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Gestion de ces défauts dans la simulation

FIGURE 5.4 – L’influence de la hauteur des yeux.

5.2.5 Conflit d’accommodation et de vergence

Dans les environnements de type CAVE ou HMD, l’affichage stéréoscopique se fait sur un écran plan. L’accommodation est donc effectuée à une distance focale constante, tandis que la vergence se fait à la profondeur virtuelle des objets de la scène et pas seulement dans le plan de l’écran. Cette disparité entre distances de collimation et d’accommodation pose plusieurs problèmes :

• L’accommodation est un indice de profondeur dans le réel, et le cerveau ne comprend pas forcément qu’il ne faut pas en tenir compte dans le virtuel. Heureusement, cet effet n’est pas le plus prépondérant [Kenyon et al., 2008], mais tend à faire minimiser les distances.

• Lorsqu’un utilisateur tente de toucher un objet virtuel, l’approche visuelle est un peu confuse. L’utilisateur a le choix entre regarder l’objet à toucher ou son propre doigt, mais ceux-ci ne sont pas dans le même plan d’accommodation. La différence de netteté entre les deux objets, selon que le sujet accommode sur l’un ou sur l’autre, ajoute un malaise supplémentaire dans l’intégration numérique/physique.

5.2.6 Manque d’indices visuels

Le manque global d’indices visuels est une source importante de fluctuations de la per- ception spatiale. Il a été prouvé par le passé que l’environnement virtuel doit être le plus riche possible, doté d’objets reconnaissables et de tailles connues [Kenyon et al., 2007], qui servent de repères dimensionnels aux utilisateurs. Sans ces repères, le cerveau reçoit moins d’informations spatiales sur son environnement, en plus des informations contradictoires décrites précédemment. Le cerveau ne peut donc pas fusionner ces informations en une perception spatiale robuste [Ernst & Bülthoff, 2004], il en résulte des fluctuations des perceptions des utilisateurs au cours même de la simulation.

5.3

Gestion de ces défauts dans la simulation

5.3.1 Influence des défauts

Comme on a pu le voir dans cette partie, l’espace visuel vu dans les environnements virtuels n’est pas parfait. Les sources de défauts citées plus hauts, plus ou moins influentes, peuvent fausser :

• La perception des distances. • La fidélité des échelles.

• La déformation des objets. • La localisation des objets.

D’une manière générale, les distances sont souvent sous-estimées [Hibbard & Bradshaw, 2003], et ce différemment d’un simulateur à un autre [Combe et al., 2008]. L’importance de ce phénomène est à relativiser, car la perception du réel est également biaisée : on surestime les distances inférieures à 2m et on sous-estime les distances supérieures à 3m [Loomis et al., 1996]. Mais le réel n’a pas de remise en cause possible de sa légitimité (comme expliqué partie 2.1.3), contrairement au virtuel qui laisse planer le doute. De plus, certains conflits (comme l’accommodation/vergence) rendent impossible que la perception soit parfaite, le cerveau ne pouvant pas totalement ignorer ses entrées perceptives.

Ces défauts visuels vont, comme on l’a dit, rendre la synchronisation avec l’haptique bien imprécise et ce particulièrement dans les CAVEs. Tant que tout est virtuel, les problèmes sont moindres et seules quelques déformations peuvent être détectables par un utilisateur aguerri. Les vrais défis apparaissent lorsque les sujets voient du virtuel mélangé au réel (la scène virtuelle et le corps réel, et donc particulièrement dans les CAVEs). La colocalisation physique/numérique ne se fait pas à cause du décalage du virtuel. Lorsque l’avatar de la main, invisible, touche un objet, il est bien possible que le sujet voit sa main réelle encore loin de cet objet ou alors déjà à travers celui-ci. Cela peut produire de la frustration, ou pire, l’impossibilité d’interagir.

5.3.2 Solutions adaptées

Eye tracking – La position parfois peu précise de l’œil virtuel étant si importante, l’idéal serait de localiser directement les yeux dans l’espace [Wann et al., 1995] au lieu de passer par le head-tracking rendu par les lunettes. Cependant, les dispositifs de tracking des yeux n’ont pas encore les mêmes souplesses, robustesses, accessibilités et prix que les systèmes de tracking de la tête. Ces technologies sont à suivre, particulièrement dans les casques qui commencent à en être équipés par les constructeurs.

Minimiser les erreurs – Même si la solution parfaite n’existe pas encore, on peut au moins en faire le plus possible pour se rapprocher de la fidélité spatiale, minimiser les défauts de perception des distances et des échelles avec les moyens à disposition pour que l’haptique soit moins limitée en performance par le visuel. Certains utilisateurs mesurent seulement quelques paramètres, l’IPD en particulier. Une mesure de l’IPD seul améliore peu la situation, étant donnés les nombreux autres facteurs d’erreur qui s’additionnent. De plus, il est capital d’introduire dans la scène le plus d’indices visuels possible, comme décrit au début de la partie 3.1.

Le contexte et le déroulement de la simulation est aussi important : par exemple, les sujets qui interagissent avec leur environnement en perçoivent mieux les dimensions [Richardson & Waller, 2007]. Forcer les sujets à se concentrer sur les divers indices disséminés dans leur environnement leur permet de mieux les assimiler et d’avoir moins de charge cognitive disponible pour se concentrer sur les autres défauts de la simulation.

Il est également possible de faire le choix, comme dans la partie 8, d’inverser le raisonne- ment. Au lieu de replacer le visuel, on tente par diverses méthodes de déplacer le moteur d’interaction là où l’utilisateur le voit.

CHAPITRE 6

CONCEPTION D’INTERFACES

HOMMES-MACHINES EN RÉALITÉ

VIRTUELLE

6.1

Introduction et contexte

À l’heure où l’haptique est de plus en plus souhaitée dans des simulateurs de réalité vir- tuelle très performants sur le visuel, les implémentations de systèmes adéquats ne sont pourtant pas encore au rendez-vous. La faute à des systèmes qui manquent de maturité, que l’on parle de la famille des SPIDARs à l’ergonomie peu engageante, des gants vibrotac- tiles avec leur absence totale de retour kinesthésique, ou encore des bras mécaniques et exosquelettes motorisés avec leur intrusivité maximale. Chaque dispositif est un compromis sur certaines modalités d’interaction. Les besoins, bien que variés, sont pourtant précis et chaque cas d’usage ne nécessite pas d’exploiter l’ensemble des possibilités de l’haptique. Il faut avant tout ajouter des possibilités d’interaction performantes aux environnements virtuels.

En automobile, les Interfaces Hommes-Machines (IHMs) de la planche de bord sont des systèmes où l’innovation sur l’ergonomie, le design ou l’utilisabilité est permanente. En résultent de nombreuses interfaces variées à concevoir, prototyper, évaluer, valider. Les technologies du virtuel permettent de procéder à toutes ces étapes de façon plus efficace et agile, en évitant au maximum les prototypes physiques et en offrant la possibilité d’essais en contexte, à l’intérieur du véhicule, voire même en conduisant.

6.1.1 État de l’art spécifique

Se limiter à un cas d’usage précis permet de choisir un système haptique adapté, qui ne nécessite pas de répondre à d’autres besoins. Pour cette étude, deux dispositifs d’haptique passive sont évalués comparativement à un système de substitution sensorielle. Les pro- blématiques de perception spatiale sont particulièrement influentes, car l’utilisation d’un CAVE apporte son lot de contraintes, comme l’intrusivité visuelle [Scheibe et al., 2007], l’intrusivité physique, la synchronisation visuo-haptique ou l’utilisabilité industrielle.

Haptique passive

Les systèmes d’haptique passive ont récemment reçu une attention particulière de la com- munauté scientifique. Ils consistent à placer un objet tangible au même endroit qu’un objet virtuel qui nécessite de procurer un retour haptique. Les sujets confondent ainsi réel et virtuel, et peuvent toucher l’objet.

Hoffman [1998] a obtenu un retour sensoriel haptique satisfaisant en introduisant des assiettes réelles dans un environnement virtuel. Carlin et al. [1997] ont évalué la possibilité de guérir la phobie des araignées grâce à une implémentation similaire d’araignées en plas- tique, et ont également obtenu des résultats prometteurs. Insko [2001] a significativement amélioré la présence virtuelle dans un décor visuel de falaise par l’ajout d’haptique passive. Chacun a conclu que l’haptique passive génère un retour sensoriel approprié dans de nom- breuses situations, et a fourni des preuves de l’intérêt à ajouter des capacités haptiques aux environnements virtuels. L’haptique passive, sans danger, abordable, facile à implé- menter et ne nécessitant aucune puissance de calcul supplémentaire, est particulièrement intéressante, mais présente tout de même quelques défauts :

• Chaque objet passif doit être précisément ajusté, recalibré ou même construit à chaque changement de scène virtuelle, réduisant de fait la souplesse plébiscitée des technologies virtuelles.

• Les objets physiques ne peuvent pas être masqués par des objets virtuels, ce qui peut causer des aberrations de superposition.

• La cohérence entre les positions des objets réels et virtuels peut s’avérer complexe à atteindre, principalement en raison de l’erreur sur la localisation des yeux [Chen et al., 2014; Dodgson, 2004; Kenyon et al., 2007; Wann et al., 1995].

Substitution sensorielle

Les barrières techniques responsables des difficultés à équiper en systèmes haptiques les simulateurs de réalité virtuelle sont hautes, et particulièrement face aux retours kinesthé- siques. Pour ces raisons, des solutions plus légères ont été envisagées afin d’ajouter des possibilités d’interactions malgré tout, notamment à travers la substitution sensorielle : remplacer le sens du toucher par celui de la vision ou de l’ouïe.

Des indices visuels réalistes, comme des ombres portées ou des interréflexions, ont permis d’augmenter significativement les performances des interactions dans plusieurs études [Chan et al., 2010; Hu et al., 2000; Madison et al., 2001]. Kitagawa et al. [2004] ont mesuré les performances de sujets appliquant des efforts en présence d’indices non réalistes visuels et auditifs, et ont conclu que les indices visuels continus ont une forte valeur ajoutée tandis que les indices auditifs peuvent s’avérer trop intrusifs si utilisés à outrance. De la même manière, Sreng et al. [2009] ont comparé l’ajout de glyphes et de flèches à l’ajout de lumières, et ont conclu que le visuel choisi était dépendant de l’information recherchée (position, effort, contact). Dans des recherches similaires, Petzold et al. [2004] a conclu qu’en dépit des intérêts certains de la substitution sensorielle, les sujets sont confrontés à une surcharge cognitive dues à la traduction de données visuelles en efforts.

Perception spatiale

La perception de la profondeur et des échelles n’est pas toujours exacte dans les environne- ments virtuels et elle dégrade l’expérience haptique. Dès lors qu’un sujet voit un objet en un