génome de l'hôte. Ainsi, l'édition de gènes, utilisant CRISPR/Cas9, peut, potentiellement, constituer une méthode novatrice et efficace pour guérir le SIDA (Kaminski et al., 2016).

Des cas d’échappement du VIH-1 à cette inhibition de son expression ont été rapportés par l'acquisition de mutations dans la séquence cible du gRNA (guide RNA), qui fournissent une résistance contre l'attaque de la Cas9 (Wang et al., 2016a). Peu de temps après, cette même équipe a démontré que la combinaisons de deux gRNA antiviraux retarde l'échappement viral, et bloque, durablement, la réplication virale (Wang et al., 2016b).

b.4- Les anticorps neutralisants

La sécurité, la pharmacocinétique et l'activité antivirale d'un certain nombre d’anticorps neutralisants ont été démontrés dans des essais cliniques.

Certaines études se sont basées sur l’utilisation d’anticorps neutralisants ciblant soit un site de liaison au CD4 (3BNC117 et VRC01) cloné à partir de patients contrôleurs avirémiques, soit différents épitopes de la boucle V3 (10-1074) de l’enveloppe viral. Ces anticorps ont été bien tolérés et ont conduit à une réduction de la charge virale. Cependant, ces études ont, par la suite, montré l'émergence de résistances et/ou de variants préexistants réfractaires à ces traitements (Caskey et al., 2015, 2017; Lynch et al., 2015). D’autres études ont porté sur la capacité de ces anticorps neutralisants à maintenir la suppression virale, après interruption du traitement antirétroviral. L’infusion de 2 à 4 doses d’anticorps 3BNC117 ciblant CD4, chez des patients dont les virus sont sensibles à ce traitement, ont retardé le rebond viral, après interruption de la HAART (Zhang et al., 2016b). Une autre étude réalisée chez des sujets VIH, qui ont remplacé leur traitement antirétroviral par une monothérapie sous-cutanée à base d'anticorps ciblant le

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corécepteur CXCR5, a fourni une importante réduction de la charge virale (Cihlar and Fordyce, 2016).

Actuellement, des essais cliniques, basés sur l’utilisation de 2 anticorps neutralisants (3BNC117 et 10-1074 (NCT02825797)), sont en cours d’évaluation chez des patients VIH-1 non traités ou en interruption de HAART (Cohen and Caskey, 2018). De même, des anticorps à demi-vie prolongée sont en cours d’évaluation. Enfin, VRC01 est testé pour l’efficacité de prévention de l’infection à VIH-1 chez des femmes hétérosexuelles en Afrique subsaharienne et chez les hommes et transgenres ayant des rapports sexuels avec des hommes en Amériques et en Suisse (Cohen and Caskey, 2018).

Globalement, ces résultats suggèrent que les anticorps neutralisants peuvent cibler le réservoir de VIH-1 latent, et pourraient contribuer à la prévention ou à la rémission à long terme de l'infection par le VIH-1

La latence virale

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La latence virale

Un réservoir se définit par un type cellulaire ou un site anatomique, dans lequel une forme virale à réplication compétente persiste, avec une cinétique plus stable que les virus à réplication active (Eisele and Siliciano, 2012). Bien souvent une confusion existe entre les termes de réservoirs anatomiques et de sanctuaires anatomiques. Les deux font référence aux sites anatomiques, dans lesquels, le virus peut être présent. Le sanctuaire est, généralement, utilisé pour désigner un site dans lequel la pénétration des antirétroviraux est limitée, permettant une réplication persistante (Eisele and Siliciano, 2012). Les virus ont développé différents mécanismes pour échapper au système immunitaire de l'hôte. L'un de ces mécanismes consiste en l'établissement d'une latence dans les cellules infectées. La latence virale est un état d'infection réversible et non productif des cellules, où il existe une forte restriction de l'expression des gènes viraux. Les cellules infectées de façon latente, contiennent une forme stable du génome viral, soit en plasmide circulaire, comme dans le cas de l’herpès virus, soit en provirus linéaire, intégré de manière stable dans le DNA de la cellule hôte. Pour l’herpès virus, la latence fournit un mécanisme de persistance entre les phases de réplication virale active. Pour le VIH-1, la latence n'est pas nécessaire à la persistance, car la réplication virale active se produit tout au long de l'infection chez les patients non traités (Murray et al., 2016). L’échappement aux réponses immunitaires est lié à l'évolution rapide des variants, non reconnus par les CTL ou les anticorps neutralisants. Ainsi, des réservoirs latents s’établissent, rapidement, chez tous les individus infectés par le VIH-1. Comme décrit précédemment, la HAART n'est pas curative, elle permet de réduire la charge virale plasmatique en dessous de la limite de détection. Cependant, la virémie rebondit, rapidement, dès interruption du traitement. Le principal obstacle à la guérison est la formation de réservoirs stables de VIH-1 latents. La rapide mise en place de la HAART limite la taille du réservoir mais ne bloque pas son établissement (Martínez-Bonet et al., 2015a). Une compréhension détaillée des mécanismes moléculaires, à l’origine de la latence du VIH et de l’établissement de ces réservoirs, représente un défi auquel sont confrontés les chercheurs dans les stratégies visant à l’éradication de ce réservoir et à la guérison.