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P RIIME A L ’ EDUCATION ET

1. T HEORIE DU SALAIRE D ’ EFFICIENCE

La théorie du salaire d’efficience veut expliquer les motivations qui poussent les entreprises à assumer la responsabilité de la distribution des salaires, à la place de la coordination par le marché.

En partant d’une relation causale inverse, les théoriciens du salaire d’efficience, dans différents modèles, cherchent à démontrer la fonction du salaire sur l’accroissement de la productivité. C’est-à-dire que, en comparaison avec la théorie du capital humain, la causalité est inverse: un salaire élevé motive les travailleurs pour fournir plus d’effort. Par conséquent, le salaire est anticipé pour obtenir une productivité potentielle.

Figure 2.1 (3.1) - La relation entre productivité et salaire dans la théorie du salaire d’efficience

La «théorie du salaire d’efficience», réunit un ensemble de recherches cherchant à expliquer la relation entre salaire et productivité, et leurs impacts sur le niveau salarial et sur le chômage. L’hypothèse de base des différents modèles du salaire d’efficience est qu’il d’existe une relation croissante entre le salaire et la productivité (Leibenstein, 1957,

Quant aux différents modèles de salaire d’efficience, tous les auteurs s’accordent sur l’hypothèse de base: la productivité du travail dépend du salaire réel payé par l’entreprise. Ainsi, le point commun de tous ces modèles est leur argumentation microéconomique pour expliquer l’ambivalence des effets du salaire d’efficience: l’accroissement des coûts du travail, mais en même temps, l’augmentation de salaire peut influencer la productivité marginale (Leclercq, 1999).

1.1. Les modèles du salaire d’efficience

Les différents modèles du salaire d’efficience sont classés selon le domaine disciplinaire retenu pour expliquer l’existence à la fois d’un chômage involontaire et d’une rigidité du salaire réel. L’ensemble des études se divise en deux grandes catégories: − version économique: dans le cadre néo-classique de la formation des salaires, mais

remet en cause le principe de base du paradigme dominant de la relation entre productivité marginale et salaire;

− version sociologique: reprend les travaux développés entre autres par Akerlof (1982), dont l’argument central est que l’efficacité productive du travailleur dépend en grande partie du sentiment de justice de la part des travailleurs.

Revenons maintenant aux modèles de la version économique, les plus importants pour notre recherche. La figure 2.2 systématise les modèles et les fondements théoriques expliquant la pratique de salaires élevés des entreprises.

Figure 2.2 (3.2) - Les modèles du salaire d’efficience

Le modèle de Solow (1979) montre les facteurs empêchant la flexibilité des salaires et les motivations des employeurs à offrir des salaires stables plutôt que des emplois stables. Chez Solow, le niveau d’effort du travailleur dépend du taux de salaire, c’est-à- dire que la détermination du salaire répond à des impératifs d’efficience économique plus qu’à la loi de l’offre et de la demande.

Toutefois, Solow ne présente pas d’arguments solides pour expliquer la relation positive entre salaire et productivité. Bosworth, Dawkins et Stromback (1996) notent que Solow n’explique pas les causes qui déterminent la relation entre la productivité et le salaire. Rappelons les arguments de Leibenstein (1957, 1963), selon lesquels l’accroissement du rendement du travail, qui se traduisait par l’accroissement de la «ration alimentaire», avait pour conséquence l’accroissement de l’effort de travail.

Pour Shapiro et Stiglitz – modèle du «tire-au–flanc», (1984), l’explication de la relation d’efficience renvoie au problème du contrôle du niveau d’effort fourni par le travailleur. Ce contrôle étant imparfait et trop cher, les employeurs utilisent des mécanismes de remplacement de contrôle direct et plus facile.

Les auteurs partent d’une double hypothèse, celle que dans une relation de travail, il est impossible de définir précisément l’ensemble de tâches à accomplir, et celle que

Hypothèse fondamentale

Relation croissante entre le salaire et la productivité

Relation d’efficience

Propositions Théoriques Version Économique

Inciter à

l’effort Attirer les

meileures Empêcher la rotation

Lutter contre le tire au flanc

Modèle de

conséquent, il ne possède pas d‘informations correctes sur l’effort fourni. L’employeur ne dispose donc pas d’avantages de type informatif, au contraire des travailleurs, et il est mis en présence du problème du «hasard moral» qui découle du caractère incomplet du contrat de travail. Ainsi l’employeur contourne ces problèmes en proposant un salaire supérieur à celui du marché du travail et en utilisant la menace du licenciement, et donc du chômage, comme élément de discipline.

Le modèle de Weiss – modèle d’antisélection (1980) part aussi du problème de l’asymétrie de l’information et constitue, comme le modèle précédent, une application directe des modèles de principal-agent au marché du travail (Zenou, 1996). L’hypothèse de départ du modèle est que les entreprises ne possèdent que des informations partielles sur les caractéristiques des candidats au recrutement. Pour empêcher l’antisélection, les employeurs offrent des hauts salaires pour attirer les meilleurs candidats. La politique de hauts salaires vise ainsi à attirer les meilleurs candidats.

En un mot, la théorie du salaire d’efficience a attiré l’attention des économistes sur les politiques salariales des entreprises. Elle constitue donc une référence obligatoire pour l’analyse des impacts des caractéristiques de la demande sur les différences salariales. Toutefois, Fericelli et Khan (2000) indiquent une insuffisance au coeur de cette théorie: elle se limite au pouvoir incitatif du salaire. Chez Fericelli et Khan, «les évolutions récentes en matière de rémunération sont pourtant caractérisées par le poids croissant des composantes hors salaire et de la participation au capital. Une politique incitative fondée sur le seul niveau de salaire paraît donc quelque réductrice» (Fericelli et Khan, 2000: 251). Pour ces auteurs, la théorie du salaire d’efficience aurait beaucoup à gagner du concept de «rémunération d’efficience», incluant l’ensemble des composantes des rémunérations individuelles.

1.2. Les études empiriques sur le salaire d’efficience

Au-delà des études empiriques pionnières de Kurguer et Summers (1988), qui en utilisant le modèle de l’effet fixe ont examiné l’impact de la filiation sectorielle sur le salaire, d’autres études ont suivi. Au Portugal, P. Dias en utilisant, d’une part, des mesures alternatives d’évaluation de la disparité des différences salariales intersectorielles de Kruguer et Summers et de leurs partisans, et d’autre part celles de Hainsken-DeNew et Schmidt (1997, cité par Dias, 1998), a analysé les différences salariales au Portugal entre 1992 et 1995. De cette analyse, nous retenons que l’auteur a

pour expliquer les disparités salariales que ceux du salaire d’efficience. Il écrit: «on constate que les variables liées à la théorie du salaire d’efficience représentent un peu plus de la moitié du poids explicatif des variables du capital humain dans la détermination du salaire» (Dias, 1998: 95).

L’apport de R. Cardoso (Cardoso, 1997, 1999) diffère, y compris pour le Portugal et en utilisant les mêmes donnés. Cardoso estime, à partir d’un modèle «multilevel», les différences de rendement du capital humain occasionnées par les politiques salariales des entreprises. Deux conclusions essentielles: d’une part, les politiques salariales ou la demande de travail expliquent 62% des différences salariales sur le marché du travail (Cardoso, 1997). De ces différences, 13% à 17% sont dues à la taille de l’entreprise et 47% à 49% sont expliquées par l’interaction entre les entreprises et le type de travailleurs. C’est-à-dire que l’auteur insiste sur l’impact de la composition de la main- d’oeuvre sur la détermination du rendement salarial. Comme l’auteur l’écrit: «les entreprises qui détiennent la main-d’oeuvre la plus scolarisée rémunèrent plus l’éducation et l’expérience professionnelle de leurs travailleurs» (Cardoso, 2000: 350).

Cardoso ajoute que l’ancienneté tend à perdre de son importance dans la détermination les salaires, alors que les capacités générales et flexibles gagnent du terrain (Cardoso, 1999).

Du travail de Lhéritier (1992), qui utilise l’analyse de variance, nous retenons que la taille des entreprises est une variable importante et que les grandes entreprises offrent des salaires élevés. Par ailleurs, en ce qui concerne la disparité salariale dans le secteur financier, l’auteur attire l’attention sur la situation de quasi-monopole ou d’oligopole dans la mesure où les entreprises captent la majeure partie de plus-value et que, par conséquent, elles peuvent en redistribuer une portion aux travailleurs (Lhéritier, 1992).

En synthèse, il faut retenir que les contributions théoriques du salaire d’efficience et celles des études empiriques ont montré que les variables de la demande peuvent affiner les explications des différences salariales sur le marché du travail. Mais les observations de Dias (1998) indiquent que les variables du capital humain sont clairement plus importantes et ainsi, nous pouvons dire, encore une fois, que la théorie du capital «n’est en décadence».