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Les systèmes vibrotactiles

4.2 Les dispositifs à rendu cutané

4.2.1 Les systèmes vibrotactiles

Les dispositifs vibrotactiles sont les plus simples, accessibles et répandus parmi tous les systèmes de rendu haptique que nous décrirons dans ce chapitre. Ils sont wearable, c’est-à- dire qu’ils sont simplement portés par l’utilisateur, comme beaucoup d’autres technologies que nous verrons plus tard dans ce chapitre. La technologie vibrotactile est plus détaillée que les autres du fait de sa pénétration plus importante dans le marché.

Les dispositifs vibrotactiles sont apparus de façon grossière avec les vibreurs de téléphone portable ou les manettes de consoles de jeux [Tremblay & Yim, 2000], puis de plus en plus précisément avec les écrans des smartphones qui vibrent parfois au contact du doigt pour simuler des clics de boutons. Au fil des années, ces rendus sont passés de l’état de vibrations simples à celui de réels clics peu discernables d’un clic mécanique, notamment suite à l’escalade de progrès technologiques apportés par les smartphones (Apple Taptic Engine [Hill, 2014]). Ces systèmes fonctionnent au moyen de moteurs linéaires et d’un contrôle électronique précis, et sont souvent portables ; Ainsi, on peut les utiliser presque indifféremment dans des CAVEs ou des HMDs.

Matériel

Aujourd’hui, il existe de nombreux gants équipés de vibrotactile sur le marché. La société Cyberglove Systems fait office de précurseur, avec le système CyberGlove+CyberTouch qui associe tracking des doigts et retour vibrotactile par moteur à excentrique depuis déjà 20 ans. On voit ce gant sur la figure 4.1. Les imposants moteurs à excentriques sont placés au-dessus de chaque doigt, avec un moteur supplémentaire pour la paume de la main. Les actuateurs des gants d’aujourd’hui ont un comportement plus fin que celui des moteurs commandés en puissance d’antan. On peut utiliser des moteurs linéaires comme vu plus haut, mais aussi des solénoïdes ou encore des actuateurs piézoélectriques. Des outils plus performants de contrôle des actuateurs se sont également développés, comme le contrôleur low-cost DRV2605 de Texas Instrument qui permet de piloter facilement des moteurs linéaires ou à excentrique avec des microcontrôleurs basiques type PIC ou Arduino et de leur faire produire toutes sortes de réponses différentes préprogrammées.

FIGURE4.1 – Le gant CyberGlove doté du système CyberTouch.

Type de retour des gants – Le placement des vibreurs change radicalement le type de retour que l’on recherche. Il y a plusieurs possibilités.

1. Placer les vibreurs contre la pulpe des doigts simule la sensation cutanée induite par un toucher standard, mais la peau est toujours en contact avec quelque chose y compris en mouvement libre. On essaie de reproduire un retour réaliste, la sensation cutanée étant localisé sur le lieu de toucher.

2. Placer les vibreurs du côté des ongles permet de laisser les doigts au naturel, sans contact superflu, mais pas de reproduire de sensation cutanée. Cette configuration tient plutôt du domaine de la substitution sensorielle symbolique, car la vibration est déportée du lieu de contact.

Les dispositifs qui ne se placent pas sur les mains ont également tout intérêt à bien étudier le placement de leurs vibreurs pour reproduire au mieux les modalités haptique dont ils ont besoin.

Commande des actuateurs

La commande des actuateurs électriques est presque aussi importante que ceux-ci. En effet, c’est la commande qui, en tenant compte de la nature de l’actuateur (moteur, piézoélec- trique...), lui applique la consigne correspondante au besoin en matière de toucher. L’idéal serait de faire varier la fréquence et l’amplitude des signaux [Murray et al., 2003] pour obtenir la meilleure qualité de toucher, mais il n’est parfois possible de faire varier que la tension d’alimentation continue, et donc l’amplitude seule [Lindeman et al., 2002]. On

4.2. Les dispositifs à rendu cutané

FIGURE4.2 – Quelques exemples de formes d’ondes [Wellman & Howe, 1995] : Aluminium à gauche, plastique à droite. L’amplitude, la fréquence mais aussi la vitesse de décroissance

sont différents.

obtient tout de même des résultats concluants, surtout par rapport à l’application d’une simple consigne uniforme avec marche/arrêt (ce qui se fait encore malheureusement bien souvent).

Formes d’ondes – La consigne se manifeste par une forme d’onde, dont des exemples sont fournis figure 4.2.1. La fréquence des formes d’ondes dépend de l’effort, de la vitesse de collision et du matériau [Okamura et al., 1998]. Elle est modulée par plusieurs fréquences pour optimiser le signal, souvent de manière empirique. Des études ont tenté de déter- miner expérimentalement les caractéristiques principales des formes d’ondes classiques d’un retour cutané [Wellman & Howe, 1995], et ont identifié l’équation suivante dont les composantes sont décrites ci-après.

Q(t) = A(v)e−Btsin(ωt) (4.1)

Q(t) est la forme d’onde complète d’une vibration. La première composante A(v) représente

l’attaque. Vient ensuite une sinusoïde en décroissance exponentielle de facteur de décrois- sanceB et de pulsation ω en radian/sec.

Le facteur d’attaqueA est proportionnel à la vélocité de l’attaque et sa fréquence augmente

avec la raideur des matériaux. B est déterminé empiriquement pour correspondre à la décroissance de l’enveloppe de la forme d’onde.

Optimisations des formes d’ondes – Certaines optimisations technologiquement éprou- vées ne sont pas toujours utilisées dans les processus vibrotactiles. Elles permettent pour- tant d’améliorer artificiellement la latence ou même la résolution au niveau des actua- teurs [Martinez et al., 2016]. Même si ces artifices éloignent la forme d’onde théorique de la forme d’onde réelle, l’objectif est le toucher perçu final.

• La Pulse Width Modulation (PWM) permet d’ajouter une surcouche de régulation de tension des moteurs par dessus tous les autres algorithmes. C’est possible grâce à l’inertie des moteurs, qui ne s’arrêtent pas si on leur soumet un créneau en PWM qui ne les alimente qu’une fraction d’un cycle court. Le signal est ainsi réduit à sa

valeur moyenne. Au-delà de faire varier l’intensité du signal, cela peut permettre d’augmenter la résolution du système : si un toucher a lieu entre plusieurs moteurs, Ils peuvent tous s’activer en voyant leur tension inversement pondérée par la distance au lieu du toucher. Ainsi, on peut presque avoir la continuité spatiale des retours haptiques.

• On peut diminuer le temps de latence de départ dû à la durée d’accélération des moteurs en leur exerçant une pulsation initiale plus élevée.

• De manière parallèle, on peut diminuer la latence d’arrêt due au temps de freinage des moteurs en leur appliquant une tension opposée à leur consigne normale (Reverse Breaking) pendant une durée brève.

Toute la difficulté réside dans le rendu d’un toucher suffisamment puissant et complexe pour être efficace ou réaliste, mais qui ne soit pas perçu par le sujet comme actif : les matériaux doivent être perçus tels qu’ils sont, c’est-à-dire inertes le plus souvent.

Performances du vibrotactile

Les systèmes vibrotactiles, malgré leurs qualités, sont encore loin d’être parfaits et pos- sèdent de nombreux défauts. L’absence de retour kinesthésique est un manquement impor- tant, qui autorise la pénétration des solides virtuels de façon bien peu réaliste.

Bénéfices et limites des vibreurs – Si l’utilisation de vibrations simples (linéaires) est considérée comme peu déterminante, les formes d’onde plus complexes ont un réel apport et les sujets différencient même au moins 5 rigidités différentes [Galambos, 2012]. Le vibrotactile devient dès lors un vecteur de perception et d’information supplémentaire, qui ne surcharge pas l’environnement.

Il y a cependant quelques défauts spécifiques au vibrotactile. Par exemple, la répétabilité du positionnement des actuateurs est faible. Au moindre mouvement, ceux-ci risquent de bouger et de ne plus être placés contre la peau avec la même pression ou la même surface de contact ; la perception des vibrations est dès lors variable. De plus, quel que soit le placement du vibreur, son contact est effectif y compris lorsqu’il n’y a pas de toucher virtuel et, même si les mécano-récepteurs s’adaptent temporellement à la situation, les sensations d’absence de toucher sont dégradées. Le matériau a lui aussi une influence sur le rendu, et les sujets ne perçoivent pas deux vibrations identiques de la même façon si la matière en contact avec leur peau n’est pas identique d’une expérience à l’autre [Brown & Kaye, 2007].

Nombre d’actuateurs – Une des faiblesses des gants vibrotactiles résident dans leur incapacité à reproduire une perception spatialement continue comme le fait la peau. Les stimuli sont localisés sur certaines parties, par exemple la pulpe des doigts, tandis que le reste de la main demeure libre de traverser des solides virtuels sans aucun retour haptique. Lors d’actions de manipulation et de préhension d’objets, le manque de retour le long du doigt se fait alors cruellement sentir.

Le problème du positionnement et du support – Les larges différences de perception vibrotactile en fonction du positionnement du vibreur sont souvent évoquées mais rarement étudiées dans la littérature. En effet, le ressenti de la vibration peut varier :

4.2. Les dispositifs à rendu cutané

Forces Faiblesses

Grand portée (système portatif) Équipement supplémentaire pour l’utilisateur

Rendu cutané riche Aucun rendu kinesthésique

Coût faible Nécessité de tracking additionnel

TABLE4.1 – Pros et cons des gants vibrotactiles.

• En fonction de la pression exercée entre le vibreur et le corps du sujet, l’intensité de la vibration varie énormément. Certains vibreurs peuvent tout simplement ne pas vibrer lorsque l’on leur applique une pression trop forte.

• En fonction de son attache au corps. La rigidité du support, son mode d’attache au vibreur, et son mode d’attache au corps sont autant de paramètres importants. La vibration ne va pas malheureusement se diriger uniformément vers le doigt du sujet, mais peut se diffuser entièrement dans le support avant de rejoindre le corps en un autre point et de donner l’illusion que le vibreur est en fait placé là.

Ces trois problématiques, additionnées au fait que les vibrations engourdissent le système de perception haptique, sont la cause de fortes variabilités dans la perception spatiale de la notification. Le sujet ressent une vibration, mais il ne se rend pas forcément compte qu’elle est appliquée seulement sur la pulpe d’un doigt. Parfois, il est impossible de savoir d’où vient la vibration alors que tout le doigt vibre, ce qui peut être, selon les cas, un avantage ou un inconvénient.

Vibrations symboliques – Il existe également des systèmes de vibreurs qui ne rendent pas simplement une imitation du cas réel. Le VibroTac de SensoDrive c est un bracelet vibrant qui peut reproduire toutes sortes de formes d’ondes et de schéma de vibrations autour du poignet, tandis que HapRing [Nunez et al., 2015] est un petit anneau vibrant qui fonctionne avec le contrôleur haptique DRV2605L de Texas Instrument. De même, les modalités de type sonar, qu’elles soient appliquées au doigt ou au poignet, donnent des indices non-réalistes graduels de profondeur et de proximité aux objets.