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2.2 Effets multisensoriels

2.2.4 L’apprentissage

Une fois le schéma de perception établi et reproduit, des effets d’apprentissage commencent à se manifester. L’apprentissage représente les progrès que font les sujets avec un système s’ils l’utilisent plusieurs fois. Il faut différencier deux types d’apprentissage :

• La formation à la tâche : La tâche apprise doit pouvoir être reproduite dans un environnement réel.

• La formation au système : Les sujets doivent atteindre un niveau de performance suffisant lors de l’utilisation d’un simulateur.

Le premier aspect de l’apprentissage est particulièrement important pour la réalité virtuelle et est plus facile à atteindre si la simulation contient des modalités haptiques. Les simula- tions mettant en jeu plusieurs sens sont mieux assimilées au réel, et mieux apprises pour être reproduite en réel [Hoffman, 1998]. Le second aspect permet d’utiliser efficacement des simulateurs qui peuvent poser des difficultés au premier abord. L’apprentissage permet notamment d’améliorer l’acceptation de substitutions sensorielles qui pourront combler les lacunes de l’haptique lors de la simulation [Richard & Coiffet, 1995].

Nous avons écrit précédemment que la kinesthésie est fortement sensible à l’apprentissage puisque la précision d’un sujet naïf est inférieure à celle d’un sujet expérimenté. Dès lors que l’on raisonne par tâches à effectuer ou par simulations à réaliser, l’apprentissage influence la vitesse et la précision des mouvements des sujets, et donc les résultats. De plus, les effets d’apprentissage ne se limitent pas seulement à la connaissance des systèmes et des simulations mais également à l’expérience globale de la personne : par exemple, des études ont montré que les sujets masculins et féminins peuvent avoir des stratégies d’approche différentes qui jouent sur la précision et la vitesse d’exécution [Adam, 1999]. Les expériences passées avec des nouvelles technologies, la curiosité et le caractère de la personne sont autant de paramètres influents sur le résultat des simulations.

Es

Sujet totalement expérimenté •

Sujet totalement naïf

Ns

Ep

Np

FIGURE2.7 – Deux domaines d’expertise des simulations chez Renault.Les utilisateurs sont jugés sur deux paramètres : leur connaissance des simulateur (S) et leur connaissance des produits

(P). Ils sont ensuite notés, de naïfs (N) à expérimentés (E).

Connaissance des systèmes – La difficulté est de satisfaire non seulement les utilisa- teurs expérimentés, qui réclament de la précision et de l’efficacité, mais aussi les naïfs, auxquels il faut implanter les bonnes bases. Pour ces derniers, il est nécessaire de rendre la simulation plus intuitive et ergonomique afin leur en ouvrir l’accès. Même si l’utili- sation naïve n’exploite pas toutes les possibilités du système, elle doit faire manifester suffisamment d’intérêt aux nouveaux utilisateurs, et à plus forte raison s’il n’y a pas encore d’utilisateurs expérimentés. L’introduction de CAVEs dans l’industrie s’est confrontée à des problématiques comparables, alors qu’il était difficile d’évaluer l’ampleur des possibilités d’applications avant leur déploiement et leur utilisation.

La figure 2.7 illustre les deux types d’expertise à acquérir lors de l’utilisation d’un simula- teur :

• D’une part la connaissance de l’environnement et des tâches à effectuer (la connais- sance du produit que l’on simule). Elle permet à l’utilisateur de faire son travail, de faire le lien avec le monde réel en faisant fonctionner ses mémoire proprioceptives et visuelles pour libérer de la charge cognitive sur les autres détails.

• D’autre part, la connaissance des systèmes. Celle-ci permet au sujet d’agir en toute confiance et connaissance des outils interactifs, sans se perdre dans la découverte des différences avec le réel par exemple. Idéalement, le système doit être totalement trans- parent derrière des fonctionnalités intuitives, afin de minimiser le besoin d’expertise système.

Les affordances sont définies comme l’ensemble des possibilité offertes par un objet ou un environnement et, plus particulièrement, comme la particularité de ces derniers à suggérer leurs possibilités [Gibson, 2014]. Ainsi, peu ou pas d’apprentissage n’est nécessaire si les affordances d’un outil sont correctes, car il suggère à l’utilisateur sa propre utilisation. Quelques bonnes pratiques, comme le skeuomorphisme, peuvent aider l’utilisateur à mieux percevoir les affordances d’un objet : par exemple, l’ajout d’une mine à un crayon virtuel peut aider l’utilisateur à comprendre qu’il peut écrire avec.

2.2. Effets multisensoriels

Biais – Les effets d’apprentissage sont souvent bénéfiques à la réalité virtuelle, mais également sources de biais lors des expérimentations. S’il est par exemple bien connu (et mesurable) que les habitués des simulations sont moins sensibles à la cinétose, il est bien plus difficile de quantifier l’à priori que chacun a sur la simulation, qui a pourtant une influence sur les résultats. Selon son expérience et son caractère, la personne appréhende ou non la simulation, et cela défini son état initial d’acceptation ou de méfiance par rapport au système. Un sujet qui a inconsciemment moins appréhendé la simulation que les autres aura souvent de meilleures performances.

Suivant le même principe, l’apprentissage peut parfois générer des erreurs difficiles à gommer chez les sujets. Une fois que le cerveau croit savoir une chose établie, il s’adapte légèrement pour qu’une autre chose légèrement différente soit perçue selon le même schéma. Pour la perception des distances et des échelles par exemples, il existe deux stratégies : soit l’on a une idée de la taille et on en déduit la distance, soit l’inverse (même si d’autres indices que l’apprentissage entrent en jeu, comme la vergence oculaire). Et si le cerveau a une idée erronée de la taille, par effet d’apprentissage, il est compliqué de lui faire changer d’avis et il risque de calibrer le reste de sa perception sur son savoir biaisé. Un peu de temps, un nouvel indice de perception ou une nouvelle modalité sensorielle peuvent forcer la perception à se recalibrer [Lassagne et al., 2017b].

Acceptation du système – Des deux types de connaissances précédents, l’un peut être acquis sans même entrer dans un simulateur de réalité virtuelle. La connaissance des systèmes ne le peut pas et s’avère pourtant tout aussi importante. La réalité virtuelle com- mence seulement à faire ses preuves et n’a pas encore la confiance de tous les utilisateurs potentiels. Or, dans ce domaine où les choix et influences du cerveau sont peu connus, les biais psychologiques sont forts. Par exemple, le premier aperçu du système est important, et qu’il soit positif permettra à l’utilisateur d’accélérer son acceptation des perceptions, voire de la permettre. Les simulateurs doivent être acceptés par les utilisateurs novices comme par ceux plus expérimentés. En entreprise, des processus rigoureux de validation des outils permettent aussi d’accélérer et surtout de légitimer l’acceptation.