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4.3 Les dispositifs à rendu kinesthésique

4.3.3 Haptique passive

Il existe un autre moyen assez simple d’introduire un retour kinesthésique. Il est possible d’interposer un objet tangible colocalisé avec la zone de collision de l’objet virtuel et de se débrouiller pour que les sujets ne fassent pas la différence entre les deux [Carlin et al., 1997; Hoffman, 1998]. On parle alors d’haptique passive, d’augmentation tactile, ou encore

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dans certains cas de pseudo-haptique s’il n’y a pas de nécessité de colocalisation [Lecuyer et al., 2003]. Une interface telle a des contraintes différentes selon le dispositif d’affichage qui lui est couplé.

• Dans un HMD qui occulte l’environnement extérieur, on peut placer tous les objets tangibles que l’on veut de part et d’autre du sujet. On perd tout de même une partie de l’intérêt du virtuel, sa souplesse. On ne peut plus s’immerger dans différents scénarios en quelques clics car il faut replacer avec soin différents objets, dont la localisation doit être calibrée avec précision en fonction de l’environnement.

• L’usage d’un CAVE oblige en plus à utiliser des objets peu visibles. Les contraintes d’intrusivité et les besoins en matière de précision nous obligent à utiliser seulement des objets transparents, fins et plans (comme expliqué dans le paragraphe Spécificités propres aux environnements non intrusifs), traités anti-reflets et anti-rayures, avec de fortes contraintes sur les traces d’usure et de saleté. La reproduction des textures est limitée à des surfaces lisses, tandis que le retour d’effort se limite à des objets durs, impénétrables et statiques.

Malgré ces contraintes, l’haptique passive permet d’ajouter un retour haptique simple et peu cher à la simulation, tout en étant parfois bien plus performant que les systèmes complexes décrits précédemment. Ceci se fait au prix d’une mise en place plus lourde et à réitérer pour chaque nouvelle simulation, ainsi que d’une plus faible adaptabilité du système qui ne se prête qu’à quelques cas d’usage précis.

Un exemple de système haptique passif transparent localisé par les technologies infra- rouges d’A.R.T est représenté figure 4.11.

En augmentant la confusion entre réel et virtuel à travers les mémoires visuelles et hap- tiques (et non plus seulement visuelles), on augmente le réalisme de la simulation [Hoffman, 1998]. Malgré sa simplicité apparente, cette méthode a déjà fait ses preuves, par exemple pour aider à guérir de l’arachnophobie [Carlin et al., 1997]. Et pour minimiser encore la complexité de la technique, on peut approximer la forme des objets sans en faire trop souffrir le ressenti comme l’a fait Insko [2001] avec des assiettes.

Fixation

Les objets interposés doivent être placés dans la simulation à des lieux bien précis. Dans un HMD, seule la rigidité peut poser problème. Mais dans un CAVE, les fixations doivent se plier aux même contraintes d’intrusivité que le système haptique en lui-même, ce qui rentre en compétition directe avec la rigidité nécessaire au rendu haptique.

Le point d’attache de l’objet tangible doit être, comme l’objet lui-même, le moins visible possible. Le support doit cependant permettre la résistance aux efforts qui seront exercés par la suite, ainsi que la tenue d’une calibration précise et robuste. Ces efforts restent à définir en fonction des situations, car le moins grand ils sont, le plus invisible le support et l’objet interposé peuvent être.

Calibration – Il est nécessaire, une fois le moyen de fixation de la vitre obtenu, de placer la vitre réelle sur le lieu exact de l’objet virtuel dont elle produit le retour haptique. Nous avons étudié deux philosophies de calibration.

FIGURE 4.11 – Une plaque transparente interposée liée à un bras Ergotron c LX.

La transparence de la plaque permet son utilisation dans un CAVE. Le support est intrusif mais possède une bonne rigidité, et ses articulations permettent de replacer la plaque si besoin. La plaque est trackée par un système A.R.T. c pour conserver sa colocalisation en cas

de mouvement.

• La calibration analytique. Pour cette méthode, on place la vitre réelle au lieu théorique de la vitre virtuelle. Cela nécessite une calibration particulièrement fine du visuel, en pratique complexe à mettre en œuvre (les défauts du visuel sont détaillés dans le chapitre 5).

• La calibration subjective. Ici, on demande à chaque sujet de colocaliser lui-même le réel et le virtuel de façon qu’ils coïncident pour sa vision. Cette méthode peut sembler plus contraignante car elle requiert de recalibrer le système pour chaque nouvel usager. En pratique, elle permet une précision parfois supérieure (et acceptable) à celle de la méthode précédente, grâce à la prise en compte sous-jacente des spécificités morphologiques du sujet.

Spécificités propres aux environnements non intrusifs

Il n’est pas trivial de reproduire un objet physique à l’identique de l’objet virtuel et de les superposer, d’autant plus dans des environnements qui nécessitent peu d’intrusion. On pense évidémment aux CAVEs, où l’on aimerait intégrer ce type d’objet sans qu’ils jurent avec le reste de la scène.

• D’une part, la transparence doit être irréprochable. Non seulement pour ne pas polluer l’espace visuel et rompre la présence, mais aussi pour des soucis de perception spatiale. En effet, dès lors que l’objet n’est ne serait-ce qu’un petit peu visible, celui-ci est perçu comme devant tous les objets virtuels par l’ordre de chevauchement. La perception de la profondeur est particulièrement affectée.

• Dès qu’un objet transparent est trop épais ou, pire, s’il n’est pas plan, les lois de la réfraction engendrent de fortes imprécisions et déformations de l’image comme expliqué figure 4.12).

• Une fois que l’on s’est contraint à n’utiliser que des objets plans, le problème des bords se pose. Les bords d’une plaque vitrée sont souvent des arêtes simples, qui causent de fortes disparités d’opacité et de déviation de la lumière. Si les arêtes

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FIGURE4.12 – La réfraction sur un objet plan. Dans cette situation, si le regard est à 30 et

pour une largeur d’objete= 5mm, la différence de position est de ∆ = 1.1mm.

ne sont pas parfaitement colocalisées sur leurs homologues virtuels, elles risquent d’être parfaitement visibles. Dans la pratique, on préfère éloigner les bords de la vitre des bords de l’objet virtuel, car la colocalisation est presque toujours imparfaite, et ce défaut ressort moins si les bords sont éloignés. Si l’on tient à la colocalisation, chaque petit défaut, et notamment la latence, devient une rupture de superposition impactante qui doit être considérée.

Pilotage dynamique

Pour dynamiser le dispositif mais aussi le rendre plus rapide à configurer, on peut ima- giner un système d’articulations permettant de piloter un objet tangible aux endroits où il est nécessaire d’appliquer un retour kinesthésique. Un tel système doit à nouveau être suffisamment rigide, mais il doit également être doté d’un algorithme d’anticipation de mou- vements performant. Pour finir, il doit avoir les spécificités habituelles des bras haptiques : fréquence supérieure à 1Khz, silence en fonctionnement, vitesse, précision et finesse élevées. Une collaboration entre Renault et Clarté a pour objectif le développement d’une Interface à Contact Intermittents de ce type, destinée à simuler différentes textures grâce à un système de changement d’outil au bout d’un bras de robot à algorithmie prédictive. Microsoft a aussi quelques études sur le sujet, et notamment le TouchMover [Mike Sinclair, 2013], où un écran bouge en profondeur pour que sa vitre s’interpose en cas de collision virtuelle (figure 4.13).

FIGURE4.13 – L’interface TouchMover de Microsoft.L’écran avance et recule en fonction de la profondeur de l’objet touché.

Forces Faiblesses

Kinesthésie réelle Calibration complexe requise

Cutanée tangible Texture unique

Ergonomique Plus ou moins intrusif

Spécifique à certains usages TABLE4.6 – Pros et cons des systèmes d’haptique passive.