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Les Systèmes à base de règles

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PARTIE 3 État de l’art

3.2 Les Systèmes à base de règles

3.2.1

MYCIN

Depuis les années 1970, l'intelligence artificielle a été étudiée à des fins d’aide à la décision, y compris dans le domaine médical.

L’un des premiers et sans doute le plus célèbre système expert en médecine est MYCIN (Shortliffe 1987). MYCIN utilise une connaissance issue d'experts humains et représentée sous la forme de règle de production.

Les règles de production sont caractérisées par la description d’un comportement qui doit être appliqué dans certaines circonstances, et écrites classiquement sous la forme d’une déclaration SI-ALORS, où la condition est un test logique (Figure 15).

MYCIN a été réalisé à Standford dans les années 1970 par l’équipe de Shortliffe dans le but de diagnostiquer l’origine infectieuse d’une méningite, et de proposer un traitement en fonction des germes responsables (le nom Mycin vient du suffixe « mycin » de certains antibiotiques).

Le système en lui-même est composé d’une base de connaissance de plusieurs centaines de règles, ainsi que d’un moteur d’inférence les exploitant.

En entrée, les médecins utilisateurs doivent répondre à des questions par oui ou par non ; le système fournit alors une liste de bactéries vraisemblablement responsables de l’infection analysée, par ordre décroissant de probabilité. Également, le système propose des traitements antibiotiques par efficacité décroissante d’après le site de l’infection et le type de bactérie impliquée.

SI <condition> ALORS <conséquence> Figure 15 – Syntaxe d’une règle de production

Un exemple de règle est présenté dans la Figure 16.

IF stain of organism is gram negative AND

morphology is rod AND

is anaerobic THEN

suggestive that class is enterobacteriaceae (CF 0.8)

Figure 16 – Une des règles de MYCIN (noter le niveau de confiance de l’inférence, ici 80%) Dans le cas de MYCIN, le système utilise la logique des prédicats, et est capable de répondre à des questions sur son raisonnement afin d’en éliciter les étapes pour l’utilisateur médecin ; c’est cette particularité qui donne l’apparence d’un « expert » humain au système. Les systèmes experts reposaient sur une connaissance experte transformée pour être utilisable par le système, processus long et fastidieux.

Ceci étant, les performances du système MYCIN étaient encourageantes et

dépassaient celles d'experts du domaine dans certains cas : sur 10 cas réels et en double

aveugle, le système est arrivé premier face à 8 médecins dont 5 experts (Yu et coll. 1979) ; on peut donc dire que l’objectif d’atteindre un certain niveau de décision experte a été atteint.

Malgré son succès initial, et de façon analogue à la plupart des systèmes experts

médicaux conçus depuis, MYCIN n'a jamais été utilisé dans des conditions de soin

réel ; néanmoins, l’expérience de recherche s’est poursuivie avec de nouvelles versions:

E-MYCIN et KEE, créées dans les années 1980. On peut évoquer trois explications à cette non-utilisation :

1- Les utilisateurs potentiels étaient sceptiques quant aux performances des systèmes automatiques, et les médecins en général ne considéraient alors pas qu'un ordinateur puisse faire mieux qu'un humain.

2- Les ordinateurs en 1970 étaient des machines couteuses et volumineuses ; de façon plus générale, les ordinateurs n’étaient pas utilisés par le grand public.

3- La complexité d’utilisation et les difficultés de maintenance du système limitaient son usage dans le temps en situation réelle.

Désormais, la performance inégalée pour un faible coût des ordinateurs modernes et des systèmes à base de connaissance représentent une opportunité pour l'adoption de tels systèmes, particulièrement dans le domaine biomédical, non pour remplacer les médecins mais pour soutenir la décision médicale. Également, les systèmes experts dits de deuxième génération posent le problème de la modélisation des connaissances de façon bien plus ambitieuse, en séparant le processus de représentation des connaissances du processus de résolution. Ces nouvelles approches ont pour vocation de représenter la connaissance de l’expert au plus près de ce qu’elle est réellement et lui confère sa qualité d’ « expert ».

3.2.2

Avantages et Inconvénients des règles de production

Les avantages des systèmes à base de règles sont liés à la facilité de créer lesdites règles relativement rapidement, et le fait qu’elles peuvent être manipulées indépendamment. Il est également possible de programmer le flux d’application des règles, c'est-à-dire l’ordre avec lequel les règles vont s’appliquer.

Également, le mode de déclenchement des règles par l’identification de leur condition en fait des mécanismes efficients sur le plan computationnel, et les capacités actuelles permettent de gérer un grand nombre de règles simultanément.

En revanche, il existe plusieurs limites des systèmes à base de règles : du fait de l’indépendance des règles entre elles, il peut être difficile de prévoir le comportement d’un système à base de règles, ce qui est un verrou important pour la pratique en soin courant. Il est également difficile de prévoir la conséquence de l’ajout ou de la modification d’une règle au sein du système. Les déclenchements potentiellement en cascade et l’interaction de nombreuses règles parfois concurrentes sont susceptibles de provoquer un « effet papillon », c'est-à-dire une grande modification de comportement en réponse à une légère modification du modèle de connaissance. Nous illustrons ci-après quelques problèmes types d’interactions entre les règles de production.

Le problème de la circularité

SI absence de pouls ALORS arrêt cardio-circulatoire

SI arrêt cardio-circulatoire ALORS absence de pouls

Le problème de la redondance

SI absence de pouls ALORS arrêt cardio-circulatoire

Si absence de pouls ET ECG : asystolie ALORS arrêt cardio-circulatoire

Le problème de l’incompatibilité

SI absence de pouls ALORS arrêt cardio-circulatoire

SI absence de pouls ET ECG : rythme sinusal ALORS PAS d’arrêt cardio-circulatoire

Bien entendu, ces problèmes dépendent du soin de la modélisation, et donc de la méthode d’acquisition de la connaissance qui doit être représentée dans le modèle ; cependant, cette tâche, qui peut être réalisée de différente manière, est classiquement très difficile. Un mécanisme de vérification de la cohérence et de maintenance des règles est donc éminemment souhaitable.

Nous ne distinguerons pas ici les nuances entre systèmes à base de règles de production et connaissance procédurale ; les lecteurs intéressés sont invités à consulter l’excellent ouvrage de Greene, Clinical Decision Support : The Road Ahead, qui présente par ailleurs Arden Syntax, système hybride et par ailleurs standard qui cherche à circonvenir à certaines difficultés énumérées ci-avant (Greenes 2007; Pryor & Hripcsak 1993).

De manière générale, les problèmes liés aux interactions entre règles sont à l’origine d’un consensus : ce type d’approches à base de règles est préférable pour le cas d’alertes relativement simples ou de rappels (reminders), par exemple dans le cas d’une valeur de kaliémie hors norme.

En contraste, de nombreux travaux ont cherché à capturer sous la forme d’un formalisme logique les connaissances complexes contenues dans les guides de bonne pratique et autres recommandations de société savante. Ces formalismes seront mentionnés ci-après.

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