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Les dispositifs d’haptique sans contact

4.2 Les dispositifs à rendu cutané

4.2.3 Les dispositifs d’haptique sans contact

Des dispositifs d’haptique sans contact ni contrainte d’objet à porter ont été développés plus récemment. Ces systèmes sont encore hautement expérimentaux et non utilisables en l’état, mais ont l’avantage d’apporter un léger retour kinesthésique en plus du ressenti cutané. On peut les séparer en deux grandes familles.

Les systèmes à jet d’air

Ces dispositifs exercent un rendu haptique en projetant un jet d’air vers la main ou l’organe visé. L’effort est celui de l’air et est donc plutôt léger, et il est difficile d’en faire un outil fin et précis, ni encore rapide. Très sensibles au vent mais aussi aux obstacles, ils nécessitent un environnement dédié. Plusieurs systèmes de ce type ont vu le jour récemment.

Les jets d’air continus – Ils constituent la solution la plus évidente. Il s’agit de piloter un ou des becs d’expulsion d’air pour qu’ils envoient le bon jet au bon endroit et au bon moment [Tsalamlal et al., 2014].

Les jets d’air sont soigneusement étudiés : la forme du bec, la puissance du compresseur, la largeur du faisceau et son mode de turbulence initial sont autant de paramètres dont l’influence est considérable. La portée du faisceau est un compromis entre un toucher précis, de qualité, localisé, mais à courte distance (environ150 mm), et un toucher moins précis, moins fort mais sur une zone plus large et pour une portée supérieure (jusqu’à450 mm). Les sensations offertes par ces dispositifs ne sont ni fines, ni robustes, ni d’une amplitude particulièrement avantageuse [Suzuki & Kobayashi, 2005]. Mais elles ont le mérite d’être délivrées, et en continu.

Les tourbillons toriques ponctuels (Vortex rings) – Ils se présentent comme une solution alternative discrète. La forme torique permet au jet d’air de conserver sa vitesse et sa stabilité plus longtemps dans les airs, même si en contrepartie aucun rendu continu n’est possible. Encore une fois, il faut robotiser le bec d’expulsion d’air et le commander avec précision en temps réel.

Ces systèmes ont aussi l’avantage d’être théoriquement abordable, avec par exemple le système Aireal de Disney Research [Sodhi et al., 2013] que l’on voit figure 4.3, dont certaines

4.2. Les dispositifs à rendu cutané

FIGURE4.3 – Un système AIREAL de Disney Research [Sodhi et al., 2013].

pièces sont simplement imprimées en 3D avec du plastique bon marché. Une commerciali- sation n’est cependant pas envisagée pour l’instant.

Les efforts engendrés sont à nouveau légers [Gupta et al., 2013] :180N à 1m, ou 90N à 2, 5m, le tout pour une résolution spatiale d’une dizaine de centimètres, révisée selon la distance. Les sujets évoquent le même ressenti que si un papillon se posait sur leur main. Mais la latence est aussi un vrai problème : le tourbillon d’air décélère rapidement au cours de son trajet, et on peut atteindre quasiment une demi-seconde de délai pour des contacts à 2, 5m, Un délai suffisant pour que le doigt ait bougé avant que le rendu haptique n’arrive jusqu’à sa cible.

Malgré leurs défauts et leurs compromis, ces appareils ont un espace d’utilisation large et offrent un retour kinesthésique faible mais existant. Ils ne sont pas encore ni commercialisés ni même en développement précédant une commercialisation, mais les technologies restent à suivre.

Les systèmes à variations de pression acoustique

Les systèmes à variation de pression acoustiques ont beaucoup fait parler d’eux assez récemment. Le premier système [Iwamoto & Shinoda, 2008] pouvait générer un point focal fixe grâce à 91 transducteurs, et son évolution [Hoshi et al., 2010] était à même de faire bouger le point focal avec 324 transducteurs. Aujourd’hui, le dispositif UltraHaptics [Carter et al., 2013] commence même à être commercialisés dans les laboratoires (figure 4.4). Ces systèmes fonctionnent grâce à un effet non linéaire des ultrasons, la pression des radiations acoustiques. Ils sont composés d’une matrice de transducteurs qui émettent chacun un signal d’ultrasons, dont la phase est commandée de manière à synchroniser les pics de pression en des points focaux précis.

Les efforts sont alors déterminés selon l’équation 4.2 [Hoshi et al., 2010] :

F = α ρc Z wf/2 −wf/2 Z wf/2 −wf/2 p(x0, y0)2 2 dx0dy0 (4.2)

FIGURE 4.4 – Le kit d’évaluation UltraHaptics

avec

• F représente l’effort total.

• α = 1 + R2 ≈ 2 car le R2 (coefficient de réflexion du doigt) est environ égal à 1,

c’est-à-dire que l’onde est presque totalement réfléchie. • ρ est la densité du milieu.

• c est la célérité de la lumière.

• p(x0, y0) est le champ de pression sonore généré par les ultrasons.

• wf est le diamètre du point focal.

Efficacité – À l’heure actuelle, ces systèmes ne peuvent reproduire qu’un effort faible, de l’ordre du gramme en équivalent poids. De plus, l’effort maximal diminue en fonction du nombre de transducteurs sollicités et est rapidement plus difficile à percevoir. Il est également important de garder à l’idée que les signaux continus sont moins bien détectés par les mécano-récepteurs qui s’adaptent, et l’on détectera plus facilement des taps et des clics plutôt qu’un toucher prolongé.

La bande de fréquence des sons émis par ces dispositifs est large et l’amplitude dépasse les seuils de sensibilité des mécano-récepteurs de la main, tandis que la résolution spatiale est d’une vingtaine de millimètres.

Le volume utile se limite à une portée verticale d’une vingtaine de centimètres. Le système peut donc être intégré à l’environnement mais doit rester dans un environnement proche ; dans un CAVE, il est compliqué à camoufler. Ce type de dispositif se prête par contre tout à fait à écrans flottants [Monnai et al., 2014] ou aux interactions tactiles aveugles qui nécessitent des indices haptiques en amont du contact. Par exemple, on peut intégrer une technologie semblable derrière la console centrale d’un véhicule automobile, comme l’a fait BMW.

Pour finir, les systèmes révèlent une dernière problématique de sécurité. Les ultrasons, bien que peu audible par l’oreille humaine, dépassent le seuil de douleur théorique de l’ouïe. En revanche, l’effort mecanique engendré est sans danger dans son intensité actuelle.