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2.2 Effets multisensoriels

2.2.5 Présence

La présence est en quelque sorte le résultat de tous les phénomènes psychologiques servant à immerger un sujet dans un environnement virtuel. On peut définir la présence comme la sensation d’être là , même si de nombreuses définitions différentes se disputent la vérité. C’est en tout cas l’essence de la réalité virtuelle, dont les simulateurs sont parfois définis simplement comme des outils de téléprésence [Steuer, 1992].

De nombreux chercheurs se sont attelés à comprendre le sentiment de présence, ses aspects technologiques et ses aspects psychologiques, mais peu s’accordent sur la définition de ses facteurs de variations. On peut séparer la présence en deux sous-ensembles, l’immersion et l’implication [Witmer & Singer, 1998]. Certains systèmes peu immersifs, comme des livres, peuvent produire beaucoup d’implication, tandis que des systèmes de visualisation de haute performance sans scénarisation manquent parfois d’implication. Si l’on lie parfois implication à interaction, il est plus difficile de définir l’immersion. Slater soutient par exemple que l’immersion est un aspect matériel et logiciel, des capacités de rendu du système, technologique et objectif, tandis que Witmer soutient que l’immersion est un concept subjectif, un état psychologique. Les deux points de vue se défendent : l’ajout de technologies visuelles, le rapprochement vers le réel, est effectivement un facteur concret

d’augmentation de l’immersion. Ces discordes sur les mots ne font de toute façon pas avancer le débat, surtout que d’autres aspects plus psychologiques entrent en jeu. S’il est plus aisé dans le cadre d’expérimentations de faire l’hypothèse que l’immersion est objective, cela ne rend pas cette hypothèse juste pour autant, et il reste difficile de mesurer et quantifier l’immersion.

Intérêt à maximiser la présence

Toutes les perceptions participent à la sensation de présence et, même si la vision est la plus évidente, l’haptique a évidemment une forte influence. Pour s’en rendre compte, il suffit de tester soi-même sa sensation d’immersion dans des simulateurs qui exploitent plusieurs sens : par exemple, la sensation de vitesse est de meilleure qualité si un vent artificiel nous souffle sur le visage. La communauté scientifique a autant de difficulté à mesurer présence et immersion qu’elle est certaine de leur impact positifs sur toutes les caractéristiques qui font qu’une simulation est réussie.

La présence représente non seulement la force de l’illusion offerte aux sujets, mais égale- ment la confiance que le cerveau accorde inconsciemment à son système sensoriel lorsqu’il se trouve dans ce type d’environnements. La tromperie des sens étant à la base de la réalité virtuelle, ce procédé est également bénéfique en haptique. Si le cerveau a une confiance absolue dans sa perception le système, les petits défauts et imprécisions de celui-ci sont lissés par la perception et la simulation est bien plus réussie.

Quantifier la présence

Des mesures objectives ? – La présence est une donnée complexe mais utile à mesurer, puisque la quantifier avec précision permettrait d’évaluer la qualité et les performances des simulateurs de manière objective. Malheureusement, la présence n’est pas qu’un simple calcul mathématique, et elle ne se mesure souvent qu’avec des questionnaires dont les ques- tions risquent d’être interprétées par les sujets suivant le contexte de l’expérimentation. On peut citer notamment le questionnaire de Witmer et Singer, une référence dans le domaine, particulièrement dans sa révision de 1998 [Witmer & Singer, 1998]. Ce questionnaire regroupe quatre grandes familles de facteurs de présence, qui permettent de classifier et de pondérer les réponses des sujets pour déduire une note de présence (voir tableau 2.2). À noter qu’il existe d’autres questionnaires de présence, comme le SUS [Usoh et al., 2000] dont l’objectif est de comparer de manière plus subjective les environnements visités à ceux qui ne sont qu’un simple affichage.

Choix des mots – Il est important, tout au long de la simulation mais particulièrement dans les questionnaire, d’utiliser un vocabulaire choisi, précis, et testé. Cette rigueur permet de limiter les effets de subjectivité en utilisant des mots dont les effets sur les sujets sont connus et validés. Par conséquent, il faut faire attention non seulement au questionnaire choisi, mais aussi à sa traduction. Dans nos études, nous utilisons la traduction canadienne- française de l’Université du Quebec, validée par expérimentation [Robillard et al., 2002]. Les auteurs préconisent aussi de veiller à conserver l’ordre des questions.

Facteurs imprévisible et biais – Certaines études ont montré à quel point une question sur la présence peut trouver sa réponse dans des faits tout autres, comme l’humeur du jour, le confort de l’endroit ou le caractère de la personne [Slater, 2004]. Il est aussi important de préciser que la présence mesurée dépend de chaque simulateur, et que le concept est

2.2. Effets multisensoriels Facteurs de contrôle Facteurs sensoriels Facteurs de distraction Facteurs de réalisme

Degré de contrôle Modalité

sensorielle

Isolation Réalisme

Temps réel Cohérence

sensorielle

Attention Cohérence des

informations Malléabilité de l’environnement Richesse de l’environnement Désorientation Signification de l’expérience Anticipation Complémentarité sensorielle Conscience de l’interface Moyen de contrôle Recherche active

TABLE2.2 – Les différents facteurs du questionnaire de Witmer & Singer [Witmer &

Singer, 1998].Chaque paramètre donne lieu à des questions, dont les réponses sont des notes comprises entre 1 et 7. Une fois toutes les réponses acquises, une pondération précise s’applique avant

d’obtenir le résultat final.

indissociable du virtuel. En effet, comme l’explique Usoh et al. [2000], la notation de la présence n’a de sens que si la note maximale n’est pas possible. Sinon, la question risque d’être réinterprêtée comme une mesure du sentiment d’aisance dans l’environnement, et chacun sait que l’on peut se sentir mal à l’aise dans le réel (où la présence est pourtant théoriquement maximale).

Sur le même principe, on ne peut pas vraiment comparer deux environnements virtuels différents, puisque les sujets vont replacer la question dans un certain contexte et juger la présence en conséquence [Slater et al., 2000]. En résumé, les notes de présence sont loins d’être absolues et ne peuvent qu’être comparées qu’en contextes comparables.

Quantifier seulement des variations de la présence – Malgré les difficultés à mesu- rer objectivement la présence évoquées, on peut obtenir des résultats fiables si l’on mesure simplement les variations de présence liées à l’introduction de légères différences dans une même scène [Usoh et al., 1999]. Dans notre cas, on s’intéresse particulièrement aux variations de la présence liées à l’apport de modalités haptique. Les effets des interactions sur la présence, y compris sans haptique et avec seulement des substitutions sensorielles, ont déjà été étudiés et jugés positifs [Biocca et al., 2001], notamment grâce à une meilleure implication des sujets. Une interaction plus naturelle et plus efficace n’est que bénéfique pour la présence, et donc pour l’immersion et les performances globales de la simulation. On ne peut manipuler n’importe comment les facteurs de variations de présence objectifs et subjectifs pour en quantifier l’apport. Chaque facteur doit être changé indépendamment des autres, pour en évaluer l’apport avec soin. De plus, il est préférable de fixer les facteurs subjectifs de la figure 2.8 pour faire varier un des facteurs objectifs, ou inversement.

Présence

Facteurs subjectifs Facteurs objectifs

Système visuel Scène virtuelle Contexte Interactions Qualité visuelle Ergonomie

FIGURE 2.8 – Les facteurs de variation de la présence.Si l’on souhaite comparer la présence induite par deux simulations, celles-ci doivent fixer des facteurs de même type pour comparer ce qui

est comparable.